Question de M. COLLIN Yvon (Tarn-et-Garonne - RDSE) publiée le 03/04/2003

M. Yvon Collin attire l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur la nécessité de l'adaptation de la législation française au statut de la Cour pénale internationale. En effet, la ratification du statut de cette cour par un Etat entraîne pour ce dernier l'obligation de modifier sa législation au regard du statut précité. Par l'adoption de la loi " relative à la coopération avec la Cour pénale internationale " du 26 février 2002, la France s'est engagée dans ce processus d'adaptation. Il reste cependant aujourd'hui à adopter la seconde partie de la loi d'adaptation, notamment car la législation hexagonale ne reconnaît pas les crimes de guerre en tant que tels. Or, l'article 124 du statut permet aux Etats parties de ne pas accepter la compétence de la cour à l'égard de ce type de crime, pour une période de sept ans à partir de l'entrée en vigueur du statut. Et la France de s'être prévalue de cet article lors de la ratification de la convention. C'est ainsi que la date du 1er juillet 2002 a créé pour la France une situation de vide et d'insécurité juridiques, sources potentielles d'impunité. Conscient que la complémentarité régit les rapports entre la cour et les tribunaux internes et soucieux de voir s'affirmer pleinement ce pilier de la justice internationale, il paraît nécessaire d'inscrire la France dans une dynamique forte de coopération avec la Cour pénale internationale. En conséquence, il lui demande ce qu'il envisage afin de promouvoir une adaptation efficace de la législation nationale au statut de la Cour pénale internationale.

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Réponse du Ministère de la justice publiée le 05/06/2003

Le garde des sceaux, ministre de la justice, indique à l'honorable parlementaire que, si les crimes de guerre ne sont pas définis en tant que tels dans notre législation, la plupart d'entre eux peuvent déjà être poursuivis sur le fondement du code pénal ou du code de justice militaire et que rien ne s'oppose dès à présent à ce que les personnels français, civils ou militaires, qui commettraient de tels crimes soient traduits devant les tribunaux français ; la circonstance que la France ait effectivement effectué une déclaration au titre de l'article 124 du statut de la Cour pénale internationale n'empêche aucunement les juridictions pénales françaises de juger, le cas échéant, les auteurs des infractions considérées. Si notre pays a déclaré, lors du dépôt de son instrument de ratification afférent à la convention de Rome portant statut de la Cour pénale internationale, qu'il entendait se prévaloir des dispositions de l'article 124 précité qui permettent à un Etat partie de décliner, pendant une période de sept ans, la compétence de la Cour pénale internationale pour les crimes de guerre commis par ses ressortissants ou sur son territoire, une telle déclaration a pour seule finalité de vérifier l'efficacité des garanties introduites dans le statut pour éviter des plaintes abusives ou fondées sur des motifs politiques. De telles plaintes ne sont naturellement pas envisageables pour un génocide ou pour d'autres crimes contre l'humanité qui ont par définition un caractère massif et systématique. En revanche, les crimes de guerre, dont la définition dans le statut englobe la commission d'actes isolés, laissent ouvertes de telles perspectives. Des plaintes sans fondement pourraient ainsi être dirigées contre les personnels de pays qui, comme la France, sont fortement engagés sur des théâtres extérieurs, notamment dans le cadre d'opérations humanitaires ou de maintien de la paix, et dont le seul objet serait d'embarrasser publiquement ces pays, voire le Conseil de sécurité lui-même. Eu égard à la fois aux responsabilités qui sont celles de la France en matière de maintien de la paix et la sécurité internationales et au risque particulier de détournement de la Cour pénale internationale à des fins autres que judiciaires, les autorités françaises ont estimé que cette période probatoire de sept ans était nécessaire pour pouvoir apprécier in concreto si les dispositions procédurales insérées dans le statut pour éviter que la Cour ne soit " instrumentalisée " fonctionnent de manière satisfaisante. Pendant cette période, notre pays pourra intervenir, notamment lors de l'Assemblée annuelle des Etats parties, pour mettre en lumière tel ou tel dysfonctionnement. Il convient, par ailleurs, de préciser qu'un projet de loi comportant notamment les incriminations permettant de couvrir, de la manière la plus exhaustive possible, les comportements prohibés par la convention susvisée est actuellement en cours d'élaboration. Ce projet de loi devrait être présenté avant l'été en conseil des ministres.

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