Question de M. ÉMIN Jean-Paul (Ain - UMP) publiée le 03/04/2003

M. Jean-Paul Emin appelle l'attention de M. le ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire sur la situation juridique des fonctionnaires territoriaux détachés auprès d'une entreprise privée assurant une mission de service public, cas prévu à l'article 2-5 du décret n° 86-68 du 13 janvier 1986 modifié. Il cite la situation des agents d'une communauté de communes chargés de la collecte des ordures ménagères, détachés auprès d'une entreprise privée lorsque la communauté de communes a cessé de gérer directement le service de collecte et l'a confié à cette entreprise dans le cadre d'un marché public. Si les fonctionnaires détachés continuent à bénéficier de leurs droits à avancement et à la retraite au sein de leur cadre d'emplois comme précisé dans l'article 64 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 modifié portant statut de la fonction publique territoriale, ils exercent en revanche leur activité dans les conditions du droit privé. Or, le conseil de prud'hommes s'est déclaré incompétent au sujet d'un litige entre les agents détachés et l'entreprise concernée. Cette position soulève la question du statut de ces personnels dans le cadre de leur détachement. La situation du détachement pose question également sur le plan de la retraite, et notamment quant à la jouissance immédiate de la pension de retraite à l'âge de cinquante-cinq ans pour les agents ayant accompli au moins quinze années de services actifs ou dits de catégorie B. En effet, au regard de cette règle posée par le décret n° 65-773 du 9 septembre 1965 modifié relatif au régime de retraite des fonctionnaires affiliés à la CNRACL, ces services ne semblent apparemment pas pris en compte dans le cas d'un détachement auprès d'une entreprise privée. Au regard de ces difficultés, la mise à disposition de ces fonctionnaires auprès de l'entreprise concernée semblerait une solution beaucoup plus simple et mieux adaptée. Il lui demande en conséquence de bien vouloir lui préciser d'une part, le statut des agents détachés vis-à-vis de leur employeur privé, de leurs droits à la retraite et de la question des services actifs accomplis et, d'autre part, s'il envisage une extension des cas de mise à disposition aux entreprises privées chargées d'une mission de service public pour l'exécution de ce service.

- page 1104


Réponse du Ministère de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire publiée le 22/01/2004

L'article 64 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale dispose d'une part dans son premier alinéa que : " le détachement est la position du fonctionnaire placé hors de son cadre d'emplois, emploi ou corps d'origine mais continuant à bénéficier, dans ce cadre d'emplois, emploi ou corps, de ses droits à l'avancement et à la retraite ". D'autre part, aux termes du troisième alinéa du même article, " le fonctionnaire détaché est soumis aux règles régissant la fonction qu'il exerce par l'effet de son détachement ". Ces deux alinéas posent le principe de la double carrière applicable aux fonctionnaires détachés. En conséquence, si les fonctionnaires détachés dans une entreprise privée conservent leur droit à avancement et à la retraite, ils sont néanmoins régis par les règles du droit privé, c'est-à-dire le droit du travail et les conventions collectives. Ainsi, suivant une jurisprudence constante et déjà ancienne, le tribunal des conflits, dans sa décision du 18 juin 2001, Potreau c/ Société de transports de la vallée de la Basse-Seine, a rappelé que : " ... nonobstant le fait que le détachement de M. Potreau ait été décidé dans le cadre de dispositions régissant la fonction publique territoriale et que l'intéressé ait continué à bénéficier des avantages liés à son statut de fonctionnaire pendant la durée de son détachement, le contrat qui l'a uni à la société TVBS est un contrat de droit privé ; qu'il en résulte que la demande [...] relève de la compétence du juge judiciaire ". De plus, l'ouverture des droits à pension permettant de déterminer l'âge minimum requis pour prétendre aux droits à pension est fixé, en particulier pour la catégorie active, à cinquante-cinq ans, le bénéficiaire devant avoir accompli au moins quinze ans de services effectifs aux termes de l'article 119 de la loi du 26 janvier 1984 précitée qui a maintenu les dispositions de l'article L. 416-1 du code des communes. Or les services accomplis dans une position autre que l'activité ne sont considérés comme services effectifs que si le cadre d'emplois auquel appartient le fonctionnaire détaché l'a expressément prévu. Cette règle s'applique quelle que soit la nature de l'établissement d'accueil en détachement. Aussi, les services effectués auprès d'une entreprise privée ne peuvent être assimilés à des services effectifs (cour administrative d'appel de Nantes, 25 mars 1999, Le Clec'h contre caisse des dépôts et consignations). En conséquence, les services effectués par des fonctionnaires détachés dans une entreprise privée ne pouvant être qualifiés de services effectifs au sens de l'article 119 précité, ils ne sauraient être pris en compte pour le calcul des quinze ans définis ci-dessus. De plus, l'ouverture des droits à pension doit cependant être distinguée de la constitution des droits à pension. En effet, les fonctionnaires détachés continuant à bénéficier de leur droit à retraite aux termes de l'article 64 de la loi du 26 janvier 1984 et donc de cotiser à la caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL), les périodes de détachement sont prises en compte pour la constitution du droit à pension. Aux termes de l'article 61 de la loi du 26 janvier 1984 précitée, " la mise à disposition est la situation du fonctionnaire qui demeure dans son cadre d'emploi [...]. Elle ne peut avoir lieu [...] qu'au profit des collectivités et établissements concernés par la présente loi ". Par ailleurs, la mise à disposition d'agents publics auprès d'entreprises privées est prohibée. Elle aboutirait en effet à une forme d'aides publiques aux entreprises. Or celles-ci sont strictement encadrées et font l'objet d'un contrôle rigoureux par le juge des comptes.

- page 174

Page mise à jour le