Question de M. AUTEXIER Jean-Yves (Paris - CRC) publiée le 19/06/2003

M. Jean-Yves Autexier appelle l'attention de M. le ministre de la culture et de la communication à propos de l'atteinte à la liberté d'expression dont a fait l'objet le groupe Jalons. Après avoir tenté en vain de faire interdire en justice sa parodie Fientrevue, le mensuel Entrevue, dont le groupe Hachette-Filipacchi est actionnaire principal, a exigé un million d'euros de dommages et intérêts pour contrefaçon, concurrence déloyale et parasitisme. C'est la première fois, en dix-sept ans de pastiches de presse que le groupe Jalons fait l'objet d'une procédure de la part des journaux parodiés. Il lui demande si cette démarche ne constitue pas, à ses yeux, une remise en cause de la liberté de la presse et du droit à la critique garantis par la Constitution, et s'il compte faire valoir l'intérêt de cet exercice éditorial, si apprécié dans notre pays, qu'il s'agisse du pastiche ou de la parodie.

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Réponse du Ministère de la culture et de la communication publiée le 18/09/2003

Dans un souci de protection de la liberté d'expression, principe à valeur constitutionnelle, le législateur a établi une exception au droit d'auteur ; l'article L. 122-5 4° du code de la propriété intellectuelle prévoit que lorsque l'oeuvre a été divulguée, l'auteur ne peut pas interdire " la parodie, le pastiche et la caricature compte tenu des lois du genre ". L'existence de cette exception, fondée sur la liberté d'expression, est confortée au niveau communautaire par la directive 2001/29/CE du 22 mai 2001 relative à l'harmonisation de certains aspects du droit d'auteur et des droits voisins dans la société de l'information, qui préserve la possibilité pour les Etats membres de prévoir une exception au droit d'auteur lorsqu'il s'agit d'une utilisation à des fins de caricature, de parodie ou de pastiche (article 5-3 k). Si la loi ne reconnaît pas cette exception de parodie en matière de droit des marques, la jurisprudence tend à l'admettre. Cette dernière s'attache à constater, d'une part, l'absence de risque de confusion et, d'autre part, à relever l'intention humoristique (exclusive de l'intention de nuire) de l'auteur de la parodie. Par ailleurs, la responsabilité de l'auteur d'une parodie de marque peut être engagée sur le fondement de la responsabilité délictuelle. La jurisprudence apprécie dans cette hypothèse si l'auteur ne dépasse pas le genre satirique et si la parodie est constitutive d'un préjudice. En l'espèce, par une ordonnance de référé en date du 28 mai 2003, le président du tribunal de grande instance de Nanterre a rejeté la demande formulée par la société éditrice du magazine Entrevue tendant à constater la violation de ses droits d'auteur et de ses droits de marque ainsi que le préjudice qui lui aurait été causé par la publication du magazine Entrevue, édité par la société Jalons éditions. Le président du tribunal a constaté que la publication Entrevue apparaissait clairement comme une caricature et que son contenu visait à parodier le modèle dans un objectif humoristique. Il a indiqué qu'il était impossible d'affirmer qu'il y aurait confusion avec le magazine Entrevue ou intention de nuire de l'éditeur ayant réalisé la parodie. Il a enfin relevé qu'il appartiendra aux juges du fond de déterminer si Jalons éditions est sortie des lois du genre en concevant et en éditant leur magazine Entrevue et si elle a ainsi causé un préjudice à la société éditrice d'Entrevue.

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