Question de M. GODEFROY Jean-Pierre (Manche - SOC) publiée le 02/10/2003

M. Jean-Pierre Godefroy souhaite attirer l'attention de Mme la ministre de la défense sur l'arrêté du 24 juillet 2003 relatif à la protection du secret de la défense nationale dans le domaine de la protection et du contrôle des matières nucléaires publié au Journal officiel du 9 août 2003. Cet arrêté dispose que désormais " les renseignements relatifs aux transports nucléaires présentent un caractère secret défense ". Jusqu'à présent, le transport des matières nucléaires n'était pas classé secret défense. A l'instar de la politique de transparence mise en place par la COGEMA, la commission d'information de La Hague (CSPI) avait justement été mise en place pour dédramatiser le fait nucléaire et assurer une très large information de la population et des autorités. Cet arrêté du 24 juillet, d'ailleurs en contradiction avec plusieurs résolutions du Parlement européen, laisse supposer un retour en arrière dommageable en termes de transparence. Il souhaite donc connaître les raisons précises ayant prévalu à la prise de cette décision de classement secret défense ainsi que la portée exacte de cet arrêté.

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Réponse du Ministère délégué aux libertés locales publiée le 08/10/2003

Réponse apportée en séance publique le 07/10/2003

M. Jean-Pierre Godefroy. Monsieur le ministre, je souhaite attirer l'attention du Gouvernement sur l'arrêté du 24 juillet 2003 relatif à l'application du secret défense dans le domaine de la protection et du contrôle des matières nucléaires, publié au Journal officiel du 9 août 2003.

Cet arrêté dispose que, désormais, « les renseignements relatifs aux transports nucléaires présentent un caractère secret défense », ce qui n'était pas le cas jusqu'à présent.

Ma première question est simple : quelles sont les raisons précises ayant prévalu à la prise de cette décision ainsi que la portée exacte de cet arrêté ?

Je rappellerai que, à l'instar de la politique de transparence voulue par la Compagnie générale des matières nucléaires, la COGEMA, la commission d'information de La Hague, la CSPI, avait justement été mise en place par M. Louis Darinot, alors député de Cherbourg, afin de dédramatiser le fait nucléaire et d'assurer une très large information de la population et des autorités.

Cet arrêté du 24 juillet pourrait laisser supposer un retour en arrière dommageable en termes de transparence, sa signature en plein été, sans information préalable, contribuant à semer le doute.

Si la transparence doit bien sûr être compatible avec la sécurité, elle doit cependant être préservée ; j'insiste sur le fait qu'elle a permis l'acceptation par la population locale de l'activité de retraitement de déchets nucléaires dans le Nord Cotentin.

Sous quelle forme la transparence sera-t-elle désormais organisée ?

Les maires concernés par le passage, routier ou ferroviaire, de ces combustibles irradiés et de ces déchets seront-ils informés ? Le problème est le même pour les ports, notamment celui de Cherbourg : les dates et les conditions des chargements et déchargements des combustibles irradiés, la nature, l'origine, la destination, seront-elles communiquées ?

Par ailleurs, comment sera assuré le contrôle indépendant de non-contamination des containers ? Je rappelle, monsieur le ministre, que le problème d'un défaut de conditionnement au départ de certaines centrales s'est déjà posé. Je pense notamment, à cet égard, à une contamination détectée au terminal de Valognes, ayant contraint les « expéditeurs » à revoir leurs conditions de préparation des convois.

Cette contamination pourra-t-elle encore être détectée avec l'application du secret défense ? Quelle est l'utilité d'appliquer le secret défense à des transports civils ou à la totalité de la filière nucléaire ? Une telle précipitation était-elle nécessaire ? Les avis de la CSPI et de la COGEMA auraient peut-être pu être recueillis.

Je terminerai mon intervention par une question : le secret défense s'applique-t-il également aux sites de stockage de l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs, l'ANDRA, s'agissant des transports et des contrôles ?

Monsieur le ministre, je pense que la transparence est absolument indispensable, même si je ne suis pas du tout en désaccord avec la nécessité de la sécurité.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Patrick Devedjian, ministre délégué aux libertés locales. Monsieur le sénateur, je souhaite tout d'abord vous rassurer sur le fond de votre question : il n'y a pas et il n'y aura pas de remise en cause de la politique de transparence voulue par le Gouvernement dans le domaine nucléaire.

Je tiens d'ailleurs à rappeler que le Gouvernement a décidé de soumettre prochainement au vote du Parlement le projet de loi sur la transparence nucléaire qui avait été déposé par le gouvernement précédent, preuve que les convictions en matière de transparence sont partagées et dépassent les clivages politiques traditionnels.

L'arrêté technique pris en août dernier par le haut fonctionnaire de défense vise uniquement à protéger les seules informations qui revêtent des enjeux pour la sécurité de nos concitoyens, notamment dans le cadre de la prévention du terrorisme.

Comme chacun peut aisément le comprendre, cette sécurité passe bien évidemment par le maintien de la confidentialité de certaines informations relatives aux dispositifs de protection des matières concernées.

Comme son titre l'indique, cet arrêté ne porte que sur la « protection du secret de la défense nationale dans le domaine de la protection et du contrôle des matières nucléaires ».

Il convient de bien distinguer les informations relatives à la protection et au contrôle des matières nucléaires dangereuses ou proliférantes en elles-mêmes, qui font l'objet de cet arrêté et qui doivent bien évidemment rester confidentielles pour ne pas faciliter un acte terroriste, et le reste du domaine nucléaire, notamment l'exploitation habituelle, pour laquelle une politique de totale transparence, même en cas d'incident, doit prévaloir. En conséquence, les règles actuelles de communication de tous les opérateurs resteront inchangées, tant sur les aspects de sûreté que sur ceux qui sont relatifs aux transports, dans un souci de transparence et d'information du public.

La portée de cet arrêté est donc simple : il s'agit de protéger les données qui pourraient permettre à des malveillants de s'attaquer ou de dérober des matières nucléaires civiles ou militaires.

Cependant, la portée de cet arrêté a pu être mal interprétée.

C'est pourquoi un représentant du haut fonctionnaire de défense participera à la réunion publique de la CSPI qui se tiendra demain, 8 octobre. Par ailleurs, le haut fonctionnaire de défense rencontrera prochainement les principales associations concernées afin de donner toutes les explications nécessaires sur la véritable portée de cet arrêté, dans le sens que je viens d'indiquer : il s'agit de se protéger contre le terrorisme, point qui, je crois, peut faire l'objet d'un consensus.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.

M. Jean-Pierre Godefroy. M. le ministre nous annonce que les informations seront données dès demain à la CSPI et que nous pourrons prochainement débattre de cette question à l'occasion de l'examen du projet de loi sur la transparence nucléaire. Je ne peux bien sûr que le remercier de cette réponse.

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