Question de Mme BEAUDEAU Marie-Claude (Val-d'Oise - CRC) publiée le 06/11/2003

Mme Marie-Claude Beaudeau attire l'attention de M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité sur la réglementation relative à la production, à l'utilisation, à la mise en vente et à l'importation des produits chimiques contenant des éthers de glycol. Elle lui fait observer que les éthers de glycol, massivement utilisés depuis les années soixante-dix en tant que solvants dans de nombreuses préparations à usage domestique et industriel, sont produits à plus de 900 000 tonnes chaque année dans le monde, dont 30 000 sont utilisées en France. Au moins un million de salariés manipulent quotidiennement ces substances, dans un nombre considérable de secteurs d'activité : sérigraphie, industrie automobile, maroquinerie, nettoyage, coiffure, BTP, peinture, et ce dans le secteur privé comme dans le secteur public. Elle lui fait remarquer qu'aucun éther de glycol, malgré la forte nocivité et l'importante toxicité des molécules chimiques composant ces produits, n'a fait à ce jour l'objet d'une classification dans la catégorie 1 des cancérogènes, qui correspond aux " substances connues pour altérer la fertilité dans l'espèce humaine ". Il existe une soixantaine d'éthers de glycol, dont vingt-quatre sont reconnus toxiques et cancérogènes, répartis en deux branches : la série P et la série E. Les quatre éthers de glycol de la série E ainsi que d'autres éthers de la série P sont ainsi considérés comme particulièrement dangereux pour la santé de l'homme et la reproduction, entraînant cancers du foie, cancer des testicules, leucémies, stérilité, fausses couches, atteintes rénales, atteintes au développement embryon-foetal et sur le système hématopoïétique... Depuis plus de deux décennies, études, recherches scientifiques, avis d'alerte, interdiction des éthers de glycol dans certains pays se sont succédés. Si un arrêté du 7 août 1997 a interdit la mise sur le marché et l'importation de quatre éthers de glycol, cet arrêté est à destination du public, et ne s'applique donc pas à l'usage professionnel. Elle lui fait observer que cette réglementation ne prévoit aucune mesure d'interdiction complète, malgré la préconisation en novembre 2000 par la Commission de la sécurité des consommateurs souhaitant la substitution complète " à brève échéance " des éthers de glycol de la série E. En décembre 2002, le Conseil supérieur d'hygiène public de France se prononçait quant à lui pour l'interdiction de sept éthers de glycol. Elle lui demande de lui faire savoir les mesures qu'il envisage de prendre pour que soient immédiatement interdits d'emploi, de fabrication, de vente, d'utilisation et d'importation les vingt-quatre éthers de glycol cancérogènes, et afin de contraindre les entreprises utilisatrices à la substitution de tout produit dangereux par un produit ne pouvant porter atteinte à la santé de l'homme.

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Transmise au Ministère délégué aux relations du travail


Réponse du Ministère délégué aux relations du travail publiée le 02/09/2004

L'attention du Gouvernement est appelée sur les mesures relatives aux éthers de glycol dans le cadre, plus large, de la protection contre le risque chimique, en milieu professionnel. De manière générale, la prévention des risques chimiques, responsables de pathologies à effets différés, est une constante priorité d'action, mettant l'accent sur le développement des connaissances scientifiques. Celui-ci est indispensable car, dans le monde entier, l'évaluation reste très lacunaire au regard des 100 000 substances existantes. Tel est le sens des actions déterminées du Gouvernement concernant le programme européen REACH, en négociation à Bruxelles, ou les plans d'action nationaux comme le " plan cancer ", le " plan national santé-environnement ", actuellement mis en oeuvre ou le " plan santé-travail ", en cours d'élaboration. La question plus spécifique des éthers de glycol appelle une réponse circonstanciée, dans la mesure où il s'agit d'une famille de solvants dont une trentaine environ ont donné lieu à une exploitation industrielle. Ils se répartissent en deux séries : les dérivés de l'éthylène glycol (E) et ceux du propylène glycol (P), considérés comme moins toxiques en l'état des connaissances scientifiques disponibles. Il est cependant impossible de décrire une toxicité globale des éthers de glycol puisque chaque molécule possède des propriétés particulières. Cette famille chimique a fait l'objet d'applications industrielles multiples telles que peintures, encres, vernis, colles, cosmétiques, carburants aéronautiques, produits d'entretien, produits phytosanitaires. Le marché européen en consommait 400 000 tonnes, en 2000, le marché français, 30 000 tonnes, en 1997. Leur utilisation tend à décroître et les substances de la série P - moins dangereuse - à remplacer celles de la série E. Ainsi, en France, l'utilisation des 9 éthers de glycol classés internationalement comme reprotoxiques de catégorie 2, ne représentait plus que 3 % des quantités de 1993, (153 tonnes). L'état des lieux scientifique est le suivant. 28 éthers de glycol ont fait l'objet d'une classification harmonisée au niveau européen (procédure de la directive 67/548/CEE, fondée sur une évaluation scientifique internationale validée), sous l'impulsion forte de la France. Sur ces 28 éthers de glycol, 13 sont classés comme nocifs et 12 comme irritants. S'agissant des effets sur la reproduction humaine - principale caractéristique de certaines de ces molécules - aucune n'est classée comme reprotoxique de catégorie 1 (effets avérés chez l'homme) ; 9 sont classées reprotoxiques de catégorie 2 (effets avérés chez l'animal), une dixième (l'EGDEE, devant prochainement entrer dans cette catégorie), tandis qu'une est classée en catégorie 3 (effets suspectés chez l'animal). Aucun éther de glycol n'est classé comme cancérogène. En termes de prévention, le régime juridique applicable découle de la classification communautaire européenne. Le classement en catégorie 1 ou 2 entraîne automatiquement, dans tous les pays d'Europe, une interdiction d'incorporation dans les produits à destination du grand public (cf. en France, arrêté du 7 août 1997). S'agissant des applications industrielles, en milieu professionnel, aucun éther de glycol n'a été interdit dans aucun pays d'Europe. La stratégie de protection des travailleurs est donc fondée - en premier lieu - sur le principe de substitution. Celui-ci fait obligation aux industriels utilisateurs de remplacer les éthers de glycol reprotoxiques dès que cela est techniquement possible par des substances non ou moins dangereuses. Dans les cas où la substitution s'avère techniquement impossible, la production et l'utilisation doivent se faire en système clos et, si celui-ci est impossible à mettre en oeuvre, le niveau d'exposition doit être réduit aussi bas qu'il est techniquement possible. Le cadre juridique assurant la mise en oeuvre de ces mesures est complet, en France. Il a été modernisé et renforcé par le décret du 1er février 2001 qui prévoit, en outre, une protection spécifique renforcée des femmes enceintes et allaitantes et par le décret du 23 décembre 2003, modifiant le code du travail. Depuis plusieurs années, le ministère du travail a mené ou s'est associé à de nombreuses actions tendant à supprimer les risques liés à l'utilisation d'éthers de glycol. Il s'est largement attaché à améliorer les connaissances disponibles, en prolongement de l'expertise collective de l'INSERM qu'il avait co-commanditée, en 1998. Il a ainsi chargé l'INRS - désigné par la France comme autorité compétente pour participer aux travaux scientifiques européens - de réactualiser les données scientifiques pour 16 éthers de glycol. Il co-finance également, avec l'Institut de veille sanitaire, deux études d'envergure ayant pour objet d'évaluer les effets potentiels sur la reproduction. Pleinement associé au plan interministériel piloté par le ministère de la santé, dans un souci de rigueur et de cohérence, le ministère du travail a, naturellement, développé des initiatives dans le champ d'action qui lui est propre. En termes de contrôle, il a, par exemple, mené une campagne spécifique, en 2001, dans le cadre des actions prioritaires de l'inspection du travail. En termes de sensibilisation, il a élaboré divers documents d'information, avec l'appui de la CNAMTS et de l'INRS, organisé une journée à destination des professionnels et une autre journée d'échanges avec les scientifiques. Les initiatives des pouvoirs publics, comme les efforts des industriels vers la substitution, résultant de la réglementation applicable ont eu un impact fort sur l'utilisation des éthers de glycol connus comme dangereux et offrent des résultats encourageants qui ne désactivent, en rien, la vigilance des autorités publiques. De leur côté deux organismes professionnels regroupant les principaux utilisateurs français d'éthers de glycol ont signé, début 2004, des chartes volontaires qui amplifient le mouvement de substitution. Il va de soi qu'en fonction de l'évolution des connaissances scientifiques internationalement validées - qui sont la base de toute décision - toutes les solutions normatives sont ouvertes sans écarter, au besoin, l'hypothèse d'interdictions plus larges.

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