Question de M. HÉRISSON Pierre (Haute-Savoie - UMP) publiée le 15/01/2004

M. Pierre Hérisson rappelle à M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales que diverses lois sont venues ces dernières années, et plus particulièrement en 2002 et 2003, réaffirmer les pouvoirs de police des maires et renforcer les compétences des polices municipales. Cette police, complémentaire des forces de la police nationale et de la gendarmerie, a montré son utilité et son efficience aussi bien en milieu urbain que rural. La loi n° 2002-276 du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité permet aux établissements publics de coopération intercommunale de recruter des gardiens de police municipale pour les mettre à disposition des communes intéressées. La circulaire du ministère de l'intérieur de juin 2003 rappelle par ailleurs que " pendant l'exercice de leurs fonctions sur le territoire d'une commune, ces agents sont placés sous l'autorité du maire de cette commune. Les maires conservent donc leurs pouvoirs de police qu'ils ne peuvent déléguer à l'établissement public de coopération intercommunale ". Ainsi, le président de l'EPCI ne fait que recruter ces gardiens pour les mettre à disposition des communes membres et gérer leur carrière. Un exemple : une commune qui vient de rejoindre un EPCI a sa propre police municipale autorisée à porter l'arme. Si l'un de ses gardiens de la paix est appelé à exercer ses fonctions dans une autre commune dépendant de l'EPCI dont le maire n'a pas demandé ou obtenu l'autorisation d'armer sa police, celui-ci doit alors déposer son arme pour aller intervenir sans son arme dans cette collectivité. De nombreux contentieux ne manqueront pas de naître dans toutes sortes de situations. Par ailleurs, comment un président d'EPCI va-t-il faire ses choix pour envoyer sur tel ou tel terrain d'opération ses effectifs de police dont certains seront armés et d'autres pas ? Fédérer des moyens humains et matériels pour plus d'efficacité est une avancée significative pour parvenir à une plus grande sécurité pour nos concitoyens. Mais il faut attirer l'attention sur les difficultés, voire l'impossibilité, d'appliquer ce transfert de compétences devant cette instabilité juridique. Aussi il lui demande de bien vouloir lui apporter des précisions ainsi qu'aux services préfectoraux sur les compétences de chacun des acteurs de la sécurité dans l'intercommunalité, les compétences et responsabilités du président de l'EPCI vis-à-vis des maires et des personnels, par ailleurs la convention de coordination doit-elle être signée par chacun des maires ou (et) par le président de l'EPCI ? Quelle est l'autorité locale, maire ou président de l'EPCI qui doit solliciter le port d'arme ?

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Réponse du Ministère délégué aux libertés locales publiée le 28/01/2004

Réponse apportée en séance publique le 27/01/2004

M. Pierre Hérisson. Monsieur le ministre, vous me permettrez de vous exposer une difficulté nouvelle concernant les pouvoirs de police des maires et l'armement des polices municipales dans le cadre de l'intercommunalité.

En effet, ces dernières années, plus particulièrement en 2002 et en 2003, plusieurs textes ont réaffirmé les pouvoirs de police des maires et renforcé les compétences des polices municipales. Ces dernières, complémentaires des forces de la police nationale et de la gendarmerie, ont montré leur utilité et leur efficience aussi bien en milieu urbain qu'en milieu rural.

La loi du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité permet aux établissements publics de coopération intercommunale de recruter des gardiens de police municipale pour les mettre à disposition des communes membres intéressées. La circulaire du ministère de l'intérieur de juin 2003 rappelle par ailleurs que, « pendant l'exercice de leurs fonctions sur le territoire d'une commune, ces agents sont placés sous l'autorité du maire de cette commune. Les maires conservent donc leurs pouvoirs de police qu'ils ne peuvent déléguer à l'établissement public de coopération intercommunale. »

Ainsi, le président de l'EPCI ne fait que recruter des gardiens pour les mettre à disposition des communes membres et gérer leur carrière. Par exemple, dans mon département, la Haute-Savoie, une commune qui vient de rejoindre un EPCI possède sa propre police municipale autorisée à porter des armes. Si l'un des gardiens est appelé par le président de l'EPCI ou par un maire à exercer ses fonctions sur le territoire d'une commune dépendant de cette intercommunalité dont le maire n'a pas demandé ou obtenu l'autorisation d'armer sa police, ce gardien doit alors déposer son arme en respectant les règles de sécurité au coffre de la commune dont il dépend, pour intervenir ensuite sans cette arme dans la commune rattachée à l'EPCI où le maire n'a pas obtenu l'autorisation !

De nombreux contentieux ne manqueront pas de naître dans toutes sortes de situations. Par ailleurs, comment un président d'EPCI va-t-il faire ses choix pour envoyer sur un terrain d'opération ses effectifs de police, dont certains seront armés et d'autres pas, avec l'obligation de désarmer ceux qui le sont lorsqu'ils doivent se déplacer ?

Fédérer des moyens humains et matériels pour plus d'efficacité est une avancée significative, monsieur le ministre, pour parvenir à une plus grande sécurité pour nos concitoyens. Je me dois toutefois d'attirer votre attention sur les difficultés, voire sur l'impossibilité d'appliquer ce transfert de compétences en raison de cette instabilité juridique.

Aussi, je vous serais reconnaissant de bien vouloir apporter des précisions aux présidents d'EPCI, aux maires et aux services préfectoraux sur les compétences de chacun des acteurs de la sécurité au sein de l'intercommunalité ; de préciser les compétences et les responsabilités du président de l'EPCI à l'égard des mairies et des personnels ; de préciser si la convention de coordination doit être signée par chacun des maires ou par le président de l'EPCI, et de nous dire quelle est l'autorité locale, le maire ou le président de l'EPCI, qui doit solliciter le port d'arme.

Il me paraît nécessaire de préciser ces différents points à l'adresse des élus. Il me semblerait même utile d'adopter une modification indiquant que les policiers municipaux recrutés par le président de l'EPCI bénéficient de l'autorisation de port d'armes sur la totalité du territoire des communes concernées.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Patrick Devedjian, ministre délégué aux libertés locales. Monsieur le sénateur, je vais essayer de faire le point sur un système assez complexe, dont vous avez d'ailleurs rappelé les principaux éléments.

Effectivement, la loi du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité n'a pas confié de pouvoirs de police aux présidents des établissements publics de coopération intercommunale et n'a pas autorisé les maires à leur déléguer cette compétence.

Comme vous le soulignez, le président d'un EPCI ne peut, en application de l'article 43 de la loi relative à la démocratie de proximité, recruter que les gardiens de police municipale pour les mettre à disposition de l'ensemble des communes intéressées. Au cours d'une même journée, les agents de police municipale peuvent donc être amenés à exercer leurs missions sur le territoire de plusieurs communes. Ils sont alors placés sous l'autorité des maires de ces communes, qui conservent leurs pouvoirs de police.

En conséquence, la question de l'intercommunalité en matière de police municipale conduit à distinguer l'aspect fonctionnel, c'est-à-dire l'étendue des compétences et l'exercice des modalités de celles-ci, et l'aspect organique qui concerne les personnels et les matériels. Cette situation aboutit à une dualité d'autorité, vous l'avez souligné, qui est source de complexité : l'EPCI devient l'autorité de gestion administrative des agents de police municipale intercommunaux ; la commune demeure l'autorité d'emploi fonctionnelle de ces mêmes agents.

Ce dualisme a évidemment diverses incidences sur le régime des polices municipales.

Tout d'abord, aux termes de la loi du 27 février 2002, il revient à l'autorité de nomination, c'est-à-dire au président de l'EPCI, de demander l'agrément. C'est à lui qu'incombe cette obligation. Ce même texte prévoit qu'il est consulté en cas de suspension ou de retrait de l'agrément. Il lui revient également de proposer à l'agent concerné un reclassement dans un autre cadre d'emplois.

Pour ce qui concerne les conventions de coordination, selon les termes de l'article L. 2212-6 du code général des collectivités territoriales, les maires et les préfets en sont les seuls signataires. Dans le cadre de l'intercommunalité, cette compétence demeure justifiée, car elle est liée au pouvoir de police des maires et à leur statut d'autorité d'emploi fonctionnelle des agents de police municipale intercommunaux.

Le contenu des conventions de coordination peut résulter d'une réflexion menée entre les maires concernés, à l'échelon intercommunal. L'Etat incite d'ailleurs vivement à cette concertation préalable, afin de garantir la logique et la cohérence des conventions qui devront s'appliquer dans un cadre intercommunal. Toutefois, ces documents restent signés, en vertu de la loi, par chacun des maires, et non par le président de l'EPCI.

Si les agents de police municipale intercommunaux effectuent des missions relativement similaires dans chacune des communes concernées, le contenu des conventions de coordination devra être adapté en conséquence, afin que la complémentarité avec les services de sécurité de l'Etat tienne compte de cette nouvelle dimension intercommunale.

S'agissant de l'armement des agents de police municipale, l'article L. 412-51 du code des communes dispose que ceux-ci peuvent être autorisés par le préfet à porter une arme « sur demande motivée du maire ». La décision de déposer une telle demande relève donc toujours du pouvoir d'appréciation du maire ; le président de l'EPCI n'est pas compétent en ce domaine.

Toutefois, par souci de cohérence, il convient que les maires mènent une réflexion commune sur les missions qu'ils entendent confier aux agents de police municipale intercommunaux, afin de déterminer si ses membres ainsi que les circonstances dans lesquelles elles sont exercées, justifient le port d'une arme.

Lorsque des demandes d'armement émanent de maires employant des agents de police municipale intercommunaux, les préfets sont invités par le ministère à les examiner sur un plan intercommunal, c'est-à-dire à donner une réponse identique à chacun d'entre eux en fonction des risques évalués à l'échelle intercommunale, de façon à avoir un minimum de cohérence.

Par ailleurs, sur la question de l'armement, il paraît important de souligner qu'un projet de décret, sur le point d'aboutir, va donner aux polices municipales la possibilité de se doter de nouveaux équipements de type flash-ball.

Ainsi, l'introduction d'une arme à feu non létale dans des conditions normales d'emploi leur permettra, dans les cas de légitime défense, de riposter avec des moyens mieux proportionnés, car moins dangereux que les armes de quatrième catégorie que sont le calibre 38 spécial et le 7,65, - mais plus efficaces, car ces armes sont plus dissuasives que celles de sixième catégorie que sont la matraque ou la bombe lacrymogène.

Enfin, la question de la tenue d'uniforme, de la carte professionnelle, de la signalisation des véhicules de service, ainsi que de tous autres équipements, sera réglée par les décrets prévus à l'article L. 412-52 du code des communes.

Le décret relatif à la tenue doit paraître sous peu au Journal officiel. Il prévoit que l'EPCI doit prendre à sa charge les frais d'équipement en uniforme des agents de police municipale intercommunaux.

Un second texte réglementaire est en cours d'élaboration sur les véhicules et la carte professionnelle. Ses principes seront identiques.

Je voudrais toutefois vous apporter une dernière précision : l'article 111 du projet de loi relatif aux responsabilités locales, que vous devez connaître parce que vous avez participé au débat, adopté en première lecture par votre Haute Assemblée, prévoit, pour la première fois, un possible transfert, dans certaines conditions, des pouvoirs de police des maires aux présidents des EPCI.

Lorsque le texte sera définitivement adopté, le ministre de l'intérieur adressera aux préfets une circulaire destinée à clarifier le cadre dans lequel s'exercent toutes ces compétences et à préciser tous ces points qui, j'en conviens, sont parfois un peu confus.

M. le président. Je vous remercie, monsieur le ministre, de tous les efforts que vous faites pour clarifier cette situation.

La parole est à M. Pierre Hérisson.

M. Pierre Hérisson. Tout d'abord, monsieur le ministre, je souhaite vous remercier de la grande précision de votre réponse. Elle permettra d'éclairer l'ensemble des maires, dont ceux de mon département, bien sûr, sur la logique d'évolution en direction de l'intercommunalité. Le transfert des pouvoirs de police au président de l'EPCI sera donc progressif.

Je vous remercie également de vos précisions sur l'harmonisation en matière de matériel et d'habillement.

Il reste à insister auprès des préfets pour qu'ils examinent les demandes en ayant une vue globale, même si cela a déjà fait l'objet d'une circulaire.

Lorsque plusieurs communes nécessitent une autorisation de port d'arme, celle-ci doit être délivrée à l'ensemble des communes membres de l'EPCI, même si la situation de certaines d'entre elles ne le justifie pas. Je rappelle en effet que, dans les zones périphériques de certaines agglomérations, se sont créées des communautés de communes, lesquelles regroupent à la fois des communes sensibles de zone périurbaine et des communes rurales. Il serait regrettable, au motif que l'autorisation de port d'armes ne se justifierait pas dans les communes rurales, de priver les autres communes de l'EPCI de cette souplesse d'application. Dès lors que le recrutement sera effectué avec le sérieux qui convient, cette souplesse permettra de disposer de personnels et de moyens matériels cohérents et identiques sur l'ensemble du territoire d'un EPCI.

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