Question de M. SOUVET Louis (Doubs - UMP) publiée le 25/02/2004

M. Louis Souvet attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales sur l'accroissement du potentiel fiscal d'une commune membre d'une communauté d'agglomération survenu depuis le passage au régime de la taxe professionnelle unique. Cet accroissement ne traduit pas, en fait, une capacité d'enrichissement réel et, de plus, minore les dotations auxquelles la commune peut prétendre. Il lui demande si la réforme prévue des finances locales permettra de résoudre cette inadéquation de surcroît pénalisante pour les communes.

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Réponse du Ministère délégué à l'intérieur publiée le 14/04/2004

Réponse apportée en séance publique le 13/04/2004

M. Louis Souvet. Monsieur le ministre, ma question ne sera pas simple à exposer. J'en suis navré, mais elle est complexe et porte sur la technique financière.

Par une question écrite déposée le 11 juillet 2002, j'avais précédemment soulevé le problème de l'inclusion, dans le calcul du potentiel fiscal d'une commune membre d'une communauté d'agglomération, des gains de base de taxe professionnelle survenus depuis le passage au régime de la taxe professionnelle unique, la TPU.

En effet, cette situation peut pénaliser certaines communes qui se retrouvent, par exemple, exclues du bénéfice de la dotation globale d'équipement du fait d'une augmentation de leur potentiel fiscal imputable à la simple croissance des bases de taxe professionnelle, alors même qu'elles ne perçoivent en contrepartie de ladite taxe qu'une compensation d'un montant cristallisé à son niveau de l'année précédant le passage à la TPU, c'est-à-dire 1989.

Cet accroissement du potentiel fiscal d'une commune ne traduisant pas une capacité d'enrichissement réelle susceptible d'alimenter son budget porte en outre atteinte à d'autres ressources dans le calcul desquelles le même potentiel fiscal intervient : la dotation nationale de péréquation, la dotation de solidarité urbaine et la dotation de solidarité rurale, voire les dotations redistribuées par d'autres collectivités analysant elles aussi la richesse des communes à l'aune de leur potentiel fiscal.

La réponse qui m'avait été faite évoquait notamment une possible évolution de ce dispositif dans le cadre de la concertation alors prévue en vue de la réforme des finances locales de 2003. A défaut d'une telle évolution, le mode de calcul maintient une forme de surévaluation de la richesse des territoires passés sous le régime de la TPU.

En effet, l'augmentation des bases de taxe professionnelle survenue depuis l'année précédant l'instauration de la TPU est prise en compte deux fois.

Elle est prise en compte une première fois dans le calcul du potentiel fiscal de l'établissement public de coopération intercommunale, l'EPCI.

Elle est prise en compte une seconde fois dans celui des communes membres dudit EPCI, puisque leur potentiel fiscal englobe aussi la croissance des bases de taxe professionnelle de l'EPCI, redistribuée au prorata de la population de chaque commune, alors même que les ressources historiquement issues de la taxe professionnelle que ces communes perçoivent, le cas échéant par le biais d'une attribution de compensation, sont figées au niveau des bases de l'année précédant le passage à la TPU.

Cette double prise en compte d'une ressource nouvelle d'un territoire contribue à pénaliser injustement les collectivités ayant opté pour la TPU. La pertinence de l'évaluation de la richesse par le biais du potentiel fiscal s'en trouve affectée.

Par conséquent, en conclusion de mon propos, je vous demande, monsieur le ministre, quels aménagements sont envisagés afin de corriger ce mode de calcul du potentiel fiscal, qui va à l'encontre de la volonté affichée par les gouvernements successifs d'encourager le développement de la TPU.

M. le président. Avant de donner la parole à M. le ministre délégué, j'ai le plaisir d'informer la Haute Assemblée que M. le secrétaire général du Sénat, qui est assis à ma droite, a été promu par le Gouvernement commandeur dans l'Ordre national de la Légion d'honneur, le décret correspondant étant paru au Journal officiel d'hier.

Je lui adresse, au nom de tous mes collègues, mes plus vives et sincères félicitations. (Applaudissements .)

La parole est à M. le ministre délégué.

M. Jean-François Copé, ministre délégué à l'intérieur. Monsieur le président, le Gouvernement s'associe à vos félicitations pour cette distinction particulièrement méritée.

Monsieur Souvet, vous avez appelé l'attention du ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales sur une question sans doute quelque peu technique, mais d'une grande importance et dont l'incidence financière pour les communes concernées est réelle. Alors que nous engageons un mouvement important en faveur de l'intercommunalité, nous avons le devoir de progresser dans la réflexion sur ce sujet.

Comme vous le savez, monsieur le sénateur, le potentiel fiscal est un indicateur utilisé pour comparer la richesse fiscale potentielle des différentes collectivités. Il est obtenu en appliquant aux bases d'imposition des quatre taxes directes locales les taux moyens nationaux d'imposition à chacune de ces taxes. Il correspond au montant que percevrait la collectivité si elle appliquait une politique fiscale moyenne.

S'agissant des communes membres de communautés d'agglomération, comme pour l'ensemble des communes membres d'établissements publics de coopération intercommunale à taxe professionnelle unique, le calcul du potentiel fiscal est toutefois affecté par plusieurs spécificités concernant les bases de taxe professionnelle prises en compte.

La loi du 28 décembre 1999 a, en effet, prévu un mode de calcul particulier, consistant à ajouter aux bases de taxe professionnelle de la commune l'année précédant le passage à la TPU une quote-part de la variation des bases totales de l'EPCI constatée d'une année sur l'autre. Cette quote-part correspond à la part de la population de chacune des communes membres de l'EPCI au sein de la population totale de celui-ci.

Ce mode de calcul particulier est fondé sur les principes suivants : la prise en compte des bases de taxe professionnelle de l'année précédant le passage à la TPU correspond à ce que les communes perçoivent en termes d'attribution de compensation et économisent en termes de charges transférées ; la ventilation de la variation annuelle des bases de l'EPCI permet de prendre en compte, dans le potentiel fiscal des communes, le surcroît de « richesse » retiré par chaque commune de l'existence de l'EPCI, qui se traduit notamment par l'accroissement des services rendus aux habitants, voire par un renforcement des politiques de solidarité communautaire.

A défaut de cette répartition des augmentations de bases de taxe professionnelle entre toutes les communes membres de l'EPCI, seules la ou les communes sur lesquelles ces bases sont géographiquement implantées verraient leur potentiel fiscal croître, alors même que ces communes ne mobilisent plus la taxe professionnelle, dorénavant levée à l'échelon communautaire.

La réflexion en cours en matière de réforme des dotations de l'Etat aux collectivités locales doit aborder la question du mode de calcul du potentiel fiscal. Celui-ci est en effet affecté, d'une part, par le développement de la TPU, et, d'autre part, par la modification importante qu'a constituée la suppression progressive de la part « salaires » des bases de la taxe professionnelle depuis 1999.

Il apparaît à cet égard que, pour permettre de mieux comparer les niveaux de richesse des différentes communes, une piste à explorer pourrait être de faire évoluer la notion de potentiel fiscal vers une notion plus large de potentiel budgétaire. Ce dernier permettrait de tenir compte des évolutions intervenues depuis une quinzaine d'années, qui ont été marquées par un accroissement sensible des ressources autres que fiscales dans le total des ressources des collectivités locales.

Il s'agit là de l'un des aspects essentiels de la modernisation de notre système de finances locales. La réflexion est en cours et, au nombre des experts que le Gouvernement a entendu consulter, figure le Comité des finances locales, qui avait constitué, au début du mois de septembre 2003, un groupe de travail pour étudier ces sujets. Le rapport de ce groupe de travail représentera pour le Gouvernement un élément d'appréciation majeur. Il devrait être une base de travail importante pour la future réforme des dotations, mais il n'a pas encore été remis. Il convient évidemment d'attendre l'achèvement des travaux du groupe que j'ai évoqué, prévu pour le printemps, afin de préciser les voies et moyens d'une réforme du calcul du potentiel fiscal.

Je tiens à vous dire à ce stade, monsieur le sénateur, combien ce sujet est essentiel dans notre réflexion. Nous serons naturellement amenés à l'évoquer de nouveau, y compris avec vous, qui êtes l'un des très bons connaisseurs de ces questions.

M. le président. La parole est à M. Louis Souvet.

M. Louis Souvet. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le ministre. L'espoir fait vivre ; or vous m'avez donné de nombreuses raisons d'espérer !

En effet, vous m'avez indiqué que, dans le cadre de la réflexion en cours, serait envisagée une modification du calcul du potentiel fiscal. Vous avez évoqué, à cet égard, la notion plus large de potentiel budgétaire.

La réflexion est donc engagée, et j'espère qu'elle aboutira, car les communes concernées se trouvent actuellement gravement pénalisées et subissent une perte sèche. Or, nous le savons, on revient rarement en arrière sur ces questions.

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