Question de M. DOUBLET Michel (Charente-Maritime - UMP) publiée le 05/04/2004

M. Michel Doublet attire l'attention de M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire sur la fiscalité des vins de liqueur à AOC, dont fait partie le pineau des Charentes. La plupart des apéritifs à faible degré faisait déjà l'objet depuis plusieurs années d'une fiscalité particulièrement lourde fixée à 2,14 euros par litre. De ce fait, depuis un an, les apéritifs de type industriel, qui représentent en volume la moitié de cette catégorie, ont, pour ces raisons fiscales, modifié les conditions d'élaboration des produits destinés à être vendus en France. Ainsi, ils se sont quasiment exonérés de taxation, passant de 2,14 euros par litre à 0,034 euros par litre, sans pour autant baisser leur prix de vente aux consommateurs. Seuls, restent donc aujourd'hui lourdement taxés, les vins de liqueur produits selon les conditions d'appellation d'origine contrôlée (AOC). Les professionnels s'interrogent sur l'opportunité d'un régime fiscal aussi avantageux pour ce type de produit purement industriel, alors que des produits directement concurrents, soumis aux contraintes strictes d'une AOC, continuent de subir une fiscalité aussi lourde. De la même manière, est-il cohérent, au titre de l'harmonisation des accises entre produits obéissant à des contraintes similaires (vins doux naturels et vins de liqueur), que les vins de liqueur français se trouvent isolés dans une catégorie fiscale aussi défavorable. En conséquence, il lui demande quelles mesures il compte mettre en oeuvre pour répondre aux attentes des viticulteurs.

- page 2103


Réponse du Ministère délégué au commerce extérieur publiée le 05/05/2004

Réponse apportée en séance publique le 04/05/2004

M. Michel Doublet. Je ne compte plus les interventions que j'ai faites en une dizaine d'années, auprès des gouvernements successifs, sur la fiscalité des vins de liqueur à AOC, parmi lesquels figure le pineau des Charentes.

Or force est de constater que, à ce jour, aucune mesure concrète n'a été mise en place pour améliorer la situation à cet égard.

La fiscalité des vins de liqueur n'a fait l'objet d'aucun aménagement tendant à diminuer l'écart entre les accises portant sur les vins doux et celles qui frappent les liqueurs.

Ainsi, les vins de liqueur à AOC sont assujettis, au titre des accises, à une taxation quatre fois supérieure à celle qui est appliquée aux vins doux naturels, soit respectivement 2,14 euros par litre et 0,54 euros par litre.

L'appréciation de cet écart, que rien ne justifie, devait être soumise à la juridiction communautaire, comme cela avait été convenu avec le ministre du budget, dès 1994.

En effet, seule la Cour de justice des Communautés européennes est à même de juger si l'Etat français peut traiter fiscalement des produits similaires de manière aussi discriminatoire, allant ainsi à l'encontre des principes généraux du droit communautaire.

Sur le niveau de taxation, les producteurs d'apéritifs de type industriel comme Martini, Suze, Cinzano, qui représentent en volume la moitié de cette catégorie, ont, pour des raisons fiscales, modifié les conditions d'élaboration des produits destinés à être vendus en France.

Les vins de liqueur produits dans des régions déterminées restent donc quasiment seuls dans la catégorie fiscale des produits intermédiaires.

Ainsi, loin de subir contraintes pesant sur les produits d'appellation de qualité, élaborés dans le respect de règles strictement définies, le Martini est désormais fabriqué avec des vins à forts degrés, aromatisés, sans ajout d'alcool. De ce fait, et par un simple procédé industriel, sa fiscalité a été réduite de 98% et se situe désormais au même niveau que celle des vins, soit 0,034 euros par litre, entraînant une baisse de recettes fiscales de 60 millions d'euros par an.

Devant un tel contournement des règles fiscales, qu'en est-il de l'harmonisation des accises en France ?

La fiscalité des vins de liqueur à AOC doit donc subir une refonte progressive pour atteindre un niveau acceptable qui ne saurait être supérieur, à terme, à 30% ou 40% du taux appliqué aux spiritueux, soit au maximum la moitié du montant actuel.

En conséquence, monsieur le ministre, quelles mesures le Gouvernement compte-t-il mettre en oeuvre pour répondre aux attentes des viticulteurs et régler de manière définitive cette situation pénalisante pour nos producteurs ?

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. François Loos, ministre délégué au commerce extérieur. Monsieur le sénateur, mon collègue Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat au budget et à la réforme budgétaire, connaît bien le problème de l'harmonisation des droits d'accises entre les vins de liqueur et les vins doux naturels à AOC, que demandent depuis des années de nombreux producteurs de vins de liqueur à AOC. C'est pourquoi il m'a demandé de vous répondre de façon très précise.

Les vins doux naturels à AOC, vous l'avez rappelé, sont taxés à 54 euros par hectolitre, alors que tous les autres vins de liqueur sont soumis au droit de consommation à 214 euros par hectolitre. Cette différence de taxation résulte de l'application de la directive n° 92/83/CE relative à l'harmonisation de la fiscalité applicable aux boissons alcooliques, qui autorise, dans son article 18-4, les Etats membres à pratiquer un tarif réduit sur certains produits intermédiaires répondant à des conditions de production particulièrement restrictives, définies dans le règlement communautaire n° 1493/99.

Ainsi, les seuls produits pouvant bénéficier du taux réduit du droit de consommation sont les vins doux naturels à AOC. Les vins de liqueur de qualité produits dans des régions déterminées de l'Union européenne pour lesquels les producteurs sont en mesure de justifier qu'ils respectent des conditions de production au moins identiques à celles des vins doux naturels à AOC supportent, eux aussi, cette taxation réduite. A ce jour, seul le vin de Samos, en Grèce, répond à cette exigence.

Cette différence de taxation résulte de la volonté de compenser les contraintes de production plus rigoureuses supportées par les producteurs de vins doux naturels à AOC. Cette position a été confirmée par deux arrêts de la Cour de cassation, en date du 21 mars 2000 et du 18 avril 2000, relatifs au contentieux civil opposant les producteurs de vins doux naturels à ceux des vins de liqueur.

La Cour de cassation a réaffirmé que le traitement fiscal privilégié réservé aux vins doux naturels était permis par la directive n° 92/83/CE sans que puisse être constatée une atteinte aux principes communautaires d'égalité et de proportionnalité.

L'ensemble de ces raisons rend particulièrement difficile toute modification du différentiel de taxation entre les vins de liqueur et les vins doux naturels à AOC.

Après plusieurs décennies de mise en oeuvre de ce régime de taxation, Dominique Bussereau a souhaité que soit examiné très attentivement le bien-fondé de la pérennisation de ce différentiel.

A cette fin et dans un souci de concertation, a été décidée la constitution d'un groupe de travail associant l'ensemble des professionnels concernés par ce problème.

A la suite du plan pluriannuel d'aide au profit des interprofessions de vins de liqueur mis en place en 1994, le principe d'une nouvelle aide de 12 millions d'euros sur cinq ans a été arrêté par le Gouvernement et notifié en juin dernier à la Commission européenne. Ce plan sera mis en oeuvre dès l'obtention de l'accord de la Commission.

En résumé, d'une part, des crédits ont été prévus pour aider les producteurs et ils seront délégués dès lors que la Commission aura donné son autorisation ; d'autre part, afin d'analyser les possibilités d'application des textes européens existants, un groupe de travail rassemblant l'ensemble des professionnels concernés a été mis en place.

M. le président. La parole est à M. Michel Doublet.

M. Michel Doublet. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le ministre. Je sais que Dominique Bussereau doit nous réunir prochainement. Ma question d'aujourd'hui reprend d'ailleurs les termes de celle qu'il avait lui-même posée voilà quelques mois. Je souhaite que la réponse qu'il recevra de Bruxelles - rapidement, je l'espère - lui donnera, comme à moi, satisfaction.

- page 2732

Page mise à jour le