Question de Mme BORVO COHEN-SEAT Nicole (Paris - CRC) publiée le 06/04/2004

Mme Nicole Borvo attire l'attention de M. le Premier ministre sur les graves conséquences qu'aurait l'installation du nouveau tribunal de grande instance (TGI) de Paris sur les sites des hôpitaux de Saint-Vincent-de-Paul et de l'Hôtel-Dieu situés au coeur de Paris. Si la question d'une extension du palais de justice se pose à Paris, son emplacement ne saurait se faire au détriment d'une politique sanitaire parisienne déjà mise à mal par des dotations de l'Etat à l'assistance publique-hôpitaux de Paris (AP-HP) tout à fait insuffisantes. A l'heure où les populations parisiennes et franciliennes ont de plus en plus besoin de structures publiques de santé, il paraît indécent de ne pas garder une vocation sanitaire et hospitalière à ces sites. D'autant que sur Saint-Vincent-de-Paul tous les acteurs publics se sont engagés, notamment sur la création d'un grand pôle médico-social du handicap de l'enfant et de l'adolescent pour lequel une mission a été confiée à la direction départementale des affaires sanitaires et sociales (DDASS), à l'AP-HP et à la ville de Paris. En ce qui concerne l'Hôtel-Dieu, la fermeture mettrait fin à 350 000 consultations, plus de 100 000 passages dans le service d'urgence et 15 000 admissions par an alors qu'il faudrait développer au coeur de Paris un grand projet médical combinant des structures de santé publique, de soins de proximité et de prévention. En lieu et en place d'une politique de liquidation de sites hospitaliers et sanitaires, il faut au contraire répondre aux Parisiens et Franciliens en matière de santé et développer une politique nouvelle de reconnaissance du travail hospitalier ainsi qu'un plan de modernisation des hôpitaux et un budget donnant les moyens de mettre en place cette politique nouvelle. Elle lui demande par conséquent ce qu'il compte faire pour retirer ce projet d'installation du nouveau TGI sur les sites de Saint-Vincent-de-Paul et de l'Hôtel-Dieu.

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Transmise au Ministère de la justice


Réponse du Secrétaire d'Etat aux droits des victimes publiée le 28/04/2004

Réponse apportée en séance publique le 27/04/2004

Mme Nicole Borvo. Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, par courrier du 24 février, le préfet de région a fait connaître au maire de Paris l'intention de l'Etat d'implanter le tribunal de grande instance de Paris sur le site de l'hôpital Saint-Vincent de Paul et sur une partie importante de l'Hôtel Dieu, dans le centre de Paris. Il demande donc que soit prévu dans le futur plan local d'urbanisme de Paris un zonage adapté pour ces emprises.

Si la question d'une extension du palais de justice de Paris se pose depuis très longtemps et si l'on peut comprendre l'intérêt des professions judiciaires pour un site qui se trouve dans le IVe arrondissement, le choix que l'Etat voudrait faire est indécent, car il revient à sacrifier des sites hospitaliers aujourd'hui indispensables.

De plus, l'avenir des structures hospitalières et leur localisation doivent faire l'objet d'une concertation dans la transparence avec l'ensemble des parties concernées - élus, professionnels de santé, population - et aucune décision ne saurait être prise avant négociation et concertation à tous les niveaux.

L'Etat est-il bien au courant des réalités ? Le site de Saint-Vincent de Paul n'est pas libre : un projet concerté a été approuvé par le conseil d'administration de l'AP-HP pour la prise en charge des enfants handicapés. La situation parisienne en ce domaine est catastrophique, et les besoins sont importants. Un travail de concertation a été engagé sur ce sujet et la ville de Paris, la DASS et l'AP-HP ont conjointement diligenté une mission pour préciser le contenu du projet. Il est impensable que l'accord trouvé au terme d'un long processus de négociation et voté par le conseil d'administration de l'AP-HP soit remis en cause par un arrangement entre ministres !

Quant à l'Hôtel Dieu, il est au coeur de toutes les communications d'Ile-de-France, où transite une population considérable chaque jour. C'est dans cet hôpital que sont souvent accueilli les accidentés parisiens. Par ailleurs, il a montré combien il était précieux lors d'événements aussi tragiques que l'attentat du métro Saint Michel.

Il représente 100 000 passages dans le service d'urgences, dont 40 000 urgences médico-judiciaires chaque année, et 3 500 jeunes âgés de quinze à vingt-cinq ans en difficulté sociale et familiale sont adressés par la protection judiciaire de la jeunesse et la médecine scolaire à l'Espace Santé Jeunes.

Faire disparaître cet hôpital serait une honte. Il faudrait, au contraire, développer au coeur de Paris un grand projet médical combinant des structures de santé publique, de soins de proximité et de prévention, projet sur lequel les médecins et les personnels de l'hôpital travaillent depuis longtemps.

Ces deux projets de fermeture se heurtent à une opposition des populations, qui se sont mobilisées.

Par ailleurs, la majorité du conseil de Paris s'est prononcée contre la demande de l'Etat. D'autres localisations sont possibles, vous le savez.

Je vous demande, par conséquent, de retirer sans délai ce projet néfaste pour la santé de tous. Son maintien ne pourrait qu'entraîner des effets désastreux du point de vue tant sanitaire et social que de la crédibilité des engagements pris par les pouvoirs publics.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'Etat.

Mme Nicole Guedj, secrétaire d'Etat aux droits des victimes. Madame la sénatrice, le nouveau projet de palais de justice de Paris, pour la mise en oeuvre duquel un établissement public ad hoc a été créé sous l'impulsion du Président de la République, est un enjeu très important pour la justice et pour Paris.

Le ministère de la justice doit aujourd'hui répondre à une situation de dysfonctionnement critique, car le palais de justice actuel ne permet plus d'accueillir tous les services des juridictions parisiennes. Cette situation a conduit à la nécessité de reloger ces services dans des locaux souvent éloignés du palais de l'lle de la Cité.

L'éclatement du tribunal de grande instance sur plusieurs sites est néanmoins préjudiciable à l'accès au service public de la justice. En effet, seule une minorité d'initiés est aujourd'hui capable de se retrouver dans la multiplicité des sites judiciaires parisiens. Cela n'est pas acceptable. Pour garantir un égal accès de tous à la justice, il est important de disposer d'un lieu bien identifié. Comme tous les Français, les justiciables parisiens doivent disposer de locaux à la hauteur des besoins de la justice et de la place qu'elle occupe dans la société française. La capitale a besoin de ce grand projet structurant.

Le Gouvernement est déterminé à faire aboutir ce dossier dans des délais rapides. Compte tenu de l'ampleur des besoins - environ 100 000 mètres carrés -, de la rareté et du coût du foncier à Paris, la méthode la plus efficace pour faire aboutir ce dossier est d'étudier et de comparer toutes les possibilités techniques, sans a priori , en toute transparence et en concertation avec tous les acteurs, en particulier la ville de Paris.

Dès la création de l'établissement public, j'ai moi-même annoncé que cette méthode serait suivie. Sur une douzaine de sites identifiés ces dernières années, un examen technique et des compléments d'études sont en cours. Des contacts réguliers ont lieu entre l'établissement public et la ville de Paris.

C'est dans ce cadre que sont examinés les sites hospitaliers de Saint-Vincent de Paul et de l'Hôtel Dieu, mais il ne s'agit que d'hypothèses parmi d'autres. Aucune décision ne peut être prise aujourd'hui sur le ou les lieux d'implantation ; elle ne pourra l'être qu'à l'issue des premières études techniques et de la réactualisation des besoins du palais de justice. Surtout, cette décision ne pourra être prise qu'au terme de la concertation engagée avec tous les acteurs, au premier rang desquels figure l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris.

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo.

Mme Nicole Borvo. Madame la secrétaire d'Etat, je vous remercie de votre réponse.

Aucune décision n'a été prise, dites-vous. J'en prends acte. Je suppose que vous prendrez en considération, dans la concertation, le vote de la majorité du conseil de Paris ! En matière de décisions, les élus parisiens jouent en effet un rôle tout à fait important, et je suis certaine que vous partagez ce point de vue. Va-t-on demander aux Parisiens - moitié justiciables, moitié usagers des établissements de santé - de se déterminer ? Ce serait regrettable.

Je partage évidemment votre souci s'agissant du tribunal de grande instance, mais je considère qu'une solution est possible ailleurs qu'au centre de Paris. Une possibilité existe, vous le savez, notamment dans la ZAC rive gauche.

Aujourd'hui, alors que les hôpitaux de l'AP-HP se trouvent dans une situation difficile après des années de péréquation budgétaire interrégionale et intrarégionale, ils doivent réduire, sous l'injonction de l'ancien ministre de la santé, leurs dépenses de santé de 60 millions d'euros par an pendant quatre années. Il est également demandé à l'institution de vendre une partie de son patrimoine pour 170 millions d'euros, afin d'éponger une partie du déficit.

Il serait absolument indécent de supprimer des sites hospitaliers pour faire droit à la légitime demande des professionnels judiciaires et de la population et il faudrait que le ministre de la santé se réconcilie avec lui-même : la nuit, il se rend aux urgences de l'hôpital Saint-Antoine et s'émeut des difficultés de l'accueil des urgences ; le jour, il prend des décisions en matière de localisation hospitalière.

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