Question de Mme BOCANDÉ Annick (Seine-Maritime - UC) publiée le 30/04/2004

Question posée en séance publique le 29/04/2004

Mme Annick Bocandé. Ma question s'adresse à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.

Monsieur le ministre, un de nos collègues parlementaire et maire a annoncé qu'il procéderait, le 5 juin prochain, au mariage de deux personnes de même sexe.(Sourires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. Jacques Valade. C'est scandaleux !

Mme Annick Bocandé. L'objet de mon intervention n'est pas de porter un jugement moral, mais il est bien de placer le débat sur le terrain strictement juridique. En effet, cette intention ébranle non seulement notre conception du mariage civil, créé par la Constitution d'août 1791 et introduit dans le code civil en 1804, mais remet également en cause les règles juridiques liées à la filiation, à l'adoption, voire au divorce.

La question qui se pose aujourd'hui, du fait de l'initiative de notre collègue, est de savoir si, en l'état de notre code civil, le mariage peut être autorisé entre deux personnes de même sexe. Si notre code civil ne contient aucune définition du mariage, son caractère hétérosexuel est clairement exprimé à travers de nombreux articles et semble ne faire aucun doute pour la doctrine et la jurisprudence. Il apparaît donc que notre code ne reconnaît que le mariage d'un homme et d'une femme. Cet état de fait juridique ne paraît d'ailleurs pas en contradiction avec la législation européenne.

Monsieur le ministre, vous vous êtes tout récemment exprimé dans la presse. Pouvez-vous confirmer, devant la Haute Assemblée, que le mariage qui doit se dérouler le 5 juin prochain, s'il a lieu, sera frappé de nullité et pouvez-vous nous en donner les raisons ?

Mme Nicole Borvo. Il l'a déjà fait !

Mme Annick Bocandé. Plus précisément, compte tenu de l'état de notre droit, est-il envisageable qu'un élu puisse célébrer une telle cérémonie, sans encourir de poursuites ?

Si oui, comment devront réagir les 36 000 maires de France, s'ils sont confrontés à des demandes similaires ?

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Réponse du Ministère de la justice publiée le 30/04/2004

Réponse apportée en séance publique le 29/04/2004

M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice. Madame Bocandé, permettez-moi, tout d'abord, de vous rappeler l'état du droit applicable. Comme j'ai eu l'occasion de le dire publiquement, voilà quelques jours, la situation juridique est claire, ce qui est indispensable pour l'ensemble des maires, officiers d'état civil, qui peuvent être confrontés à une question posée par certains de leurs concitoyens.

En effet, le code civil dispose, dans son article 75, alinéa 6, que l'officier d'état civil a pour mission d'entendre les consentements du mari et de la femme.

Plusieurs sénateurs de l'UMP. C'est clair !

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Les officiers d'état civil doivent respecter la loi. Par conséquent, vous pouvez dire aux maires qui vous interrogent que la loi ne leur permet pas de procéder à des mariages entre personnes de même sexe.

La Cour de cassation a tranché dans le même sens, très explicite, du code civil. L'article 12 de la Convention européenne des droits de l'homme, ainsi que la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, la CEDH, vont également dans le même sens.

M. Josselin de Rohan. Bien sûr !

Mme Nicole Borvo. Il faudrait peut-être demander des explications à la CEDH !

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Toute autre attitude est une manière d'engager un débat politique, qui a, certes, toute sa légitimité, comme tous les débats, mais il n'y a aucun doute sur l'interprétation que l'on peut faire du droit existant.

Que se passera-t-il si un tel mariage est organisé ? Il y a, en l'espèce, deux hypothèses : soit le parquet s'y oppose a priori, s'il a connaissance officielle de ce projet de mariage, et, à ce moment-là, les intéressés peuvent interjeter appel de cette opposition et le tribunal tranchera ; soit a posteriori le parquet peut demander devant le tribunal la nullité de ce mariage.

Comme l'ont annoncé M. le Président de la République, ainsi que M. le Premier ministre ce matin, j'ai l'intention d'engager, conformément à leurs instructions, une évaluation de la loi relative au pacte civil de solidarité, le PACS. Cette loi étant une réponse à la problématique soulevée par certains, je crois qu'il est temps, aujourd'hui, après quelques années de pratique, d'étudier les conditions dans lesquelles cette loi a été appliquée. Cela se fera dans la plus large concertation avec l'ensemble des organisations concernées.

Enfin, le Parlement sera saisi avant l'été d'un texte qui aura pour objet de lutter contre toute discrimination,...

M. René-Pierre Signé. Il y a urgence !

M. Dominique Perben, garde des sceaux. ... et, en particulier, contre toute action de violence fondée sur l'homophobie.

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