Question de M. CARLE Jean-Claude (Haute-Savoie - UMP) publiée le 15/04/2004

M. Jean-Claude Carle interroge M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales sur les frais prélevés par l'Etat au titre du recouvrement de la fiscalité locale. L'Etat assure l'établissement et le recouvrement des impôts directs locaux pour le compte des collectivités locales. En contrepartie, il perçoit une somme égale à 8 % des cotisations. Ce prélèvement, qui représente, pour une partie substantielle, des frais de fonctionnement, est parfois supérieur à la part perçue par certaines collectivités territoriales (région, intercommunalité) sur l'impôt foncier ou la taxe d'habitation. A titre d'exemple, pour un foyer fiscal acquittant 1 000 euros d'impôt au titre du foncier, la région percevra 52 euros destinés essentiellement à l'investissement (lycées, formations, développement économique et aménagement du territoire) tandis que l'Etat récupérera 75 euros, pour assurer l'établissement et le recouvrement de cet impôt. Notre société a connu depuis ces dix dernières années un formidable développement numérique. La société de l'information et de la communication offre aujourd'hui des outils qui permettent d'économiser des moyens aussi bien matériels que financiers. Aussi, il lui demande quelle sont les mesures envisagées pour réduire ces coûts de prélèvement et de fonctionnement au profit d'une part plus importante réservée à l'investissement, à la réduction des déficits ou à la baisse de la pression fiscale.

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Transmise au Secrétariat d'Etat au budget et à la réforme budgétaire


Réponse du Ministère délégué à l'industrie publiée le 28/04/2004

Réponse apportée en séance publique le 27/04/2004

M. Jean-Claude Carle. Monsieur le ministre, ma question porte sur les frais prélevés par l'Etat au titre du recouvrement de la fiscalité locale.

L'Etat assure l'établissement et le recouvrement des impôts directs locaux pour le compte des collectivités locales. En contrepartie, il perçoit une somme égale à 8 % des cotisations.

Ce prélèvement, qui représente une partie substantielle des frais de fonctionnement, est parfois supérieur à la part perçue par certaines collectivités territoriales - la région ou les intercommunalités - sur l'impôt foncier ou sur la taxe d'habitation.

Ainsi, en 2003, pour un foyer fiscal acquittant 1 000 euros au titre de la taxe foncière, la région Rhône-Alpes perçoit 52 euros, tandis que l'Etat récupère 75 euros pour frais de gestion de la fiscalité locale directe.

Sur les 52 euros qui reviennent à la région, 92%, soit environ 47 euros, sont investis dans les politiques régionales - lycées, formation professionnelle, développement économique, transports... - et 5 euros seulement vont au remboursement de la dette ou à la gestion interne de la collectivité. Du moins était-ce le cas avant le mois de mars, lorsque nous conduisions l'action régionale, mais les choses risquent malheureusement de changer.

En revanche, les 75 euros perçus par l'Etat sont essentiellement consacrés à la gestion de la fiscalité locale directe, notamment au recouvrement de l'impôt pour le compte des collectivités, bien qu'une part soit réservée au financement de dégrèvements ou à la compensation de certaines exonérations.

Les collectivités territoriales et locales ont un rôle de redistribution non négligeable dans les domaines du développement économique, de l'éducation, de la formation, de l'action sociale et culturelle ou de l'aménagement du territoire.

N'est-ce pas un véritable contresens économique et politique qu'une assemblée locale, véritable vecteur d'investissement à l'échelle du territoire, perçoive une part de la fiscalité inférieure à celle qui est prélevée par l'Etat pour assurer le fonctionnement de ses services ?

Monsieur le ministre, lors de votre prise de fonctions, M. Nicolas Sarkozy, ministre d'Etat, a clairement annoncé son intention d'inculquer à ce ministère la même culture du résultat que celle que vous aviez prônée à ses côtés lorsque vous étiez au ministère de l'intérieur.

La culture du résultat, c'est la culture de l'efficacité et de la rentabilité. Elle s'applique au monde de l'entreprise. Tout opérateur économique qui ne respecte pas cette règle est appelé à disparaître.

Toutefois, elle peut également s'appliquer à l'Etat. Cette exigence doit se traduire par une réduction drastique des coûts de fonctionnement au profit de l'application de politiques territoriales. Elles seules sont génératrices de richesses au côté, bien sûr, des opérateurs économiques privés.

On ne peut indéfiniment admettre que, sur la feuille d'imposition des Français, une part aussi importante de la contribution fiscale soit consacrée à la gestion même de son recouvrement.

Notre société a connu, au cours des dix dernières années, un formidable développement des nouvelles technologies de l'information et de la communication. Cette évolution offre aujourd'hui des outils qui permettent d'économiser des moyens, aussi bien matériels que financiers.

La cyberfiscalité commence à se développer dans notre pays. Mais il faut aller plus avant pour entrer dans un véritable cercle vertueux de la fiscalité.

Confiant dans votre volonté de réforme, volonté que vous avez déjà démontrée dans l'exercice de vos précédentes fonctions, je vous demande, monsieur le ministre, de bien vouloir nous indiquer les mesures que vous envisagez de prendre pour réduire ces coûts de prélèvement et de fonctionnement, afin de réserver une part plus importante de l'impôt à l'investissement, à la réduction des déficits ou à la baisse de la pression fiscale.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Patrick Devedjian, ministre délégué à l'industrie. Monsieur le sénateur, comme vous l'avez rappelé, l'Etat perçoit des frais de gestion sur le montant des cotisations d'impôts établies et recouvrées au profit des collectivités territoriales.

Ces frais sont non seulement la contrepartie des dépenses que l'Etat supporte pour établir et recouvrer l'ensemble des impôts directs locaux, mais ils servent également à financer partiellement les dégrèvements et les admissions en non-valeur dont ces impôts peuvent faire l'objet.

A ce titre, le coût de la participation de l'Etat pour les seuls dégrèvements et admissions en non-valeur a plus que doublé entre 1992 et 2002, passant de 4,8 milliards à plus de 10,3 milliards d'euros.

Dans le même temps, le montant total des frais de gestion perçus par l'Etat est passé, hélas ! de 2,7 milliards à 4,2 milliards d'euros.

Comme vous pouvez le constater, la participation croissante de l'Etat dans le financement de la fiscalité directe locale au cours de ces dernières années est de nature à expliquer le maintien de frais de gestion à un niveau élevé. L'Etat, je le rappelle, contribue chaque année au financement des collectivités locales à hauteur de 59 milliards d'euros, somme à comparer aux 4 milliards d'euros de prélèvements sur le fruit de la fiscalité locale.

Par ailleurs, l'établissement des rôles et avis ne représente, vous le savez, qu'une partie des travaux de l'administration pour l'émission des impôts directs locaux.

Les services fiscaux sont en effet chargés non seulement du calcul des impôts locaux et de la confection des rôles, mais aussi de la recherche et de l'évaluation de la matière imposable. Ils assurent, en outre, l'information des collectivités territoriales en leur notifiant les bases d'imposition nécessaires au vote de leurs taux d'imposition et une copie des rôles. Enfin, le budget de l'Etat finance les dépenses d'imprimés et de matériels qu'engendre la fiscalité directe locale. La globalité de ces travaux représente donc une charge importante.

Cela étant, la Cour des comptes porte en ce moment son attention sur la question des frais prélevés par l'Etat au titre de la gestion de la fiscalité locale. Nous examinerons avec attention les conclusions de son enquête.

Par ailleurs, et vous l'avez souligné à juste titre, le coût de la gestion de l'impôt est notablement plus élevé en France qu'en Europe. Il est également supérieur à celui d'autres services publics.

Cette situation s'explique par diverses raisons. Je n'en évoquerai que quelques-unes : plusieurs administrations interviennent dans la gestion de l'impôt ; les réseaux locaux ont un maillage très fin, qui est hérité de l'Histoire ; notre législation fiscale est, ô combien ! compliquée ; le raffinement et la modestie de certains impôts les rendent mécaniquement peu «rentables », si cette expression peut être ici utilisée.

Une étude est en cours depuis deux ans pour traiter les principales causes du surcoût. L'accent a ainsi été mis en priorité sur le recouvrement de l'impôt. L'idée qui préside à cette action consiste tout d'abord à remettre en cause la séparation entre la gestion de l'assiette et le recouvrement, à concentrer la perception de l'impôt sur une structure plus définie, à réduire le maillage territorial en fermant, ou plutôt en regroupant les petites structures.

Cette action doit être poursuivie : réduire le coût de gestion de l'impôt est en effet une nécessité absolue. S'agissant de l'impôt sur le revenu, les déclarations par Internet ont connu cette année un grand succès, ce qui est prometteur pour l'avenir.

Monsieur le sénateur, je veux vous assurer de la détermination du Gouvernement à faire la chasse aux dépenses indues et à améliorer la productivité du recouvrement de l'impôt.

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Carle.

M. Jean-Claude Carle. Je vous remercie, monsieur le ministre, des précisions que vous m'avez apportées sur la gestion de la fiscalité locale.

Vous avez distingué la part qui est réservée au dégrèvement et aux admissions en non-valeur et celle qui est consacrée à la gestion locale. Le coût de cette dernière reste très élevé, vous l'avez rappelé. Il a doublé en dix ans et il est supérieur à celui de la plupart des pays européens.

Monsieur le ministre, je me réjouis de votre volonté de réduire ce coût. Il s'agit, vous l'avez indiqué, d'une nécessité absolue. Il est important, dans un climat économique et budgétaire difficile, de concentrer nos efforts sur l'investissement plutôt que sur le fonctionnement. C'est en effet la meilleure façon de préparer l'avenir.

Je vous remercie de mettre en place des mesures qui vont dans ce sens.

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