Question de M. CARLE Jean-Claude (Haute-Savoie - UMP) publiée le 14/05/2004

Question posée en séance publique le 13/05/2004

M. Jean-Claude Carle. Monsieur le ministre de l'agriculture, nous avons été choqués, pour ne pas dire scandalisés, par les propos et les intentions des commissaires européens² Pascal Lamy et Franz Fischler, consistant à remettre à plat unilatéralement - ce qui signifie, à terme, abandonner - l'ensemble des subventions agricoles aux exportations dans le cadre de l'agenda de Doha.

M. René-Pierre Signé. Il a raison !

M. Jean-Claude Carle. Lancée à la veille d'importantes échéances internationales à Paris et à Genève, cette initiative est doublement malheureuse.

M. Eric Doligé. Absolument !

M. Jean-Claude Carle. D'une part, M. Lamy outrepasse singulièrement son mandat de négociation, ce qui est dangereux pour les membres de l'Union. D'autre part, c'est une grave faute tactique, dans la mesure où rien n'indique aujourd'hui que les Etats-Unis, principal partenaire concerné, soient en mesure d'assumer les contreparties exigées par Bruxelles, à savoir mettre sur la table leurs propres soutiens, plus ou moins déguisés, aux exportations. C'est un marché de dupes, que nous risquons de payer très cher.

Relancer de cette façon le cycle de négociations de Doha, en panne depuis l'échec de Cancùn, est, à nos yeux, proprement inouï !

D'un côté, l'Union européenne, par les voix de Pascal Lamy et de Franz Fischler, se désarment avant même d'engager la bataille. De l'autre, l'Union revient sur la parole donnée à nos agriculteurs, qui risquent de payer deux fois dans la suite des négociations, une fois pour la réforme de la politique agricole commune, la PAC, et une seconde fois dans le cadre de l'Organisation mondiale du commerce, l'OMC, par la réduction des subventions à l'exportation.

A ce rythme, M. Lamy nous prépare un véritable « Munich agricole » devant les Etats-Unis et leurs alliés !

Monsieur le ministre, je connais votre attachement à la défense de nos agriculteurs, je suis convaincu que vous ne partagez pas les propos du commissaire Lamy, propos que ne partagent d'ailleurs pas certains de ses collègues commissaires. Pouvez-vous nous précisez, monsieur le ministre, la position de la France sur un dossier qui, ne nous y trompons pas, constitue la clé de l'avenir et de la pérennité de notre agriculture.

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Réponse du Ministère de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales publiée le 14/05/2004

Réponse apportée en séance publique le 13/05/2004

M. Hervé Gaymard, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. Monsieur Carle, en 1999, à Doha, nous avons accepté le « cycle du développement ».Depuis, l'Europe a réformé une première fois son agriculture avec l'agenda 2000, une deuxième fois l'année dernière grâce à l'accord de Luxembourg et une troisième fois, il y a trois semaines, pour les productions méditerranéennes, notamment pour le coton afin que notre politique dans ce domaine se conforme aux exigences du développement des pays africains.

Dans le même temps, les Etats-Unis ont augmenté de 70 % leurs soutiens à l'agriculture, l'Australie a maintenu son monopole d'Etat à l'exportation. et le Brésil a attaqué les soutiens spécifiques que nous accordons aux pays d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique, notamment dans le domaine sucrier.

L'Europe n'a donc de leçon à recevoir de personne. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.) D'autant que, grâce à l'application des accords de Lomé de 1975, nous importons 60 % des exportations agricoles africaines.

L'initiative de la Commission européenne est donc malvenue, pour deux raisons.

Première raison : il se sert à rien, dans une négociation, de faire des concessions unilatérales avant que nos partenaires n'aient mis les leurs sur la table, car nous, nous avons déjà fait une grande partie du chemin, de faire des concessions si elles sont unilatérales.

Seconde raison : les négociations devant l'Organisation mondiale du commerce doivent primer sur les négociations avec le Mercosur, puisqu'il s'agit de développement. Je rappelle que le produit intérieur brut des quatre pays du Mercosur est cinq fois supérieur à celui des trente-sept pays de l'Afrique sub-saharienne. Notre priorité, comme l'a rappelé le Président de la République à travers les propositions concrètes qu'il a formulées, c'est l'Afrique et son développement.

Pour toutes ces raisons, il faut maintenir le cap.

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