Question de M. BESSON Jean (Drôme - SOC) publiée le 06/05/2004

M. Jean Besson rappelle à Mme la ministre de l'écologie et du développement durable que, depuis une dizaine d'années, la lutte contre les inondations catastrophiques est apparue à nouveau, dans le bassin du Rhône, comme une priorité d'aménagement du territoire à la suite de plusieurs crues de ce fleuve. Un établissement public, " Territoire Rhône ", a été créé, mais les initiatives de l'Etat restent encore mesurées et l'essentiel de la charge des aménagements repose encore sur les collectivités locales. La conception des actions de lutte contre les inondations catastrophiques a également évolué. Pendant plusieurs décennies, la construction de barrages a été présentée comme la seule solution crédible. Aujourd'hui, on revient à une conception moins interventionniste. Les pouvoirs publics ont choisi de privilégier une autre approche de l'aménagement des fleuves. Le renforcement des digues est redevenu une priorité pour les élus locaux, mais elle doit avoir pour corollaire la création de déversoirs, servant à dévier sur des terrains pas ou peu urbanisés une partie des eaux en crue. De nombreux agriculteurs sont prêts à accepter que leurs terrains soient inondés temporairement, mais il est important que cette solidarité avec les populations situées à l'aval soit reconnue par tous, notamment par le biais fiscal. L'article 53 du projet de loi sur le développement des territoires ruraux propose une exonération partielle ou totale de la taxe sur le foncier non bâti pour des propriétés situées dans certains espaces naturels, distingués pour leur dimension patrimoniale. Il lui demande quelles solutions pourraient être envisagées pour étendre ces exonérations aux espaces faisant l'objet d'inondations partielles lors des crues.

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Réponse du Ministère de l'écologie et du développement durable publiée le 02/06/2004

Réponse apportée en séance publique le 01/06/2004

M. Jean Besson. Monsieur le ministre, ces dernières années, le Rhône - qui vous est cher, monsieur le président, ainsi qu'à notre collègue M. Michel Mercier - et ses affluents se sont retrouvés à la une de nos journaux en raison des dégâts causés par plusieurs inondations catastrophiques. Les noms de nombreuses villes et villages sont aujourd'hui tristement connus.

En réaction à cette situation, les élus locaux se sont regroupés au sein d'un établissement public, « Territoire Rhône », présidé depuis 2001 par le député de l'Ardèche, Pascal Terrasse. Mais les initiatives restent encore modestes face à l'ampleur des problèmes et des enjeux.

Aujourd'hui, la conception des actions de lutte contre les inondations catastrophiques a évolué. Aux grands barrages, on préfère désormais une approche plus respectueuse de l'environnement.

Les débats à propos de l'aménagement de la Loire ont entraîné une modification sensible des priorités. On souhaite « faire la part de l'eau ». On parle de « culture du risque ».

La multiplication des plans de prévention des risques naturels est un outil destiné à inscrire cette nouvelle conception dans les documents d'aménagement locaux, même si l'on peut regretter qu'ils laissent parfois les communes sans possibilité de développement, notamment dans les secteurs de montagne.

La lutte contre les inondations passe aussi par le renforcement des protections. Lors des dernières crues du Rhône, en septembre 2002 et décembre 2003, nous avons tous constaté le mauvais état de certaines digues situées en aval du défilé de Donzère et jusqu'à la Camargue. Là encore, beaucoup reste à faire, ou plutôt à refaire. Le renforcement de ces digues est indispensable.

L'étude globale sur les crues du Rhône, publiée en 2003, a également démontré que l'efficacité des déversoirs destinés à dévier une partie de l'eau des crues sur des terrains qui ne sont pas ou sont peu urbanisés et qui sont réservés essentiellement à l'activité agricole était liée au bon état de ces digues.

De nombreux agriculteurs de mon département m'ont fait part de leur accord pour que leurs terrains soient temporairement inondés, mais il me semble important que cette solidarité à l'égard des populations situées en aval soit reconnue par tous, notamment par le biais fiscal.

L'article 48 de la loi du 30 juillet 2003 relative à la prévention des risques technologiques et naturels et à la réparation des dommages a créé des « servitudes d'utilité publique sur les terrains riverains d'un cours d'eau ou de la dérivation d'un cours d'eau, ou situés dans leur bassin versant, ou dans une zone estuarienne ».

Parmi les objectifs de ces zones, il y a la « rétention temporaire des eaux de crues ou de ruissellement » afin de « limiter les ruissellements dans les secteurs situés en aval ».

On peut se féliciter de ces dispositions, mais elles laissent entièrement à la charge des propriétaires des terrains inondés, ou de leurs assurances, les conséquences de ces inondations temporaires

Il existe pourtant un dispositif, qui pourrait être mis en place. L'article 53 du projet de loi sur le développement des territoires ruraux prévoit ainsi une exonération partielle ou totale de la taxe sur le foncier non bâti pour des propriétés situées dans certains espaces naturels distingués pour leur valeur patrimoniale.

Ce dispositif fiscal a l'avantage de faire reposer les conséquences de certains choix environnementaux sur l'ensemble de la collectivité et non pas seulement sur les particuliers ou les communes concernées.

Monsieur le ministre, je souhaiterais donc savoir si ce dispositif ne pourrait pas être étendu aux zones de servitude publique définies par l'article 48 de la loi du 30 juillet 2003.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Serge Lepeltier, ministre de l'écologie et du développement durable. Monsieur Besson, votre question est relative à l'institution d'une exonération de la taxe sur le foncier non bâti pour des propriétés faisant l'objet d'inondations lors des crues, à l'instar de ce qui a été proposé pour les zones humides dans le cadre du projet de loi pour le développement des territoires ruraux.

Les terres agricoles des zones inondables, en accueillant les eaux en excès, contribuent naturellement à la limitation des débits des crues. Toutefois, lorsque cette situation résulte de la localisation de ces terres en bordure des cours d'eau, la valeur cadastrale en tient compte et on en tire les conséquences lors de la fixation de la taxe sur le foncier non bâti.

La question de la situation fiscale des terres en zone inondable a été abordée, vous vous en souvenez, lors des discussions préalables à l'adoption de la loi du 30 juillet 2003 sur la prévention des risques technologiques et naturels.

S'agissant des terres situées dans de telles zones et ne devant pas subir de contraintes autres que celles qui résultent de leur situation naturelle, il n'a pas été jugé opportun de leur appliquer un traitement différent de celui des autres terres subissant des handicaps naturels ; je pense aux zones de montagne ou aux zones de fortes pentes, aux zones de faible valeur agronomique, dont la contribution à la taxe sur le foncier non bâti tient déjà compte de leur faible valeur locative cadastrale.

En revanche, l'idée a été retenue d'apporter une indemnisation aux propriétaires et exploitants de terres non bâties ayant à supporter une submersion accrue à la demande d'une collectivité locale souhaitant ralentir la crue d'un cours d'eau. C'est ce que vous avez rappelé et c'est l'objet de l'article 48 de la loi du 30 juillet 2003.

Cet article prévoit que peuvent être créées des servitudes de rétention temporaire des eaux de crue ou de ruissellement par des aménagements permettant d'accroître artificiellement leur capacité de stockage afin de réduire les crues ou les ruissellements dans des secteurs situés en aval.

Ces servitudes font l'objet d'une indemnisation des propriétaires et exploitants ayant à supporter les effets de l'accroissement de la submersion de leurs terrains, versée par la personne publique au profit de laquelle est instituée la servitude.

Cette indemnisation ne rend donc pas nécessaire l'exonération de la taxe sur le foncier non bâti, qui pénaliserait les collectivités percevant le produit de cette taxe.

M. le président. La parole est à M. Jean Besson.

M. Jean Besson. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse. Nous continuerons toutefois à demander cette exonération, qui pourrait faire l'objet d'un projet de loi.

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