Question de M. SOUVET Louis (Doubs - UMP) publiée le 19/05/2004

M. Louis Souvet attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales sur les fins de non-recevoir adressées par les préfectures aux maires sollicitant une présence des forces de l'ordre pour sécuriser et encadrer des manifestations culturelles, sportives, etc. Les communes de taille modeste sont particulièrement pénalisées par un tel recentrage totalement automatique sur les activités traditionnelles des forces de l'ordre. Si les nouveaux impératifs nécessitent une réorientation, réalité dont l'élu est totalement conscient, il demande toutefois si des aménagements ne sont pas envisageables afin d'éviter le renoncement des bénévoles à organiser ce type d'animations, les responsabilités des uns et des autres étant de facto largement majorées.

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Réponse du Ministère délégué à l'intérieur publiée le 02/06/2004

Réponse apportée en séance publique le 01/06/2004

M. Louis Souvet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je suis bien conscient de certaines contraintes inhérentes à l'emploi des forces de l'ordre. Je profite d'ailleurs de l'occasion qui m'est offerte pour saluer et encourager les efforts menés par votre prédécesseur et par vous-même dans la lutte contre la délinquance.

Il est certain que les effectifs de police et de gendarmerie ne sont pas extensibles à l'infini. Je sais par expérience que des quartiers sensibles nécessitent la présence des forces de l'ordre, les habitants la sollicitant à bon droit. La menace terroriste exige également un effort spécifique de la part des forces de l'ordre.

Cependant, pour les collectivités locales, et plus particulièrement pour les communes de taille modeste, il serait très préjudiciable de supprimer totalement l'encadrement - par exemple la sécurisation du parcours, l'organisation des déviations - que les maires pouvaient solliciter et obtenir lors de manifestations sportives, culturelles et autres qui animent nos villes et nos villages.

Que les dossiers présentés soient examinés avec une plus grande sélectivité, c'est une chose. Que l'encadrement ne soit plus automatiquement accordé, je vous le concède, monsieur le ministre, compte tenu du fait qu'il convient de traiter en priorité les objectifs précédemment évoqués. Mais de là à remettre totalement en cause une telle assistance ! Je pense qu'un juste milieu peut être trouvé.

Tel est le but de ma question, car, dans cette éventualité, les animations en question seraient remises en cause. En effet, ces bénévoles, vous ne l'ignorez pas, prennent des risques sur leurs biens personnels.

Quel bénévole acceptera la responsabilité d'assurer une telle protection si, pour un oui ou pour un non, les usagers, alors qu'ils ont commis eux mêmes une imprudence, portent plainte contre les organisateurs ?

Je comprends l'état d'esprit de ces bénévoles, qui consacrent leur temps libre, s'investissent énormément dans l'organisation de manifestations et qui, si l'application des textes devait rester en l'état, pourraient beaucoup plus qu'auparavant voir leur responsabilité engagée. Ils sont actuellement démotivés.

Les maires des communes de taille modeste ne disposent pas, bien évidemment, des moyens ad hoc pour suppléer cette absence. Prenons l'exemple d'un défilé carnavalesque qui doit traverser une route nationale. Qui aura l'autorité et la compétence pour stopper la circulation pendant une demi-heure, si ce n'est celui qui porte un uniforme ?

Je vous l'accorde, monsieur le ministre, ce problème n'est pas crucial, mais ces manifestations participent, à leur niveau, à la cohésion nationale.

Je pense, monsieur le ministre, qu'un aménagement est possible et je vous remercie de l'attention que vous voudrez bien porter à cette question.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Jean-François Copé, ministre délégué à l'intérieur. Monsieur le sénateur, vous posez, comme à votre habitude, une question très légitime fondée sur l'observation du terrain, et vous êtes bien placé pour pouvoir témoigner des difficultés que rencontrent les élus locaux en la matière.

En effet, lorsqu'il s'agit d'organiser des manifestations comme celles que vous évoquez, qu'elles soient sportives ou culturelles, pour qu'elles puissent se dérouler dans les meilleures conditions possibles, tant pour les spectateurs que pour les participants, il est nécessaire de mettre en oeuvre des mesures de sécurité adaptées. Il est alors assez légitime que les municipalités se tournent vers les forces de l'ordre pour assumer cette mission de surveillance et de protection.

Dans ce domaine, une réflexion d'ensemble est menée et, vous le savez bien, ce débat a eu lieu lors de la discussion de la LOPSI, la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure.

A cette occasion, une nouvelle doctrine d'emploi des forces mobiles a été définie qui confie aux préfets de zones de défense la gestion des unités implantées sur le territoire de leur ressort. Il leur appartient de gérer la mise à disposition des forces mobiles en fonction des impératifs prioritaires et, naturellement, dans la mesure du possible, l'utilisation des forces de l'ordre pour assurer la sécurité lors des festivités locales.

Néanmoins, la mise à disposition d'agents de l'Etat et de matériels constitue, dans le cadre de la mise en oeuvre d'un service d'ordre en faveur d'un événement sportif ou culturel, une prestation payante. Dans le cas d'événements d'envergure ou régulièrement répétés, une convention vient préciser la répartition des rôles entre l'Etat et les organisateurs, notamment au regard des textes imposant à ces derniers des obligations en ce domaine.

L'Etat ne se soustrait donc pas à certaines de ces missions, mais il intervient aussi en fonction de leur caractère prioritaire, parce que, vous l'avez dit vous-même, les moyens ne sont malheureusement pas extensibles.

L'Etat reste mobilisé et le préfet a la responsabilité d'autoriser ou non certaines manifestations, d'accorder ou de refuser, au besoin de quantifier la présence des forces de l'ordre.

La mise en place, très prochainement, de la réserve de la police nationale, instituée par la loi d'orientation pour la sécurité intérieure, pourrait permettre un renforcement des missions de service d'ordre au profit de certaines manifestations.

Il nous faut réfléchir ensemble à des solutions alternatives, telles que le développement du bénévolat ou le recours aux services municipaux, dans le cadre d'un partenariat qui permette à chacun de bien comprendre sa mission. Je sais par exemple que, lors d'une réunion sur la mise en place d'un contrat local de sécurité, le maire d'une commune voisine de la vôtre a regretté que la gendarmerie n'ait pu assurer la circulation à l'occasion d'un carnaval. Ne s'agit-il pas là d'une mission qui peut être assurée par des gardes champêtres ? S'ils ont des pouvoirs strictement encadrés, ils peuvent exécuter les directives que leur donne le maire dans l'exercice de ses pouvoirs de police !

Par ailleurs, les attributions des agents de police municipale permettent à ceux-ci d'exécuter, sous l'autorité du maire, les missions relevant de sa compétence, notamment en matière de surveillance du bon ordre, de la sécurité, de la salubrité publique. De plus, l'intercommunalité peut éventuellement, dans ce domaine, contribuer à une réflexion sur ce sujet, notamment zone rurale.

La pleine participation de l'ensemble des acteurs de la sécurité aux missions d'encadrement des manifestations culturelles ou sportives est ainsi le gage d'une efficacité accrue de la police nationale et de la gendarmerie nationale, pour lutter contre la délinquance ou contre les violences urbaines qui, malheureusement, compte tenu de la situation de notre société, sont aujourd'hui les priorités majeures définies par le Gouvernement.

M. le président. La parole est à M. Louis Souvet.

M. Louis Souvet. Monsieur le ministre, malgré toute l'amitié - et vous savez que ce n'est pas un vain mot - que je vous porte, j'ai quand même l'impression que nous ne nous sommes pas compris.

Vous me suggérez comme solution alternative le développement du bénévolat, mais, précisément, tout ce qui est fait en ce moment aboutit à tuer le bénévolat, et non pas à l'encourager.

Vous me parlez d'une convention payante mais, monsieur le ministre, il s'agit de petites localités qui n'ont pas de moyens, qui ne font pas payer de droits d'entrée, qui n'ont d'autre ressource que le dévouement de leurs bénévoles. Alors, proposer aux maires une convention payante, le proposer aux comités des fêtes, dont les membres sont généralement très âgés parce qu'on ne trouve plus, ni dans les campagnes ni dans les villes, de bénévoles en pleine force de l'âge pour faire ce genre de travail, ne me semble pas être une proposition adaptée.

Si nous ne pouvons compter sur l'aide et la compréhension des forces de l'ordre et du préfet, nos villes et nos villages ne seront plus du tout animés, alors que ces manifestations contribuent à la cohésion nationale et donnent un peu de couleur au tourisme que nous souhaitons tous développer. (M. Philippe Nogrix applaudit.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Monsieur Souvet, comme vous avez eu la gentillesse de me dire que vous aviez de l'amitié pour moi, je ne peux imaginer, évidemment, que vous avez écouté ma réponse de façon sélective. Vous avez bien compris que, lorsque j'évoquais les différentes solutions alternatives, je pensais, certes, au bénévolat, mais aussi au rôle des polices municipales sous leurs formes diverses, ou encore aux réserves de police qui sont en cours de constitution. Je rappelle qu'il y a des années que ces questions n'ont pas été traitées et que les retards se sont accumulés en termes d'effectifs et de moyens.

J'ajoute une autre piste : j'ai prononcé à dessein le mot d'intercommunalité ; il y a sur tous ces sujets des moyens de coopération auxquels nous pouvons travailler ensemble. Quoi qu'il en soit, monsieur le sénateur, je suis à votre disposition pour en reparler.

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