Question de M. AUTAIN François (Loire-Atlantique - CRC-SPG-R) publiée le 02/06/2004

M. François Autain rappelle à M. le ministre de la santé et de la protection sociale qu'un délai de trois ans s'est écoulé depuis que le Parlement a adopté la loi portant la durée légale pour pratiquer une interruption volontaire de grossesse de dix à douze semaines. Cette loi n° 2001-588 du 4 juillet 2001 était particulièrement bienvenue dans un contexte d'hypocrisie généralisée où de nombreuses femmes étaient obligées de partir en Grande-Bretagne, aux Pays-Bas ou en Espagne pour se faire avorter. L'interruption volontaire de grossesse est une conquête essentielle pour les femmes, qui, depuis 1975, ont enfin pu disposer librement de leur corps. Mais c'est une conquête qui est sans cesse remise en question. Elle l'est de manière frontale par certaines associations mais peut l'être également de manière plus insidieuse. Tout laisse penser que le Gouvernement actuel a adopté une telle stratégie. L'incurie ne peut pas tout expliquer car cela fait trois ans que l'on attend la publication des décrets d'application de la loi Aubry. Dans ces conditions, comment ne pas considérer que le Gouvernement cherche implicitement à enterrer cette loi ? Rien ne justifie un tel retard, car le décret pour l'interruption volontaire de grossesse médicamenteuse a été adopté par le Conseil d'État. Ni ce décret, ni l'arrêté sur sa tarification n'ont été signés par le ministre de l'économie ou le Premier ministre et ils sont revenus sur le bureau du ministre de la santé. Ce retard va compliquer la vie de nombreuses jeunes femmes car la période estivale est toujours très difficile pour l'accueil des femmes en demande d'IVG du fait de la fermeture des services hospitaliers et des périodes de congés du personnel. Il lui demande dans quel délai il envisage de prendre ces décrets d'application.

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Réponse du Ministre délégué aux personnes âgées publiée le 02/06/2004

Réponse apportée en séance publique le 01/06/2004

M. François Autain. Monsieur le ministre, je souhaite vous poser une question relative à l'application de la loi du 4 juillet 2001 portant la durée légale pour pratiquer une interruption volontaire de grossesse, ou IVG, de dix à douze semaines.

Cette loi est venue fort opportunément compléter la loi du 17 janvier 1975, relative à l'interruption volontaire de grossesse. Tout le monde peut se féliciter de la mise en application de cette dernière loi. Malheureusement, celle-ci ne peut pas être pleinement appliquée puisque certains décrets et arrêtés ne sont toujours pas parus au Journal officiel trois ans après sa promulgation.

Il en est ainsi du décret qui permettrait la pratique de l'IVG médicamenteuse en ville, ce qui est particulièrement regrettable. Cette solution est en effet beaucoup plus rapide et plus légère que l'IVG classique, puisqu'elle permet à des jeunes femmes de faire l'économie d'une intervention, toujours traumatisante.

Monsieur le ministre, quelles sont les raisons du blocage qui retarde la parution de ces décrets ? Seront-ils publiés un jour et, si oui, quand ?

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Hubert Falco, ministre délégué aux personnes âgées. Monsieur le sénateur, il est clair que l'interruption volontaire de grossesse est une conquête essentielle pour les femmes. Je ne puis d'ailleurs m'empêcher de souligner, monsieur le sénateur, que c'est un gouvernement que nous soutenions qui a permis le vote du texte de 1975...

Cela étant rappelé, la loi n° 2001-588 du 4 juillet 2001 a porté la durée légale pour pratiquer une interruption volontaire de grossesse de dix semaines à douze semaines et a institué la possibilité de pratiquer l'IVG hors établissements de santé.

Contrairement à ce que vous avez indiqué, un premier décret d'application de cette loi a été pris dès l'entrée en fonction du gouvernement de Jean-Pierre Raffarin, le 3 mai 2002. Ce décret posait les principes réglementaires de l'IVG médicamenteuse en ville et incluait les recommandations de l'Agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé, lesquelles ont été contestées par des associations de médecins revendiquant le libre choix de la posologie de ce médicament.

Cette contestation a donné lieu à de multiples concertations entre les associations de médecins, d'une part, et les autorités sanitaires, d'autre part. En définitive, un consensus s'est dégagé sur les conditions d'administration de ce médicament. Le décret a dû être modifié en conséquence et a été approuvé par le Conseil d'Etat le 2 décembre 2003.

Afin de préciser les conditions de la pratique de l'IVG en dehors des établissements de santé, l'élaboration d'une série de mesures techniques visant notamment à garantir l'anonymat pour les femmes qui le souhaiteraient et à tarifer l'ensemble de ces actes était également nécessaire.

Sur ces sujets, monsieur le sénateur, il a fallu assurer la coordination de l'ensemble des acteurs institutionnels, dont la Caisse nationale d'assurance maladie et le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, ainsi que les associations de médecins ou de planning familial.

Il a en outre fallu négocier avec les industriels le prix du produit, ce qui est un point très important.

Aujourd'hui, je puis vous indiquer que le projet d'arrêté relatif au forfait afférent à l'interruption volontaire de grossesse a été signé par le ministre de la santé et de la protection sociale. Il doit maintenant l'être par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, avant d'être soumis, dans de brefs délais, au Premier ministre.

En tout état de cause, il sera publié avant la période des vacances estivales et permettra d'améliorer l'accueil des femmes demandant une IVG, ce qui répond à votre préoccupation, monsieur le sénateur.

M. le président. La parole est à M. François Autain.

M. François Autain. Monsieur le ministre, votre réponse me donne, bien entendu, satisfaction. J'espère toutefois que le Gouvernement sera en mesure de tenir la promesse que vous venez de faire.

Cela étant, je voudrais apporter une précision en ce qui concerne le vote de la loi de 1975. Bien sûr, ce texte a été défendu par un gouvernement que vous souteniez, mais il n'a pu être adopté que grâce au vote des députés de l'opposition. C'est un point d'histoire que je tenais à rappeler.

M. le président. Certains avaient alors fait pleurer Mme Veil !

M. François Autain. C'est vrai, et il faut lui rendre hommage !

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