Question de M. DREYFUS-SCHMIDT Michel (Territoire de Belfort - SOC) publiée le 13/05/2004

M. Michel Dreyfus-Schmidt interroge M. le Premier ministre sur une pratique parfaitement contraire à la Constitution comme à la loi tout court qui est pourtant en train de s'instaurer du fait de parquets, de services de police et de préfets, ce qui explique que la question lui soit posée à lui, plusieurs ministres se trouvant concernés. Par décision du 20 novembre 2003, le Conseil constitutionnel a déclaré contraire à la Constitution deux phrases ainsi que treize mots d'une troisième phrase que comportait le nouvel article 175-2 du code civil qui lui était soumis. Il l'a fait au nom du " principe constitutionnel de la liberté du mariage ", lequel, d'une part, " s'oppose à ce que le caractère irrégulier du séjour d'un étranger fasse obstacle, par lui-même, au mariage de l'intéressé " et, d'autre part, interdit (parce qu'il serait " de nature à dissuader les intéressés à se marier ") le signalement à l'autorité préfectorale de la situation " d'un étranger accomplissant les formalités de mariage sans justifier de la régularité de son séjour " et " la transmission au préfet de la décision du procureur de la République de s'opposer à la célébration du mariage, d'ordonner qu'il y soit sursis ou de l'autoriser ". Or, en pratique, des procureurs ordonnant une enquête relative aux circonstances présidant à un projet de mariage afin de rechercher s'il " n'est envisagé que dans un but autre que l'union matrimoniale ", l'intéressé se voit à cette occasion interrogé sur sa situation au regard du séjour, et, si elle se révèle irrégulière, placé en garde à vue puis, la police ayant sur instruction du parquet rendu compte de sa situation à la préfecture, placé en rétention administrative sur le fondement d'un arrêté de reconduite à la frontière... Et ainsi se trouve tournée la loi et outragés la Constitution et le Conseil constitutionnel. C'est pourquoi il est demandé à M. le Premier ministre de donner toutes instructions pour qu'une éventuelle enquête sur une suspicion de mariage blanc ne puisse donner naissance, s'il y a lieu, qu'à une poursuite pénale pour " tentative de mariage blanc et en aucun cas et avant, soit condamnation, soit, en cas de relaxe, mariage, à une procédure pénale ou administrative pour situation irrégulière. La pratique actuelle ici dénoncée devrait donner lieu à sanction à l'égard des parquetiers, des policiers ou des préfets qui s'y prêteraient. Il est demandé à M. le Premier ministre s'il partage la présente analyse, si non en quoi, et si oui les dispositions qu'il prendra et quand.

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Transmise au Ministère de la justice


Réponse du Ministère de la justice publiée le 20/07/2006

Le garde des sceaux, ministre de la justice, fait connaître à l'honorable parlementaire que dans sa décision n° 2003-484 du 20 novembre 2003, le Conseil constitutionnel a rappelé que la liberté du mariage est une « composante de la liberté personnelle protégée par les articles 2 et 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 », et a interdit que la célébration du mariage soit subordonnée à la régularité du séjour d'un futur conjoint étranger sur le territoire français. La circulaire du 2 mai 2005 détaille le dispositif préventif de lutte contre les mariages simulés ou arrangés issu de la loi du 26 novembre 2003 relative à la maîtrise de l'immigration. Se référant expressément à la décision du Conseil constitutionnel qui vient d'être rappelée, elle indique à l'attention des officiers de l'état civil que le signalement qu'ils adressent au procureur de la République en application de l'article 175-2 du code civil ne peut être fondé sur le seul motif que le futur conjoint étranger se trouve en situation irrégulière sur le territoire français, qui ne saurait davantage justifier à lui seul que le parquet ordonne un sursis ou s'oppose à la célébration du mariage. En effet, la situation irrégulière d'un candidat au mariage ne peut être prise en compte que comme un élément qui, considéré avec d'autres indices concordants, fait suspecter de la réalité de l'intention matrimoniale. S'agissant des pouvoirs que le préfet tient de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 en matière de reconduite à la frontière des ressortissants étrangers démunis d'un titre de séjour régulier sur le territoire français, il appartient au juge administratif de vérifier que l'arrêté de reconduite à la frontière n'a ni pour objet, ni pour effet, d'interdire à l'intéressé de se marier (CE 27 juillet 2005, n° 272970, inédit).

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