Question de M. PIRAS Bernard (Drôme - SOC) publiée le 27/05/2004

M. Bernard Piras attire l'attention de M. le ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur la revue des industries extractives, évaluation indépendante et participative commanditée par le président de la Banque mondiale en 2000 pour examiner son soutien au secteur des industries fossiles (pétrole, gaz et charbon) et des mines. La revue des industries extractives a rendu son rapport final en décembre 2003. D'importance majeure, ce rapport met l'accent sur de nombreux thèmes liés aux industries extractives comme les droits humains, la gouvernance, la pollution ou les performances économiques, et reflète dans une large mesure les contributions des parties prenantes dans les pays en développement. Le rapport conclut que des évolutions significatives sont nécessaires dans la politique énergétique de la Banque mondiale, afin qu'elle puisse répondre plus efficacement à son mandat de lutte contre la pauvreté et de promotion du développement durable. Le rapport a bénéficié dès sa publication d'un soutien massif d'acteurs très diversifiés : Parlement européen, Commission européenne, gouvernement allemand (sur les énergies renouvelables), coalition d'investisseurs nord-américains, industries des énergies renouvelables, prix Nobel de la paix, et plusieurs centaines d'acteurs de la société civile à travers le monde. Les recommandations de l'EIR forment un tout cohérent et progressiste. Il nous semble primordial que la France prenne fermement position en faveur de l'ensemble des recommandations de l'EIR et défende la mise en oeuvre de l'EIR au sein de la Banque mondiale dont elle est un des Etats membres les plus influents. Il lui demande s'il est en mesure de lui apporter des réponses aux questions suivantes : quelle est la position du gouvernement français sur l'ensemble des recommandations de l'EIR ? Quelles recommandations de l'EIR le gouvernement français estime-t'-il prioritaires et défendra-t'-il au sein de la Banque mondiale ? Quelle est la position du gouvernement français sur le consentement préalable informé des populations concernées par les projets d'industries extractives ? Une initiative volontaire sur la transparence, l'initiative sur la transparence des industries extractives (EITI), a déjà été lancée avec le soutien du gouvernement français : sur la nouvelle base de l'EIR, que compte-t'-il proposer pour renforcer et accélérer l'EITI ? Que proposera le gouvernement français pour assurer la prise en compte et le respect des conventions internationales sur les droits humains dans les projets financés par la Banque ? Après le Sommet de Johannesbourg sur le développement durable, le premier Sommet international sur les énergies renouvelables aura lieu à Bonn en juin 2004. Dans ce contexte où des engagements forts sont attendus de tous les acteurs, comment la France souhaite-t'-elle faire avancer la proposition d'augmentation de 20 % par an des financements de la Banque mondiale en faveur des énergies renouvelables bénéficiant aux populations pauvres ? Comment le gouvernement français entend-il contribuer à améliorer les facteurs de bonne gouvernance préalablement au lancement des projets, condition clé de leur réussite ultérieure ? A partir de quels référentiels le gouvernement français proposera-t'-il de stopper le financement des industries extractives dans les zones à haute valeur écologique (Patrimoine mondial de l'humanité de l'UNESCO, liste UICN, parcs naturels, etc...) ? Enfin, comment le gouvernement français s'inscrit-il dans la nécessaire mise en cohérence des priorités du secteur énergétique avec le mandat social et environnemental de la Banque mondiale, en arrêtant le financement de l'exploitation du charbon immédiatement et celui du pétrole en 2008, et en se concentrant sur le gaz dans la phase de transition énergétique ?

- page 1108


Réponse du Ministère de l'économie, des finances et de l'industrie publiée le 26/08/2004

Sur le fond, la France soutient fortement les grands principes mis en avant par la revue des industries extractives (EIR), en particulier ceux de renforcement de la gouvernance des projets extractifs, de préservation des intérêts et droits des populations affectées, de réduction des impacts environnementaux et sociaux et enfin de promotion des énergies renouvelables. Sur un plan formel, la France a néanmoins noté que le rapport n'avait pas recueilli l'assentiment de toutes les personnes ayant participé au processus, ni de la plupart des pays en voie de développement. Certaines recommandations concrètes du rapport ne sont pas acceptables en l'état. Ainsi, la France, qui est très attachée à la préservation de l'intérêt général, ne peut souscrire à celles des propositions qui donnent un pouvoir de veto à des groupes particuliers (les communautés affectées par les projets extractifs) ; une telle disposition n'existe d'ailleurs pas dans notre propre ordre juridique. En outre, la France partage l'analyse de la Banque mondiale qui rappelle les bénéfices potentiels significatifs que les projets extractifs peuvent avoir pour le développement des pays les plus pauvres, sous réserve que ces projets soient mis en oeuvre dans des conditions respectueuses des droits de l'homme et de l'environnement, préservent les droits des populations affectées et que les recettes engendrées fassent l'objet d'une affectation équitable. En matière énergétique, la recommandation de l'EIR de cesser tout financement dans le secteur charbonnier et pétrolier est contraire à l'objectif de lutte contre la pauvreté. De plus, l'effet d'un retrait de la Banque dans ce secteur serait quasiment nul en termes d'émissions de gaz à effet de serre, et ne ferait que renforcer les positions des pays d'ores et déjà producteurs, sans avoir aucun impact sur la demande. Au total, la France entend apporter son soutien aux engagements pris par la Banque mondiale, en réponse à la revue. Elle restera ensuite très attentive à la bonne mise en oeuvre de ces engagements, en particulier d'une prise en compte accrue des droits de l'homme par les projets de la Banque mondiale, d'une consultation extensive des populations locales, ainsi que d'une juste compensation des populations affectées par les projets extractifs. Enfin, la France soutiendra un réexamen de la politique énergétique de la Banque mondiale, avec l'objectif d'un accroissement des projets en matière d'énergie renouvelable et d'efficacité énergétique.

- page 1938

Page mise à jour le