Question de Mme BORVO COHEN-SEAT Nicole (Paris - CRC) publiée le 10/06/2004

Mme Nicole Borvo attire l'attention de M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche sur le projet de rénovation du Grand Palais mis en place par le Gouvernement. On ne pourrait que se réjouir de l'intérêt porté à ce monument prestigieux si ce projet ne portait pas en lui-même de graves menaces sur les activités qui s'y déroulent et sur le caractère de service public culturel de cet espace. En effet, il est prévu de concéder au secteur marchand, moyennant une participation au financement des travaux, une grande partie du bâtiment, notamment les galeries actuelles du Grand Palais, ainsi que les galeries libérées par la faculté des lettres. Le palais de la Découverte, espace unique dans son genre en France, se verrait amputé de la moitié des locaux qu'il occupe, ainsi que de la rotonde du palais d'Antin, qui depuis sa création accueille les milliers de visiteurs et notamment de groupes d'élèves des écoles, collèges et lycées venant s'initier aux disciplines scientifiques à travers les animations assurées par les médiateurs scientifiques du palais. Au lieu des vastes galeries permettant l'installation d'expositions et d'expériences scientifiques donnant une image vivante et forte de la science, le palais de la Découverte serait confiné dans une aile compartimentée en niveaux bas de plafond et avec des possibilités limitées de circulation, avec pour seul espace conservé le planétarium. Le projet en l'état ferait perdre tout son caractère à cet espace prestigieux. De plus, les travaux entraîneraient une fermeture d'au moins deux ans et la crainte est forte que le palais ne rouvre pas, comme peuvent le laisser présager les fermetures de salles et les réductions de personnel que l'on constate depuis plusieurs années. Les personnels du palais de la Découverte ont lancé une pétition pour la défense de cet espace dédié à la science au coeur de Paris, déjà massivement signée par les visiteurs et la communauté scientifique et éducative. Il est à noter que la majorité du Conseil de Paris vient de se prononcer en ce sens. Le palais de la Découverte doit non seulement être préservé, mais développé pour assurer pleinement ses missions. C'est ce qui avait été prévu par le passé mais les crédits dégagés pour la rénovation du palais de la Découverte avaient ensuite été utilisés à d'autres fins. Pour toutes ces raisons, elle lui demande ce qu'il compte faire pour que les moyens nécessaires soient consacrés à la rénovation du Grand Palais sans livrer au secteur marchand les surfaces prévues et qu'une concertation soit engagée sur le projet. Elle lui demande également les mesures qu'il compte prendre pour que le palais de la Découverte soit sauvegardé dans ses missions et ses locaux. Ne serait-il pas souhaitable que lui soient donnés les moyens de son développement comme service public culturel et scientifique ?

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Transmise au Ministère délégué à la recherche


Réponse du Ministère déléguée à la lutte contre la précarité et l'exclusion publiée le 20/10/2004

Réponse apportée en séance publique le 19/10/2004

Mme Nicole Borvo. Permettez-moi de vous adresser à mon tour mes félicitations, monsieur le président !

Le ministère de la culture et de la communication a entamé une réflexion sur un projet de restauration, de gestion et d'exploitation du Grand Palais. Le palais de la Découverte, qui fait partie de cet ensemble architectural et dont la tutelle est assurée par le ministère de l'éducation et de la recherche, est inclus dans ce projet de rénovation.

Si l'on ne peut qu'être d'accord avec l'objectif annoncé par le Gouvernement de réhabiliter le palais de la Découverte afin de mieux prendre en compte les nouvelles attentes des publics, en ce qui concerne tant la modernisation des structures d'accueil et des espaces d'exposition que la rénovation de l'offre muséographique pour mieux répondre aux enjeux liés à la place de la science dans notre société, j'ai, comme les personnels, exprimé dès le départ mon désaccord quant à la soumission à la tutelle d'un opérateur privé, moyennant une participation au financement des travaux de 40 % de la surface du palais.

Près de 22 000 personnes ont signé une pétition lancée sur l'initiative des personnels du palais de la Découverte, qui dénoncent une diminution de l'offre en qualité et en quantité, notamment par l'abandon d'expériences essentielles ou la réduction du nombre de groupes scolaires accueillis. Je rappelle que la liste des signataires compte des personnalités aussi illustres que Jean-Pierre Kahane, Pierre-Gilles de Gennes, Gilles Cohen-Tannoudji, Etienne Guyon, ainsi que des associations, des syndicats, des collectifs, etc. Sur l'initiative des élus communistes, la majorité de gauche du conseil de Paris s'était prononcée dans le même sens. Ce dossier suscite donc une vive émotion.

Il semble que, devant cette forte mobilisation, le Gouvernement n'ait pas donné suite au projet de privatisation. Je m'en réjouis, mais je constate en même temps que le problème de la nécessaire rénovation du palais de la Découverte reste entier. Or le palais de la Découverte doit non seulement être préservé, mais encore développé pour qu'il puisse assurer pleinement ses missions.

Pour toutes ces raisons, je vous serais reconnaissante, madame la ministre, de bien vouloir me confirmer publiquement que le Gouvernement a définitivement abandonné le projet de livrer au secteur marchand les surfaces à rénover. En outre, quelles mesures l'Etat compte-t-il prendre pour sauvegarder les missions et les locaux du palais de la Découverte ? Ne serait-il pas souhaitable qu'une concertation s'engage en vue de donner à celui-ci les moyens de son développement en tant que service public culturel et scientifique ? Les nombreuses parties intéressées mériteraient d'être consultées.

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Nelly Olin, ministre déléguée à la lutte contre la précarité et l'exclusion. Madame la sénatrice, je vous prie d'excuser mon collègue François d'Aubert, actuellement en déplacement à Genève avec le Président de la République pour les cinquante ans du CERN, le Centre européen de recherche nucléaire.

Le palais de la Découverte, hébergé dans le Grand Palais, dépend en effet du ministère chargé de la recherche, les galeries nationales qui y sont aussi hébergées relevant du ministère de la culture et de la communication.

Comme vous l'avez indiqué, le Gouvernement a conçu un ambitieux programme de rénovation pour le Grand Palais dans son ensemble, dont les premiers résultats, malgré les travaux en cours, sont déjà visibles et même spectaculaires. Ces travaux ont été décidés parce que, tout comme vous, le Gouvernement estime primordial que ces espaces de culture, et de culture scientifique, accueillent dans les meilleures conditions le public qui s'y rend. Je me réjouis moi aussi, madame la sénatrice, que le personnel du palais de la Découverte soit attaché à ce lieu qui a permis à un grand nombre de générations de s'ouvrir à la science.

Ces travaux de rénovation sont loin d'être achevés, et un premier chiffrage de la tranche complémentaire fait ressortir un coût supérieur à 100 millions d'euros, hors prise en compte des frais d'aménagement intérieur.

Dans tous les cas de figure, l'importance des travaux de rénovation, s'agissant spécifiquement du palais de la Découverte, imposera une fermeture des salles pour une durée qui a été évaluée à deux années. Il s'agit de réaliser, pour le palais de la Découverte, des travaux similaires à ceux qui sont actuellement effectués dans la grande nef. Vous pouvez juger par vous-même de la nature des dispositifs mis en oeuvre à cette fin : ils sont incompatibles avec l'accès du public, sachant qu'il est impossible, pour des raisons de sécurité et d'opérabilité, de transférer le palais de la Découverte dans la grande nef.

M. François d'Aubert tient également à vous préciser que, dans le projet de rénovation du palais de la Découverte, sont prévus notamment le maintien des surfaces d'exposition, l'installation de nombreux ascenseurs pour permettre aux personnes handicapées d'accéder à toutes les surfaces d'exposition, la climatisation et le chauffage, dont les premiers bénéficiaires seront bien évidemment les employés. Quant à la hauteur sous plafond, elle dépasserait les 3,5 mètres, ce qui n'est pas étouffant. De surcroît, la réalisation de ce programme permettrait de faire du palais de la Découverte un véritable lieu pour la science, à la pointe de la technologie et de la muséographie moderne.

Cela étant, il est exact, madame la sénatrice, qu'il a été envisagé de mettre en place un partenariat avec le privé pour exploiter une partie du bâtiment. Un appel d'offres avait été lancé en ce sens voilà maintenant dix-huit mois. Cet appel d'offres comprenait de nombreuses conditions restrictives d'usage, s'agissant notamment de la rotonde du palais d'Antin, qui demeurait le seul accès au palais de la Découverte et qui ne pouvait donc être rendue indisponible.

Aujourd'hui, les ministères intéressés réfléchissent de concert aux meilleures solutions envisageables pour le Grand Palais, ce qui veut dire qu'aucune décision n'est prise. Quand tel sera le cas, vous en serez parmi les premiers informés, avec les personnels des institutions concernées.

Je tiens, pour conclure, à vous faire part, madame la sénatrice, de deux observations complémentaires.

En premier lieu, voilà quelques années, la grande nef était utilisée assez régulièrement pour des expositions temporaires ou des manifestations, telles que la FIAC, la Foire internationale d'art contemporain, et ce contre rémunération, souvent assez symbolique. Le projet de concession ou de délégation envisagé n'est pas différent. Il aurait l'avantage de faire contribuer dans une plus large mesure le secteur privé à la mise en valeur de cet espace.

En second lieu, s'agissant de la délibération du conseil de Paris, je me réjouis que la Ville de Paris se préoccupe de la mise en valeur de ce patrimoine. Elle revendique en effet la propriété du sol. A ce titre, alors qu'elle avait un moment envisagé de le céder à l'Etat pour 1 million d'euros, elle souhaite désormais le lui vendre pour 10 millions d'euros. Peut-être un effort de la ville aiderait-il à résoudre la difficile équation budgétaire à laquelle le Grand Palais est aujourd'hui confronté.

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo.

Mme Nicole Borvo. Madame la ministre, je vous remercie des détails que vous m'avez donnés sur la rénovation du Grand Palais.

Je voudrais insister à nouveau sur l'importance scientifique et pédagogique du palais de la Découverte. La communauté scientifique, vous le savez, est profondément attachée à cet établissement. De nombreuses vocations y ont été éveillées, et il joue un rôle éminent dans le développement de l'intérêt des jeunes gens pour l'activité scientifique.

Aujourd'hui, les personnels, qui ces dernières années ont vu fermer de nombreuses salles et ont subi une réduction de leurs effectifs, souhaitent que leurs craintes concernant l'avenir soient levées. De ce point de vue, vous m'avez indiqué que le projet que j'ai évoqué était abandonné, sans qu'aucune solution ait pour l'instant été définitivement arrêtée. Votre réponse n'est donc, pour cette raison, pas entièrement satisfaisante.

J'ai entendu l'appel que vous lancez à la Ville de Paris. Vous connaissez aussi bien que moi le partage qui existe entre l'Etat et la Ville en ce qui concerne les bâtiments scientifiques et culturels. Je ne vais bien évidemment pas m'engager au nom du conseil de Paris, car cette question, au-delà du palais de la Découverte, concerne l'ensemble des possessions de l'Etat et de la Ville dans la capitale.

Je regrette de ne pas avoir obtenu une réponse plus précise sur le financement et les solutions envisagées. Néanmoins, j'ai cru comprendre que la recherche de partenaires privés continuait.

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