Question de M. SIGNÉ René-Pierre (Nièvre - SOC) publiée le 02/10/2004

M. René-Pierre Signé rappelle à M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales que, depuis la réforme de l'Office national des forêts (ONF), l'important syndicat SNUPFEN dénonce un changement notable dû à la baisse du marché des bois et à l'augmentation progressive du versement compensateur. L'ONF doit augmenter ses activités marchandes et réduire les dépenses salariales : suppression en vingt ans de plus de 1 000 postes de forestier, pour beaucoup agents de terrain. Ils sont ainsi contraints d'abandonner ou de réduire progressivement leur tâche de service public. On constate que la réduction des effectifs du personnel de terrain pénalise les communes alors qu'elles sont plus largement sollicitées et que les prestations dont elles bénéficient sont moins effectives. Il lui demande donc de séparer les activités marchandes des missions d'intérêt public et de pourvoir les postes de terrain vacants. Toutes les communes forestières seraient sensibles à un geste dans ce sens. Elles sont nombreuses et veillent sur leurs forêts, pour elles source de recettes intéressantes.

- page 6489


Réponse du Ministère de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales publiée le 20/10/2004

Réponse apportée en séance publique le 19/10/2004

M. René-Pierre Signé. Monsieur le président, je joins mes félicitations à celles qui vous ont déjà été exprimées pour cette promotion méritée.

Monsieur le ministre, je voulais vous interroger sur la réforme de l'ONF et vous faire part des inquiétudes qui se manifestent au niveau tant des personnels que des communes forestières.

L'ONF gère pour le compte de l'Etat et des collectivités locales plus de 12 millions d'hectares de forêts et d'espaces naturels avec une double fonction : la protection de la forêt, la création de réserves naturelles, et la gestion de la production en conjuguant les exigences économiques, écologiques et sociales.

Or, du fait de la baisse du marché du bois et de l'augmentation du versement compensateur, l'ONF doit augmenter ses activités marchandes et réduire les dépenses salariales. Plus de 1 000 postes de forestiers, pour nombre d'entre eux agents de terrain, ont ainsi été supprimés en vingt ans, et l'ONF a été contraint d'abandonner ou de réduire progressivement ses missions de service public.

La réduction des effectifs du personnel de terrain pénalise les communes alors qu'elles sont plus largement sollicitées et que les prestations dont elles bénéficient sont moins effectives.

C'est la raison pour laquelle je demande à M. le ministre de séparer les activités marchandes des missions d'intérêt public et de pourvoir les postes de terrain vacants. Toutes les communes forestières, vous n'en doutez pas, seraient sensibles à un geste en ce sens. Elles sont nombreuses et veillent sur leurs forêts, qui représentent pour elles des sources de recettes intéressantes. Je me fais leur interprète, en tant que président des communes forestières de la Nièvre.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Hervé Gaymard, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. Monsieur le sénateur, je vous remercie de m'offrir l'occasion de faire le point sur la situation actuelle de l'Office national des forêts.

Vous le savez, un contrat pluriannuel d'objectifs a été signé entre l'Etat et l'ONF le 22 octobre 2001 par l'un de mes prédécesseurs Jean Glavany. II fixe les grands axes d'action de l'établissement pour la période 2001-2006. Ce contrat s'articule autour de trois thèmes.

II s'agit tout d'abord pour l'ONF d'adapter la gestion des forêts publiques à la situation et aux enjeux propres à chaque territoire et à chaque forêt, en prenant en compte l'équilibre, variable selon les massifs, des fonctions écologiques, économiques et sociales.

Il s'agit ensuite pour l'établissement de renforcer l'exemplarité de la gestion de la forêt publique, notamment sur le plan environnemental, et de contribuer au dynamisme économique de la filière bois.

Il est enfin prévu de renforcer la concertation avec les élus représentant les propriétaires de forêts relevant du régime forestier et les principaux acteurs locaux.

Depuis la signature de ce contrat d'objectifs, l'ONF s'est doté d'une nouvelle organisation territoriale fondée sur une réduction des échelons hiérarchiques, sur une plus grande autonomie et une plus grande responsabilité accordées aux agents de terrain, sur le souci de privilégier les relations avec les clients et les partenaires.

Parallèlement, une réforme statutaire des personnels fonctionnaires, mise en place en 2003, a conduit à la rénovation des statuts des personnels des corps de catégories B et C de la filière technique et de catégorie C de la filière administrative.

Cette évolution permet une requalification et une revalorisation des rémunérations, en contrepartie d'une amélioration de l'efficacité générale de l'établissement, obtenue grâce à une meilleure adéquation entre les fonctions et les statuts. Elle doit permettre à l'ONF d'accroître de manière sensible son dynamisme et sa compétitivité, tout en maintenant un niveau de présence satisfaisant dans les forêts domaniales et communales et en renforçant les liens de ses agents avec les communes forestières.

En effet, l'ONF, conscient que le maillage de proximité est l'un de ses principaux atouts, a pris garde à ne pas provoquer de déséquilibre dans les territoires ruraux, notamment en pourvoyant les postes vacants ou créés les plus cruciaux. Le maillage national dense de l'ONF a ainsi été préservé, avec plus de 500 unités territoriales et spécialisées réparties sur le terrain et le maintien des forestiers au plus près des espaces gérés.

Enfin, le directeur général de l'ONF a veillé, à chaque étape du processus, à ce qu'une concertation soit établie avec tous les acteurs concernés, tant au sein même de l'établissement qu'avec les élus, en particulier avec les maires des communes forestières. A cet égard, des commissions régionales de concertation entre l'ONF et les communes forestières sont mises en place dans chacune des directions territoriales.

En ce qui concerne la situation financière de l'ONF, l'année 2002 avait été marquée par un déficit de près de 90 millions d'euros, ramené à 10 millions d'euros après le versement de subventions exceptionnelles pour tenir compte des moindres recettes de bois dans les forêts domaniales, à la suite des tempêtes de 1999.

L'année 2003 a été une année de consolidation, avec la réduction d'un tiers de ce déficit. Ce résultat a été obtenu à la fois par une augmentation du chiffre d'affaires et par une réduction globale des charges. De nouveau, les subventions exceptionnelles versées par mon ministère, d'un montant de 60 millions d'euros, ont permis d'atteindre l'équilibre en 2003.

Le budget de l'ONF pour 2004 a été voté en équilibre, en intégrant un versement compensateur de 145 millions d'euros toutes taxes comprises et une nouvelle subvention exceptionnelle de 25 millions d'euros. Il a été élaboré dans un contexte de reprise marquée dans le secteur du bâtiment, ce qui a conduit à retenir un scénario optimiste en termes de ventes de bois.

Je rappelle, monsieur le sénateur, que la baisse de 20 millions d'euros du versement compensateur votée en loi de finances pour 2004 a finalement été compensée, grâce à nos efforts conjugués, par une inscription complémentaire de 20 millions d'euros en loi de finances rectificative pour 2003.

Je rappelle également que ce versement compensateur permet - comme son nom l'indique - de compenser le coût de gestion des forêts communales, déduction faite de la part payée par les communes au titre des frais dits « de garderie », qui représentent environ 12 % de la dépense : l'Etat prend donc à sa charge 88 % des coûts de gestion du régime forestier.

Pour l'exercice 2005, le projet de budget du ministère prévoit 145 millions d'euros toutes taxes comprises au titre du versement compensateur, soit un niveau équivalent à celui des années antérieures. A ce stade, il n'est pas prévu de subvention exceptionnelle d'équilibre dans le projet de loi de finances pour 2005. L'opportunité d'une telle subvention sera examinée lors de la préparation des lois de finances rectificatives pour 2005.

Vous le voyez, monsieur le sénateur, qu'il s'agisse de la gestion des forêts communales, avec le versement compensateur, ou de la gestion des forêts domaniales, avec les subventions d'équilibre après la tempête de 1999, l'Etat a consacré près de 200 millions d'euros chaque année en 2002, 2003 et 2004 pour assurer l'équilibre de la gestion des forêts publiques. On ne peut pas sérieusement affirmer qu'il y a là une volonté de réduction du service public !

Néanmoins, la situation de l'ONF reste fragile et le retour à un équilibre financier durable reste fortement dépendant du marché du bois. Dans ce domaine, l'ONF cherche à améliorer les modes de vente : mise en place d'un observatoire du marché du bois, politique contractuelle avec les acheteurs, regroupement de certaines adjudications, sélectivité plus grande des lots commercialisés. Mais cette stratégie atteint ses limites quand on sait que le marché du bois est totalement libre et ouvert à la concurrence internationale.

La charte de la forêt communale signée le 16 octobre 2003 avec la Fédération nationale des communes forestières précise par ailleurs les limites du régime forestier - le socle de la gestion durable - par opposition aux prestations contractuelles, qui font l'objet de facturations à coût complet aux communes.

A cet égard, je m'étonne des termes de votre question, car la distinction entre les activités marchandes et les autres activités de l'ONF est d'ores et déjà effectuée depuis longtemps au sein des comptes de l'établissement par sa comptabilité analytique. Cet outil, mis en place en 1993, renseigne précisément sur les charges et les produits de chacune des principales fonctions de l'ONF : gestion des forêts domaniales, mise en oeuvre du régime forestier dans les forêts des collectivités et prestations du domaine concurrentiel.

Monsieur le sénateur, j'espère avoir répondu à vos inquiétudes et je vous confirme, si besoin était, que la mise en oeuvre du régime forestier et la gestion durable des forêts publiques sont une priorité de notre politique forestière, sur laquelle veille attentivement Colbert, dont la statue surplombe cet hémicycle. (Sourires.)

M. le président. La parole est à M. René-Pierre Signé.

M. René-Pierre Signé. Monsieur le ministre, j'ai pris bonne note de vos propos et je n'en nie pas la véracité. Néanmoins, il faut le reconnaître, le déficit de l'ONF a été réduit en partie par la réduction des charges de personnel de terrain.

On a recruté beaucoup plus d'ingénieurs que d'agents de terrain. Or cette démarche, qui pouvait se comprendre, a des conséquences fâcheuses puisque la gestion, la surveillance, la protection des forêts ne sont plus assurées aussi bien que précédemment.

Monsieur le ministre, quels que soient par ailleurs vos arguments sur la gestion de l'ONF, vous devez convenir qu'il y a eu des licenciements et que des postes sont vacants. Ma question portait principalement sur ce sujet. Vous m'avez répondu que la séparation des activités marchandes était réalisée, mais il reste nécessaire de pourvoir au recrutement d'agents contractuels, dont la présence est indispensable à la bonne gestion quotidienne de nos forêts, pour remplacer ceux qui ont été licenciés ces dernières années.

- page 6804

Page mise à jour le