Question de M. BOULAUD Didier (Nièvre - SOC) publiée le 13/10/2004

M. Didier Boulaud attire l'attention de M. le ministre de la santé et de la protection sociale sur les nombreux rapports faisant état de la pénurie de médecins en France, qui s'aggravera au cours des dix prochaines années. Le Gouvernement, conscient des difficultés que rencontrera la population pour l'accès aux soins a décidé justement, mais avec retard, d'augmenter le numerus clausus dont les effets ne seront perceptibles que dans une dizaine d'années. Pendant la période transitoire, le départ en retraite prévisible des médecins renforcera une pénurie particulièrement sensible et déjà existante dans les départements comme la Nièvre. Cette pénurie touche la médecine libérale qui, dans certains cantons, n'est plus à même d'assurer la permanence des soins. Elle frappe également de plein fouet le service public hospitalier malgré les mesures incitatives mises en place : prime spécifique pour les postes à recrutement prioritaire, concours spécial pour les praticiens adjoints contractuels notamment. Ainsi, le centre hospitalier de Nevers, site pivot de la Nièvre, n'est plus en mesure de recruter les praticiens hospitaliers nécessaires à son fonctionnement pour garantir la permanence des soins. Tel est le cas notamment de la radiologie, de la néonatalogie, de la pédopsychiatrie ou des urgences. Ce phénomène est amplifié par la distorsion des rémunérations entre le secteur public et le secteur privé comme en imagerie médicale. A terme, cette pénurie fait courir de graves risques à la population par défaut d'accès aux soins et met en péril la pérennité du service public. Ces risques sont accrus par l'éloignement géographique du centre hospitalier de Nevers des autres sites pivots d'autres départements, ainsi que des CHU les plus proches, Dijon, Clermont-Ferrand ou Paris. Il souhaite donc savoir comment il envisage de réagir pour pallier à cette insécurité sanitaire et les moyens qu'il compte mettre en oeuvre, dans des délais rapprochés, pour garantir un accès à des soins de qualité à la population nivernaise.

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Réponse du Secrétariat d'Etat aux personnes handicapées publiée le 17/11/2004

Réponse apportée en séance publique le 16/11/2004

M. Didier Boulaud. Madame le secrétaire d'Etat, de nombreux rapports ont fait état de la pénurie de médecins en France qui s'aggravera au cours des dix prochaines années. Le Gouvernement, ou plutôt les gouvernements, conscients des difficultés que rencontrera la population pour l'accès aux soins, ont décidé justement, mais avec retard, de relever le numerus clausus, décision dont les effets ne seront perceptibles que dans une dizaine d'années.

Pendant la période transitoire qui s'annonce, le départ en retraite prévisible des médecins renforcera une pénurie déjà sensible dans de nombreux départements, en particulier dans celui de la Nièvre, que j'ai l'honneur de représenter.

Cette pénurie touche la médecine libérale, qui, dans certains cantons, n'est plus à même d'assurer la permanence des soins. La même pénurie frappe également de plein fouet, et c'est tout aussi grave, sinon plus, le service public hospitalier, en dépit des mesures incitatives mises en place ici ou là, notamment la prime spécifique pour les postes à recrutement prioritaire ou le concours spécial pour les praticiens adjoints contractuels.

Ainsi, le centre hospitalier de Nevers, dont j'ai l'honneur de présider le conseil d'administration, et qui est aussi le site pivot du département de la Nièvre, n'est plus en mesure de recruter les praticiens hospitaliers nécessaires à son bon fonctionnement pour garantir la permanence des soins. Tel est notamment le cas en radiologie, en néonatalogie, en pédopsychiatrie ou pour les urgences. En radiologie, deux postes seulement sont pourvus sur les six existant au schéma. Pour ce qui est des urgences, seuls 3 postes sont pourvus sur les 8,2 prévus par le schéma directeur. Il en va de même en pédopsychiatrie, en néonatologie, avec des risques à venir en anesthésie, en gynéco-obstétrique et en néphrologie.

Ce phénomène est amplifié par les distorsions de rémunérations qui existent entre le secteur public et le secteur privé. En imagerie médicale, par exemple, on a vu partir des praticiens hospitaliers publics vers le secteur privé, et ce dans la même ville.

A terme, cette pénurie fait courir de graves risques à la population par défaut d'accès aux soins et met en péril la pérennité même du service public. Ces risques sont accrus également par l'éloignement géographique du centre hospitalier de Nevers des sites pivots d'autres départements, notamment des centres hospitaliers les plus proches, celui de Dijon, à plus de 200 kilomètres, celui de Clermont-Ferrand, à plus de 150 kilomètres, ou celui de Paris, à 235 kilomètres.

Je souhaite donc savoir comment le ministère de la santé et le Gouvernement envisagent de réagir pour pallier cette insécurité sanitaire et quels moyens ils comptent mettre en oeuvre, dans des délais nécessairement rapprochés, pour garantir à la population nivernaise l'accès aux soins, et à des soins de qualité.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'Etat.

Mme Marie-Anne Montchamp, secrétaire d'Etat aux personnes handicapées. Monsieur le sénateur, vous avez souhaité attirer l'attention du ministre de la santé et de la protection sociale sur la pénurie de médecins que connaît en effet notre pays.

Le ministre est conscient de la situation, et le Gouvernement met en oeuvre un certain nombre de mesures concrètes pour y faire face.

II s'agit tout d'abord de mesures d'attractivité pour le système hospitalier public.

Je citerai en premier lieu à la prime d'engagement de servir sur un poste défini à recrutement prioritaire, dans les zones géographiques déficitaires.

Vient ensuite la revalorisation de l'ensemble des rémunérations des praticiens hospitaliers, avec des grilles plus attractives et des indemnités d'engagement de service public exclusif.

Enfin, la politique de réorganisation hospitalière, dans le cadre du projet « Hôpital 2007 », doit conduire à une utilisation optimale des ressources médicales, avec une approche territoriale des besoins de santé.

En outre, les départs à la retraite massifs de médecins, autour de 2015, vont s'accompagner d'une diminution de la démographie médicale. Ce différentiel entre les arrivées de nouveaux médecins et les départs est la conséquence directe d'un numerus clausus trop restrictif.

Les simulations réalisées par le ministère de la santé et les travaux de l'Observatoire national de la démographie des professions de santé montrent que seul le relèvement du numerus clausus permettra de stabiliser les effectifs médicaux à l'horizon 2015. A cette date, la proportion de femmes médecins sera de 50%.

C'est pourquoi le ministre de la santé et de la protection sociale a souhaité un numerus clausus de 7000 étudiants en médecine.

Par ailleurs, il est exact que la répartition géographique est inégale et que certaines zones sont plus durement touchées que d'autres par cette baisse démographique.

Il s'agit d'un phénomène complexe qui ne touche pas seulement la médecine et les soins mais qui affecte l'ensemble des services publics. Il convient que l'Observatoire de la démographie des professions de santé, en concertation avec les syndicats d'étudiants en médecine, les professionnels et les doyens, fasse des propositions pour pallier cet état de fait.

Enfin, l'article 135 de la loi du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique prévoit la mise en place d'un dispositif de prolongation d'activité des praticiens - visés à l'article L. 6152- 1 du code de la santé publique - après la limite d'âge qui leur est opposable, dans la limite de trente-six mois maximum, sous réserve d'aptitude médicale.

Ce dispositif entrera en vigueur à compter de la date de publication du décret d'application qui est actuellement en cours d'examen au cabinet du ministre de la santé.

M. le président. La parole est à M. Didier Boulaud.

M. Didier Boulaud. Ces mesures à venir sont intéressantes, madame la secrétaire d'Etat, et je vous remercie de les avoir détaillées dans votre réponse. Cependant, nous allons être confrontés, en particulier dans l'établissement que je préside, à l'urgence. Demain, un certains nombre de services seront dépourvus de praticiens hospitaliers, et donc contraints à la fermeture.

Vos propos sont encourageants, mais, confrontés à cette carence de praticiens hospitaliers, les hôpitaux font feu de tout bois en recourant à des contrats temporaires en général très coûteux.

Par ailleurs, je relève une contradiction entre la réalité et ce qui nous est proposé. En effet, le ministre de la santé a demandé aux établissements publics de réaliser 850 millions d'euros d'économie. Or l'hôpital de Nevers, mais ce n'est qu'un exemple, se trouve dans l'incapacité de réaliser ces économies, étant obligé de payer des anesthésistes contractuels à des prix défiant toute concurrence. Cette pratique est susceptible de se reproduire dans le cas des urgences et de la pédopsychiatrie. C'est un non-sens !

Comment peut-on dans le même temps nous enjoindre de réaliser des économies et nous obliger, pour assurer la continuité du service, à dépenser, à notre plus grand regret, des sommes très importantes ?

Depuis des années, la situation en Bourgogne est très difficile, malgré quelques rattrapages, hélas insuffisants. L'hôpital de Nevers connaît aujourd'hui un déficit de 10 millions d'euros. Il en sera de même pour six ou sept grands établissements hospitaliers de Bourgogne. Ce n'est donc pas le moment opportun pour nous demander d'économiser 850 millions d'euros.

Madame la secrétaire d'Etat, vous avez fait allusion, à juste titre, à la nécessité, pour les centres hospitaliers universitaires, de venir en aide aux territoires les plus déshérités. C'est vrai, en particulier, du CHU de Dijon, que l'on aimerait voir déployer ses efforts en direction des hôpitaux périrégionaux. Cela n'est malheureusement pas encore le cas, en dépit de l'importance des effectifs des CHU comparés à leurs besoins. Les doyens ont ici un rôle majeur à jouer.

J'ajoute que notre agence régionale de l'hospitalisation attend encore son directeur. Pour une région comme la nôtre ! Depuis que l'ARH a été mise en place, nous avons vu passer trois directeurs, en coup de vent. Le dernier n'est resté qu'un an et demi, et nous nous retrouvons aujourd'hui sans interlocuteur susceptible de régler ces problèmes.

Je vous remercie encore de votre réponse, madame la secrétaire d'Etat, mais je veux que cette question soit un véritable cri d'alerte, car des services seront probablement fermés.

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