Question de Mme DEMESSINE Michelle (Nord - CRC) publiée le 14/10/2004

Mme Michelle Demessine souhaite interroger M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales au sujet du report annoncé de la construction du commissariat central à Lille. Avec plus d'un million d'habitants et plus de 100 000 crimes et délits traités par an, la sécurité publique des circonscriptions de Lille, Roubaix, Tourcoing et Armentières est comparable à celle de Marseille et de Lyon. En raison du manque de moyens humains et matériels qui caractérise nos territoires, les populations concernées vivent dans des conditions de sécurité inquiétantes qu'il est nécessaire et urgent de relayer. Ainsi, sur le terrain, on constate une augmentation sensible de la délinquance sur la voie publique malgré l'effort significatif des villes quant aux effectifs de la police municipale (+ 10 agents à Lille, + 20 à Roubaix, + 18 à Mons, + 14 à Wattrelos, etc.). Avec les charges qui incombent à une métropole telle que Lille : garde des bâtiments administratifs, garde du tribunal de grande instance, police des audiences, escorte de prévenus ou de détenus, police des transports, services et maintien de l'ordre, proximité des frontières belge et hollandaise..., l'effectif dans le district de Lille (2 604 agents) reste inférieur d'environ 400 policiers à l'effectif des secteurs de Lyon ou de Marseille. Cette insuffisance récurrente de moyens d'effectifs se traduit par des situations de plus en plus difficiles pour nos concitoyens les plus vulnérables. Dans certains quartiers, l'absence de la police conjuguée à l'impunité de certains délinquants sont de nature à développer le sentiment légitime d'insécurité. En conséquence, l'annonce de l'information selon laquelle la construction du nouvel hôtel de police prévue à Lille depuis 1998 et attendue par l'ensemble des policiers du district serait reportée au profit de la construction d'un deuxième hôtel de police à Lyon est reçue comme inacceptable pour les professionnels de police au regard de leurs conditions de travail. Elle est inacceptable également pour les élus des communes concernées qui restent convaincus de l'efficacité de la police de proximité, pour autant qu'elle ait les moyens de ses objectifs. La réalisation de ce commissariat central constitue un de ces moyens et en tout état de cause un signe significatif. Alors qu'il ne manque plus que l'autorisation de programme pour lancer le marché de travaux lié à ce chantier, elle lui demande de bien vouloir l'éclairer sur les dispositions que le Gouvernement compte prendre pour assurer la mise en oeuvre de ce projet déclaré prioritaire depuis 1998.

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Réponse du Ministère délégué à l'intérieur publiée le 03/11/2004

Réponse apportée en séance publique le 02/11/2004

Mme Michelle Demessine. Monsieur le ministre, je souhaite interroger le Gouvernement sur l'incertitude qui pèse encore sur la construction, à Lille, d'un nouvel hôtel de police.

Avec plus d'un million d'habitants et plus de 100 000 crimes et délits traités par an, la sécurité publique des circonscriptions de Lille, Roubaix, Tourcoing et Armentières est comparable à celle de Marseille et de Lyon.

En raison du manque de moyens humains et matériels qui caractérise nos territoires, les populations concernées vivent dans des conditions de sécurité difficiles, comme cela a été indiqué par les maires, élus et parlementaires concernés à M. Dominique de Villepin, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales, lors de sa visite à Lille le 22 octobre dernier.

Ainsi, sur le terrain, nous constatons une augmentation sensible de la délinquance de voie publique : ces faits ont augmenté de 11,5 % dans la circonscription de Lille entre août 2003 et août 2004.

Pourtant, durant cette période, les villes ont accompli des efforts significatifs en accroissant les effectifs de la police municipale : 10 agents supplémentaires à Lille, 20 à Roubaix, 18 à Mons, 14 à Wattrelos, etc.

Je voudrais rappeler que, en dépit des charges qui pèsent sur une métropole telle que Lille - garde des bâtiments administratifs, garde du tribunal de grande instance, police des audiences, escorte de prévenus ou de détenus, police des transports, services et maintien de l'ordre, proximité des frontières belge et hollandaise, etc -, l'effectif du district- 2604 agents - reste inférieur d'environ 400 policiers à celui des secteurs de Lyon et de Marseille.

Cette situation est du reste aggravée par la perte de plus de 150 postes, en raison de la disparition des adjoints de sécurité.

Cette insuffisance de moyens et d'effectifs conduit à des situations qu'il ne serait pas excessif de qualifier d'aberrantes voire de grotesques, s'il ne s'agissait de la sécurité de nos concitoyens les plus vulnérables.

C'est ainsi que la majorité des bureaux de police dans le district lillois sont désormais obligés de fermer entre midi et quatorze heures, faute d'agents disponibles.

Certains bureaux de police, comme ceux de Roubaix, sont même fermés le week-end, voire l'été.

A Wattrelos, par exemple, l'un des postes de police ne compte plus qu'un agent au lieu de onze voilà deux ans. Cet agent n'est d'ailleurs pas habilité à recueillir les plaintes.

Enfin, faute de voitures de police disponibles, les agents municipaux sont parfois amenés à conduire eux-mêmes des fonctionnaires de la police nationale de leurs bureaux vers les lieux d'infraction.

Vous comprendrez, monsieur le ministre, au regard de ces quelques exemples, que, dans certains de nos quartiers, l'exaspération des habitants soit à son comble.

L'absence de la police, conjuguée à l'impunité de certains délits, contribue à développer un sentiment légitime d'insécurité dans nos quartiers, alors que les thèmes sécuritaires constituaient le credo du prédécesseur de l'actuel ministre de l'intérieur.

En conséquence, je peux vous assurer que les atermoiements relatifs à la construction du nouvel hôtel de police, prévu à Lille depuis 1998 et attendu par l'ensemble des policiers de notre district, sont très mal perçus non seulement par les professionnels de police, compte tenu de leurs conditions de travail, mais également par les populations, qui ne comprennent pas que, en dépit des annonces et du grand panneau planté sur le terrain situé aux portes du quartier de Lille sud, ils ne voient toujours aucun engin de chantier.

Faut-il vous rappeler, monsieur le ministre, que trois gouvernements successifs ont fait du nouvel hôtel de police de Lille une priorité, que la ville de Lille a cédé à l'Etat, pour l'euro symbolique, un terrain de 17 000 m², que cet hôtel, décidé en 1997, devait voir le jour en 2006 et que tout est prêt sur place pour qu'il en soit ainsi ?

Nous redisons, monsieur le ministre, ainsi que l'a indiqué Mme la maire de Lille, Martine Aubry, au ministre de l'intérieur, lors de sa visite, que le choix de la ville de Lyon comme ville prioritaire pour la construction d'un hôtel de police - avec des engagements budgétaires pour 2005, alors que celui de Lille n'y figure que pour des crédits d'études - nous paraît injuste et ne respecte pas un engagement de la République.

Monsieur le ministre, je ne doute pas que le Gouvernement, sensibilisé par les propos tenus unanimement, sur tout l'échiquier politique de l'agglomération lilloise, à M. de Villepin signifiera sa volonté de voir le chantier démarrer au plus vite.

Qu'en est-il après la visite du ministre de l'intérieur à Lille ? La parole de l'Etat va-t-elle être respectée ? Quand l'hôtel de police va-t-il pouvoir être inauguré et accueillir les trente-six services dispersés dans l'agglomération et les 1700 policiers ? En 2006 ? En 2007 ? En 2008 ?

Une réponse claire de votre part représenterait un signe fort et salutaire pour les populations, pour les fonctionnaires de police.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Jean-François Copé, ministre délégué à l'intérieur. Madame Demessine, je suis très heureux que vous rejoigniez les préoccupations du Gouvernement en matière de sécurité ! J'étais presque ému de l'enthousiasme dont vous faites preuve aujourd'hui pour nous parler de ces questions, comme si, finalement, la France était une page blanche et que tout avait commencé voilà deux ans et demi !

L'honnêteté m'oblige à vous dire qu'il y a eu quand même, avant et après, quelques changements.

Dans la mesure où vous n'avez pas eu l'occasion de le rappeler - il est vrai que vous aviez beaucoup de choses à dire -, je vais rebondir sur le contenu très dense de votre question pour apporter, je l'espère, une réponse aussi dense, non pas sur la forme - je serai sans doute moins polémique que vous - mais sur le fond. Après tout, c'est ce qui compte, parce que les Français font attention non pas à la polémique mais au fond.

Aussi allons-nous essayer d'entrer dans les détails, à l'image de la précision dont a fait preuve Dominique de Villepin, lors de son déplacement à Lille, le 22 octobre. Nous étions d'ailleurs l'un et l'autre à Lille. Le ministre de l'intérieur s'est ainsi adressé aux habitants de la communauté urbaine, alors que, pour ma part, je le faisais en direction des communautés urbaines. Nous avons tous deux rappelé notre détermination à lutter contre la délinquance.

Madame le sénateur, je tiens à vous communiquer des chiffres précis.

Le département du Nord a enregistré, au cours des neuf premiers mois de l'année 2004, par rapport à la même période de 2003, une baisse de 5,1 % de la délinquance générale et de 7 % de la délinquance de voie publique. Je n'ai pas souvenir que nous ayons connu, même une seule fois, un résultat comme celui-là entre 1997 et 2002 !

Concernant plus particulièrement la circonscription de Lille, dont vous avez abondamment et justement parlé, durant la même période de référence, la délinquance générale a reculé de 8 % et la délinquance de voie publique de 5,6 %.

Je me permets de citer ces chiffres dans la mesure où vous n'avez pas jugé utile de le faire. Mais peut-être ne disposiez-vous pas de ces éléments ?

Quant aux effectifs de police - vous avez brossé de cette question un tableau à côté duquel l'Apocalypse est une promenade de santé -, je voudrais vous dire que les choses ne sont pas tout à fait celles que vous évoquez.

Dominique de Villepin l'a rappelé lorsqu'il est venu à Lille. Je ne doute pas un instant que ses propos ne vous aient été rapportés, d'autant que nos services sont confrontés, dans le département du Nord comme dans de très nombreux autres endroits en France, à des situations difficiles.

II a ainsi annoncé l'affectation, d'ici au 1er janvier 2005, de 20 fonctionnaires supplémentaires à la sécurité publique et de 21 fonctionnaires à la police aux frontières, afin de faire face à l'immigration clandestine, qui, vous le savez, est désormais une priorité essentielle du Gouvernement depuis deux ans et demi.

Cette opération permettra la remise à niveau des effectifs des circonscriptions les plus défavorisées, qui, il est vrai, avaient accusé un retard important à la fin des années quatre-vingt-dix.

Par ailleurs, le mode de recrutement des adjoints de sécurité sera révisé afin de pourvoir les 720 postes budgétaires du département du Nord, qui ne le sont pas tous actuellement, faute de candidats. C'est l'un des aspects les plus paradoxaux des problèmes que nous avons à traiter.

Parallèlement, je souhaite vous préciser que le ministre de l'intérieur conduit une importante réflexion visant à mieux répartir les effectifs de police à partir de critères objectifs et transparents, qui balaient l'ensemble de l'activité quantifiable de la sécurité publique.

Tous les départements, y compris le vôtre, madame le sénateur, pourront ainsi affronter l'insécurité à armes égales.

Au vu de l'effectif de référence départemental, les préfets seront chargés de répartir les fonctionnaires entre les circonscriptions de sécurité publique, en tenant compte de l'évolution de l'insécurité.

J'en viens maintenant à la question du commissariat de Lille, ayant à coeur de répondre à tous les points soulevés.

Comme vous, madame le sénateur, je n'aime pas le sectarisme ! Je n'apprécie pas que l'on fasse les choses à moitié ou que l'on utilise des arguments qui ne sont pas toujours les bons !

Les projets immobiliers de la police nationale sont totalement indépendants les uns des autres. Lorsque le Gouvernement s'occupe du commissariat de Lille, il s'occupe du commissariat de Lille et ne va pas regarder ailleurs ou rendre des comptes sur l'avancement d'autres projets.

Je ne peux pas imaginer que vous puissiez vous-même succomber, au-delà de l'effet de tribune - il est vrai que nous en avons tous fait à un moment ou à un autre -, à cette tentation de comparer des projets les uns aux autres. Tout est important en France. Chaque Français a de la valeur, chaque ville est évidemment notre préoccupation, Lille comme les autres.

Le nouvel hôtel de police, qui fait partie des six grands projets immobiliers prévus par la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure, ou LOPSI, sera mis en chantier comme prévu. Il représente globalement - en études et en travaux - plus de 52 millions d'euros, ce qui en fait le projet immobilier le plus important qu'aura réalisé le ministère de l'intérieur depuis dix ans. Je mentionne ce point, car cela vous permettra d'opérer des comparaisons et même de le dire à Mme Aubry, que vous avez abondamment citée.

En dépit des contraintes budgétaires, le ministre de l'intérieur a décidé le caractère prioritaire de cette opération. Vous le savez d'ailleurs, puisqu'il l'a dit à Lille. Il a prévu que l'appel d'offres démarrerait le 1er décembre prochain. Les travaux commenceront donc dès juin 2005 afin que le nouvel hôtel de police soit livré à ses utilisateurs avant la fin de l'année 2007.

Les autorisations de programme qui seront décidées en 2005 représenteront environ un tiers de la totalité de celles qui seront mobilisées, dans la France entière, pour la police nationale.

J'ajoute que c'est également à Lille que le ministère de l'intérieur réalise aujourd'hui la plus importante opération immobilière de France au bénéfice de l'administration territoriale. En effet, 41,2 millions d'euros seront consacrés à la réinstallation de la préfecture en plein centre-ville.

Le moins que l'on puisse dire, à travers ces éléments de réponse, c'est que vous avez toutes les raisons de trouver les voies de l'apaisement, madame le sénateur.

Cela ne vous dispense pas d'être vigilante. En effet, il faut toujours l'être. Toutefois, peut-être rendrez-vous un jour hommage à l'action de l'actuel gouvernement et constaterez-vous que, au moins sur ce sujet, il existe quelques points d'accord entre nous.

Mme la présidente. La parole est à Mme Michelle Demessine.

Mme Michelle Demessine. Je tiens à remercier M. le ministre de sa réponse et à lui dire que mon ton ne m'avait pas semblé particulièrement polémique. Peut-être n'a-t-il pas l'habitude de m'entendre parler. Je parle toujours de la sorte. J'énonce les faits. Je me fais aussi le porte-parole des gens qui habitent les quartiers et apprécient que l'on parle ainsi. Mais mon propos ne se voulait nullement polémique. Il visait simplement à rappeler les faits.

Merci, monsieur. le ministre, de nous avoir annoncé des efforts en matière d'effectifs pour Lille. J'en prends acte, même si nous sommes loin du compte.

Je prends également acte de la nouvelle répartition des effectifs qui va intervenir. J'espère qu'elle prendra bien en compte le problème auquel nous sommes confrontés dans cette agglomération.

Je vous remercie particulièrement des précisions importantes que vous m'apportées. En effet, le ministre de l'intérieur, lors de sa venue à Lille, nous avait donné un certain nombre d'indications qui ont quelque peu évolué tout au long de la journée, à tel point que nous ne savions plus exactement quelles étaient les dernières décisions. Ces précisions rassureront certainement tous ceux qui, sur le terrain, se préoccupent de cette question, en particulier les habitants de ce quartier qui ont hâte de voir érigée cette nouvelle construction, à la place d'un trou béant.

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