Question de M. SOUVET Louis (Doubs - UMP) publiée le 07/10/2004

M. Louis Souvet attire l'attention de M. le ministre délégué au commerce extérieur sur la teneur du rapport du groupe spécial de l'organisation mondiale du commerce concernant le règlement sucre de l'Union européenne. Il se fait, à cette occasion l'écho des préoccupations des professionnels de ce secteur quant aux conséquences tant sociales qu'économiques. Pour la France, premier exportateur de l'Union, c'est une diminution de 40 % de sa production, la fermeture d'une douzaine de sucreries, soit un tiers des sites existants et la perte de 10 000 emplois industriels directs ou indirects en zones rurales. Il lui demande si le Gouvernement entend sensibiliser les partenaires européens sur ce dossier et de facto solliciter la saisine de l'organe d'appel de l'organisation mondiale du commerce. Il rappelle toutefois, à toutes fins utiles, que l'organe d'appel ne réexamine théoriquement pas les faits, mais examine la stricte application des règles de droit, un amicus curiae bien construit en ce sens pourrait être opportun. Il rendrait à tout le moins compte de la détermination des professionnels de la filière sucrières.

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Réponse du Ministère délégué au commerce extérieur publiée le 03/02/2005

D'importantes contraintes, tant internes qu'externes, pèsent aujourd'hui sur la filière sucre communautaire et la conduisent à évoluer. Au plan interne, le secteur du sucre ne pouvait pas rester plus longtemps à l'écart du vaste processus de réforme de la politique agricole commune qui a déjà concerné tous les autres secteurs agricoles et a introduit un " découplage " des aides aux agriculteurs. Au plan externe, l'ouverture décidée par l'Europe aux importations des pays les plus pauvres (initiative " tout sauf les armes ") permettra notamment aux pays les moins avancés d'exporter leur sucre sans droit de douanes sur le marché communautaire à partir de l'année 2009. Par ailleurs, l'action contentieuse lancée par certains membres de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) (Australie, Brésil et Thaïlande) contre le régime sucrier de l'Union européenne pourrait se solder par l'interdiction d'exporter la majeure partie du sucre communautaire. L'ensemble de ces facteurs (baisse des exportations et hausse des importations) pourrait fortement déséquilibrer l'organisation actuelle de la filière. Dans l'action contentieuse engagée devant l'OMC par le Brésil, la Thaïlande et l'Australie, les premières conclusions rendues par le groupe spécial le 4 août 2004 sont défavorables aux intérêts communautaires, malgré une défense très solide des Communautés européennes. Le gouvernement français a par conséquent demandé à la Commission de saisir l'organe d'appel de l'Organisation mondiale du commerce, ce qu'a officiellement annoncé le commissaire Fischler le 15 octobre 2004. La Commission européenne a proposé aux Etats membres le 19 juillet 2004 une réforme ambitieuse de l'organisation commune de marché du sucre. Celle-ci vise, d'une part, à préserver la production communautaire, notamment française, et d'autre part, à se prémunir au mieux contre une probable condamnation du système actuel à l'OMC. Bien qu'encore perfectible, cette proposition est globalement favorable aux intérêts français, compte tenu de la compétitivité de la filière au niveau européen : le montant de l'aide compensatoire proposée aux agriculteurs est attractif ; les producteurs des départements d'outre-mer devraient bénéficier d'un régime spécifique ; l'industrie sucrière française, l'une des plus compétitives d'Europe, devrait pouvoir faire face à la baisse annoncée des prix garantis, tout en profitant de la diminution de la production de sucre dans d'autres Etats membres, moins compétitifs. Depuis le mois de septembre 2004, le Gouvernement s'emploie à Bruxelles à améliorer les propositions initiales de la Commission afin de préserver au mieux les intérêts de la filière française. La position française consiste notamment à sensibiliser la Commission sur les points suivants : la France souhaite que la réforme débute le 1er juillet 2006 (et non le 1er juillet 2005, comme proposé par la Commission), afin d'éviter toute décision avant le résultat définitif du panel en cours à l'OMC ; au sein des groupes de travail sucre, les informations fournies par la Commission, notamment celles relative aux aspects financiers tels que le montant des aides compensatoires à octroyer aux pays Afrique, Caraïbe, Pacifique (ACP), sont insuffisantes. La France demande davantage d'informations sur ces aspects ; la France a, au cours des travaux du Conseil, fait systématiquement part de ses préoccupations quant à l'avenir du secteur sucre dans les pays ACP. C'est pourquoi la France souhaite qu'un traitement spécifique soit réservé à ces pays et que soient préservées les préférences accordées en matière d'accès au marché communautaire - au même titre que la France souhaite que soit accordé un traitement spécifique aux régions ultra-périphériques. La Commission élabore actuellement un plan d'action devant servir de base au dialogue avec les pays ACP, afin de définir des mesures appropriées d'accompagnement. Ce plan sera présenté prochainement. Enfin, à la demande de la France, il est prévu de tenir une réunion à Bruxelles début 2005 entre la Commission, le Conseil et les pays ACP. Par ailleurs, dans le cadre de la révision du système de préférences généralisées de l'Union européenne qui a lieu actuellement à Bruxelles, la France veille à ce que les intérêts de la filière sucre soient convenablement pris en compte. D'une part, elle a demandé que l'ouverture progressive, puis la libéralisation totale du marché communautaire du sucre au profit des pays les moins avancés ne s'appliquent pas aux départements d'outre-mer français : une clause d'exemption similaire à celle qui figure dans l'accord de Cotonou pourrait donc être reprise dans le futur règlement du système de préférences généralisées. D'autre part, elle a proposé un renforcement du mécanisme de clause de sauvegarde, de manière à rendre son utilisation plus rapide et plus souple, dès lors que le marché communautaire du sucre menacerait d'être perturbé. En définitive, le Gouvernement est très attentif à l'évolution des négociations communautaires et internationale relatives à la filière sucre, compte tenu de l'importance des intérêts sociaux et économiques en jeu.

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