Question de Mme DEMESSINE Michelle (Nord - CRC) publiée le 17/11/2004

Mme Michelle Demessine souhaite interroger M. le ministre délégué à l'industrie au sujet des restructurations des services postaux annoncées dans le département du Nord. Le département du Nord est un des plus gros départements pour La Poste tant en terme de postiers que de courriers distribués. Or, sont envisagés : la fermeture de quatre guichets de plein exercice dans quatre communes rurales pour être transformés en points poste chez des commerçants ; un projet de plates-formes de traitement du courrier en remplacement des deux plates-formes départementales de Lezennes et de Valenciennes, sans informations concernant l'avenir de ces deux sites et des emplois qui y sont affectés. Cette politique est mise en oeuvre au nom de l'ouverture du marché postal à la concurrence, déjà effective pour les plis de plus de 100 grammes et qui s'étendra aux plis de plus de 50 grammes le 1er janvier 2006. C'est d'ailleurs au nom de ces directives européennes que notre entreprise publique se verra peut être privée du marché de la distribution à tous les citoyens français des informations relatives au référendum sur la Constitution européenne. Le manque d'information et l'opacité qui règnent autour des différents projets (zones de vie, réorganisation des centres de tri, mise en place des plates-formes industrielles) contribuent à accroître l'inquiétude des salariés, des élus locaux et des usagers. La mise en oeuvre de tels changements ne s'improvise pas. En conséquence, elle lui demande de bien vouloir l'éclairer sur les dispositions que le secteur postal envisage de prendre concernant toutes les réorganisations en cours et à venir dans le département.

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Réponse du Ministère délégué à l'industrie publiée le 22/12/2004

Réponse apportée en séance publique le 21/12/2004

Mme Michelle Demessine. Monsieur le ministre, je souhaite vous interroger sur l'incertitude qui pèse sur l'organisation des services de La Poste dans le Nord, et plus précisément en ce qui concerne la présence des bureaux de poste dans les communes du département et la création de la nouvelle plate-forme de traitement du courrier appelée à remplacer celles de Lezennes et de Valenciennes.

La plus grande opacité règne sur ces deux questions.

S'agissant de la fermeture annoncée des bureaux de poste, M. Raffarin, lors du congrès des maires de France, a dû constater l'attachement unanime des élus à ce service public et à sa vocation d'aménagement du territoire.

Aussi, depuis cette confrontation, il n'est question que de concertation avec les élus locaux, de définition concertée de « zone de vie », de charte du dialogue territorial. Cela est, du reste, fort bien relayé par les médias.

Mais, qu'en est-il de sur le terrain, quand le bureau ferme ou que l'ouverture quotidienne est réduite à une heure ou deux ?

Dans les petites villes de notre département, telles que Don, Lécluse, Montchécourt, Annoeullin, Bauvin ou Cantin, la concertation territoriale n'a pas eu lieu. Les décisions sont annoncées au cas par cas ; et la rentabilité du service, les contraintes de gestion sont systématiquement invoquées. S'agissant de ces communes, il n'est plus question d'égalité de traitement pour tous les citoyens et de service public tant est forte la pression de la dérégulation et de l'ouverture concurrentielle.

On parle de supprimer, à terme, quelque cent cinquante bureaux de poste dans le département du Nord. Cette information inquiète fortement les élus et, avec eux, les usagers de ces services. Aucune stratégie, aucun plan à terme ne viennent d'ailleurs démentir la véracité de cette information. Tout se passe dans une opacité totale.

Depuis deux ans, les conseils locaux postaux ne sont plus réunis. Ils permettaient, pourtant, d'organiser la concertation locale et de prendre en compte les critères relatifs au développement territorial plutôt que les seuls paramètres du marketing.

Après France Télécom, EDF et le réseau de la Banque de France, la Poste est-elle aussi visée pour amoindrir, voire supprimer les services collectifs ?

Le département du Nord subit déjà de plein fouet les délocalisations et les difficultés économiques. Faut-il, en plus, que sa population se voit privée des services dont elle a quotidiennement besoin ?

Si La Poste doit effectivement moderniser son réseau d'acheminement et de distribution du courrier, ce service public a le devoir de réaliser cette modernisation en assumant ses missions de développement de l'économie locale et d'aménagement du territoire ainsi qu'en respectant ses usagers et ses personnels, et cela à des tarifs permettant de lutter véritablement contre la fracture sociale, qui est loin d'être un vain mot dans notre département.

J'en viens au deuxième point de ma question.

A été annoncée l'ouverture prochaine d'un nouveau centre de traitement du courrier, qui remplacera certainement le centre de Lezennes et partiellement celui de Valenciennes. Ce centre devrait être opérationnel en 2007.

Là encore l'opacité est totale : les salariés apprennent les informations au compte-goutte par la presse et, à ce jour, aucune indication n'a été donnée quant aux conséquences de cette implantation pour le personnel. Quel sera l'avenir professionnel des mille salariés concernés par cette nouvelle organisation ?

Si M. Bailly, comme il l'exprimait dans un courrier récent, s'est personnellement engagé vis-à-vis des postiers, nous attendons de lui et aujourd'hui de vous, monsieur le ministre, que toutes les informations relatives à la restructuration du réseau des bureaux de poste du département et celles qui ont trait à l'implantation de la nouvelle plate-forme soient non seulement clarifiées et disponibles pour tous, mais aussi qu'elles fassent effectivement l'objet d'une concertation approfondie avec les élus et les opérateurs publics du département.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. Madame la sénatrice, quel est le contexte général de la présence postale ?

La Poste, son président et le Gouvernement se sont engagés à maintenir le nombre total de points de contact existants : il y en a 17 000 aujourd'hui, il en restera 17 000 quoi qu'il arrive !

En novembre, lors du congrès de l'Association des maires de France, M. Bailly a signé une charte du dialogue territorial qui engage La Poste à ne procéder à aucune fermeture de bureaux sans concertation préalable avec les élus.

Qu'en est-il, par ailleurs, des bureaux de poste gérés en propre par la Poste ? Il y en a aujourd'hui 13 785, dont 10 632 bureaux de plein exercice et 3 53 bureaux de proximité, c'est-à-dire n'ayant pas de receveur. Parmi ces bureaux de poste, 5 782 sont ouverts moins de deux heures par jour d'activité !

Le nombre des points Poste chez les particuliers, aujourd'hui de 1 000, est en cours de réduction. On compte en outre 1 600 agences communales et 460 points Poste installés chez les commerçants.

Les 5 782 bureaux de poste dont l'activité quotidienne ne dépasse pas deux heures seront progressivement transformés en points Poste chez les commerçants. Cela permettra d'installer ou de maintenir durablement des commerces dans un tissu rural parfois fragile et d'offrir aux usagers une plage d'ouverture beaucoup plus importante.

En ce qui concerne le département du Nord, quatre points de contact ont été transformés en points Poste en 2004 : sont concernées les communes de Fontaine-au-Pire, Spycker, Don et Preux-au-Bois. Ces bureaux de poste enregistraient une fréquentation inférieure à dix clients par jour ! La décision a systématiquement été prise en concertation étroite avec les élus locaux. Le choix s'est finalement porté sur la formule du point Poste afin d'améliorer de façon très significative l'accessibilité horaire de ces points de contact.

Comme sur tout le territoire, la concertation est menée par les directeurs territoriaux de La Poste auprès de chaque élu local concerné par un projet d'évolution du réseau de La Poste dans sa commune.

La commission départementale de présence postale territoriale est présidée par M. Bernard Carton, conseiller général du Nord et conseiller municipal de Roubaix. Elle s'est réunie une première fois sur le dossier « évolution du réseau des bureaux de poste du Nord » le 27 octobre afin de dialoguer sur la méthode et sur le calendrier. Elle s'est réunie une deuxième fois le 15 décembre, c'est-à-dire il y a quelques jours, afin de présenter la charte postale du dialogue territorial. Des contacts réguliers sont noués avec l'association des maires du Nord, avec le conseil général, avec le conseil économique et social régional ainsi qu'avec les communautés de communes.

Dans le département du Nord, 50 bureaux de poste sur 400 seront transformés en agences postales communales ou en points Poste. Compte tenu des agences postales communales et des points Poste existants, ce sont moins de 10 % des établissements qui sont concernés sur trois ans.

Concernant l'organisation industrielle du courrier, La Poste doit relever deux défis : premièrement, l'ouverture du marché du courrier à la concurrence, qui résulte de la transposition des directives postales, dont la plus récente, qui date de 2002, a été négociée par le gouvernement précédent ; deuxièmement, l'anticipation de la baisse du volume de courrier liée au développement des technologies de l'information et de la communication, en particulier des courriels.

La Poste a lancé un grand projet industriel et social de modernisation de son activité courrier baptisé « Cap qualité courrier 2007 », annoncé par le président Jean-Paul Bailly le 13 octobre dernier, à Lille.

L'investissement s'élève à environ 30 millions d'euros pour le département du Nord ; il comporte la création d'une plate-forme industrielle d'envergure nationale dans l'agglomération lilloise.

Cette plate-forme ne vient pas en remplacement du centre de traitement du courrier de Valenciennes, qui est maintenu, avec une évolution probable de son activité. L'activité du centre de traitement du courrier de Lille sera, quant à elle, transférée sur cette nouvelle plate-forme.

Une large concertation a été menée avec les postiers, dans le cadre d'un dialogue social rénové, comme en témoigne l'accord social signé le 21 juin 2004 avec les organisations syndicales.

L'objectif est d'améliorer la qualité de service pour les particuliers et les entreprises, conformément au contrat de plan liant l'Etat et La Poste pour la période 2003-2007.

La Poste, à partir du 1er janvier 2005, et de plus en plus par la suite, va être confrontée à une concurrence intense. Si elle ne veut pas perdre des parts de marché, elle doit être davantage compétitive. Il faut savoir qu'elle sera soumise à la concurrence de postes étrangères, en particulier, dans le département du Nord, des postes hollandaises et allemandes. Il convient donc de permettre à notre poste d'être performante !

M. le président. La parole est à Mme Michelle Demessine.

Mme Michelle Demessine. Je tiens à remercier M. le ministre de sa réponse très argumentée et détaillée. Néanmoins, qu'il me permette de lui poser cette nouvelle question : si le tableau était aussi idyllique qu'il le peint, pourquoi les élus seraient-ils en colère ?

Par ailleurs, monsieur le ministre, vous avez évoqué de nombreuses réunions de concertation ; Mais c'étaient plutôt des réunions d'information ! Pourquoi les conseils locaux de concertation ne se tiennent-ils plus ? Ils avaient l'avantage de permettre aux élus de réfléchir ensemble sur le devenir d'un territoire.

S'agissant de la nouvelle plate-forme de traitement du courrier, monsieur le ministre, vous ne m'avez pas répondu au sujet de sa localisation. Or c'est cela qui est source d'inquiétude ! Les salariés qui seront déplacés aimeraient bien savoir où ils exerceront leur métier, et cela paraît bien légitime.

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