Question de M. MASSON Jean Louis (Moselle - NI) publiée le 11/11/2004

M. Jean-Louis Masson souhaite connaître l'avis de M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales sur les modalités d'indemnisation d'une entreprise titulaire d'un marché à commandes signé avec une collectivité locale, marché non exécuté du fait exclusif de cette collectivité. Dans le cas d'espèce, après appel d'offres, la mairie a signé un marché à commandes pour trois ans avec une entreprise de travaux publics pour la fourniture d'agrégats destinés à la voirie communale. Pendant la première année, la mairie a confié au titulaire le montant minimum annuel des fournitures prévu au contrat et a acheté sur simples factures les agrégats supplémentaires dont elle avait besoin auprès d'autres fournisseurs (et ceci bien que ces agrégats supplémentaires aient été prévus au marché sur appel d'offres précité). Pendant les deuxième et troisième années, aucun bon de commande n'a été adressé au titulaire du marché, la commune se fournissant auprès d'autres entreprises sur simples factures, voire sur marchés négociés. Il est à noter que le marché après appel d'offres n'a pas été résilié, a été chaque année renouvelé par tacite reconduction et que la collectivité n'a émis aucune réserve sur la qualité des prestations de l'entreprise titulaire. Se pose alors la question du droit à indemnisation de l'entreprise titulaire du fait de la rupture abusive du contrat. Y a-t-il lieu à indemniser le titulaire du marché lésé par l'attitude du maire ? Si oui, sur quelles bases : sur les deux montants minimum du marché pour les années 2 et 3 ? sur les deux montants maximum du marché pour les années 2 et 3 ? Sur la totalité des achats réalisés auprès des autres entreprises pendant ces trois années ? sur la marge bénéficiaire attendue par le titulaire et non réalisée ? Cette marge est-elle alors calculée sur les montants minimum ou maximum du marché ou sur les achats effectués en dehors du marché du titulaire pendant ces trois années ? Quelles pièces justificatives doivent être produites à l'ordonnateur par le titulaire du marché ?

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Réponse du Ministère de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales publiée le 10/03/2005

Un marché à bons de commande a lieu d'être passé lorsque, pour des raisons économiques, techniques ou financières, le rythme ou l'étendue des besoins à satisfaire ne peuvent être arrêtés. Il est conclu pour une durée déterminée. Il contient en principe un engagement sur un minimum et un maximum en valeur ou en quantité qui permet d'ouvrir un droit à indemnisation pour le préjudice subi pour le titulaire du marché, dans l'hypothèse où le montant minimal prévu au contrat n'est pas atteint. Dans une décision du 18 janvier 1991 (ville d'Antibes c/SARL Dani), le Conseil d'Etat a précisé que, dans une telle situation, le préjudice consistait en la perte de la marge bénéficiaire qu'aurait dégagée l'exécution du montant minimal et que l'indemnisation devait correspondre à la différence entre ce montant et le montant des prestations effectivement réalisées. Les bons de commande sont émis au fur et à mesure de la survenance des besoins. Celle-ci peut ne pas être régulière. Le titulaire d'un marché à bons de commande bénéficie en principe d'une clause d'exclusivité. Pour les marchés passés antérieurement au 8 janvier 2004, date d'entrée en vigueur du code des marchés publics actuel, ce principe est d'application absolue. Le code issu du décret du 7 mars 2001 ne prévoit pas en effet la possibilité d'y déroger. En conséquence, l'acheteur public est tenu de s'adresser exclusivement au titulaire du marché tant que la date limite d'expiration n'est pas atteinte et jusqu'à hauteur du maximum prévu au contrat. A défaut, le titulaire est en droit d'obtenir une indemnisation. Il en va différemment en revanche en ce qui concerne les marchés passés sous l'empire du code des marchés publics aujourd'hui en vigueur. L'article 71 de ce code prévoit en effet la possibilité pour la personne publique de s'adresser à un prestataire autre que le titulaire du marché pour des besoins occasionnels, pour autant que le montant cumulé de ces achats ne dépasse pas 1 % du montant total du marché et à concurrence de 10 000 euros (HT). Ainsi le fait qu'au cours de l'exécution d'un tel marché, aucun bon de commande ne soit adressé au titulaire du marché pendant une période donnée, et que des commandes soient passées avec d'autres prestataires n'est pas aujourd'hui nécessairement illégal en soi. Dans le cas d'espèce, le minimum prévu au contrat sur trois ans n'a manifestement pas été honoré puisque les commandes passées correspondent au minimum annuel de la première année. Le titulaire est donc en droit de présenter à la commune une demande d'indemnisation correspondant à la différence entre le bénéfice minimum escompté et les prestations effectivement acquittées.

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