Question de Mme DEMESSINE Michelle (Nord - CRC) publiée le 14/12/2004

Mme Michelle Demessine souhaite interroger M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche au sujet de la faible représentation du CNRS dans la région du Nord-Pas de Calais et plus particulièrement de celle du secteur des sciences humaines. En effet, dans sa région : - trois universités sur quatre, possédant un département Lettres et Sciences Humaines, ne disposent pas d'équipes de recherches labellisées CNRS ; -pour la quatrième université, trois unités mixtes de recherches au maximum survivront dans le prochain plan quadriennal débutant en 2006 ; -le secteur SHS dans la région ne représente en termes de personnels que 0,4 % des effectifs du CNRS national ; -enfin, tous secteurs et toutes disciplines confondus, sa région ne représente que 1,7 % des effectifs totaux du CNRS. En conséquence, elle lui demande de bien vouloir lui indiquer les mesures que le gouvernement compte prendre pour que la région Nord-Pas de Calais, déjà sévèrement touchée par les restructurations industrielles et économiques, ne se voie pas dépourvue des pôles d'innovations et de recherches indispensables à son développement.

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Réponse du Ministère délégué à la recherche publiée le 02/02/2005

Réponse apportée en séance publique le 01/02/2005

Mme Michelle Demessine. Monsieur le ministre, je souhaite interroger le Gouvernement sur la représentation du CNRS en Nord-Pas-de-Calais.

En effet, à la veille de la mise en oeuvre du prochain plan quadriennal « Recherche », nous sommes alertés par les chercheurs qui sont très inquiets de la très faible représentation du CNRS dans notre région et particulièrement dans le secteur des sciences humaines dont on me dit qu'il est quasiment sinistré.

Pour illustrer mon propos, je souhaiterais porter à votre connaissance quelques chiffres qui, si dramatiques qu'ils soient, n'en sont pas moins parlants.

En Nord-Pas-de-Calais, trois universités sur quatre - Artois, Littoral et Valenciennes - possédant un département lettres et sciences humaines ne disposent pas d'équipes de recherche labellisées CNRS. Or vous n'êtes pas sans savoir que seul le label CNRS est actuellement reconnu au niveau international.

Pour la quatrième université, Lille III-Charles de Gaulle, trois unités mixtes de recherche au maximum devraient survivre dans le prochain plan quadriennal, qui débutera en 2006.

Le secteur des sciences de l'homme et de la société ne représente dans notre région que 0,4 % des effectifs du CNRS, chercheurs et ingénieurs, techniciens, administratifs cumulés, soit une centaine de personnes pour 4 millions d'habitants !

Pour reprendre l'expression d'un des chercheurs de Lille, je me demande à quel pourcentage considérera-t-on que l'on a atteint le stade de la mort clinique.

Enfin, pour en terminer avec ces chiffres, j'ajoute que, tous secteurs et toutes disciplines confondues, notre région ne représente que 1,8 % des effectifs totaux du CNRS.

Il y a des circonstances où les principes d'égalité de traitement sur le territoire ou de continuité territoriale prennent une forme tout à fait inattendue.

Ainsi les quatre régions du nord-ouest de la France, Nord-Pas-de-Calais, Picardie, Haute-Normandie, et Champagne-Ardenne totalisent 2,5 % des effectifs nationaux avec 650 personnes, alors les quatre régions du sud-est de notre pays - Rhône-Alpes, Provence-Alpes-Côte-d'Azur, Languedoc-Roussillon, et Midi-Pyrénées - cumulent 8 420 personnes soit 30,4 % des effectifs nationaux.

Alors que le projet pour le CNRS prévoit de constituer des pôles d'excellence régionaux, visibles à l'échelon européen et mondial, je crains fort que les moyens ne soient pas donnés à notre région pour entrer dans ce dispositif.

Et même si Bernard Larrouturou, directeur du CNRS, affirme avoir tenu compte des « disparités sur le territoire pour fixer des priorités, notamment pour l'interrégion Nord-Ouest, et tout particulièrement pour la région Nord-Pas-de-Calais », nous n'en sommes que très peu convaincus puisque, s'agissant de la création des pôles de compétitivité, il indique à ses directeurs d'unité que le Gouvernement n'identifiera et ne soutiendra qu'un petit nombre de sites. De quoi forcer l'inquiétude des chercheurs et des élus !

Vous le savez, notre région occupe une place stratégique au sein de l'Europe du Nord. Elle est en pleine reconversion et se bat pour ne pas devenir une friche industrielle.

Ce ne sont pas les talents qui manquent dans notre région. Nombres de thésards au statut précaire souhaiteraient vivement être labellisés CNRS.

Or, paradoxalement, pour accorder le label CNRS à une équipe, on ne la juge pas sur la qualité de son travail, mais on la juge sur le nombre de chercheurs CNRS qu'elle compte. Il faudra bien sortir de ce cercle vicieux pour accroître le potentiel de recherche du Nord-Pas-de-Calais.

Manifestement, la mise en place des pôles de compétitivité se fera en priorité dans les métropoles régionales et universitaires qui disposent déjà de personnels et d'infrastructures.

Dès lors l'économie de notre région subira une fois de plus un handicap terrible tant la recherche est au coeur des évolutions futures.

En conséquence, monsieur le ministre, je vous demande de bien vouloir m'informer des dispositions que compte prendre le Gouvernement pour que la région Nord-Pas-de-Calais voit son potentiel de recherche rééquilibré et que cesse cette spirale funeste qui pénalise notre région et, par conséquent, son avenir.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. François d'Aubert, ministre délégué à la recherche. Madame Demessine, je vous remercie de me poser cette question concernant une région qui vous est chère, le Nord-Pas-de-Calais, mais qui, historiquement, avait pris un certain retard en matière de recherche par rapport à d'autres régions. De plus, le Nord-Pas-de-Calais se trouve, par rapport à la région parisienne, dans la même situation que les régions Provence-Côte-d'Azur ou Rhône-Alpes.

En effet, l'Ile-de-France représente aujourd'hui encore environ 50 % de notre potentiel de recherche, alors qu'il y a quelques années ce potentiel atteignait 60 % ; la situation s'améliore donc.

Ce genre d'inégalité territoriale entre l'Ile-de-France et le reste du territoire est inévitable et cela est valable pour d'autres régions qui se plaignent de ne pas avoir un dispositif de recherche suffisamment étoffé.

La recherche joue un rôle très structurant en matière d'occupation et d'aménagement du territoire. Votre question porte essentiellement sur le CNRS, mais l'université est également un pilier de la recherche.

On ne peut pas dire que le label CNRS, même s'il est important sur le plan scientifique, soit la seule mesure de la qualité d'une recherche au plan international. L'excellence de la recherche se mesure au travers d'une multitude de critères et, notamment pour la recherche fondamentale au travers des publications. Un universitaire, un enseignant-chercheur peut publier, comme d'ailleurs les chercheurs du CNRS, mais aussi les chercheurs du CNRS et les enseignants chercheurs qui sont associés au sein d'une même unité mixte de recherche, une UMR.

Pour mesurer l'importance de la recherche dans une région, il faut prendre en compte l'ensemble des forces de la recherche. La recherche publique est fondée sur deux piliers, les grands organismes de recherche, dont fait partie le CNRS, et l'université.

Je ne voudrais pas que votre question revienne indirectement à sous-entendre une dévalorisation de la recherche universitaire. La recherche en elle-même est importante, même quand un laboratoire n'est pas labellisé CNRS, et les laboratoires universitaires sont des lieux de recherche non négligeables. En France, un quart des laboratoires universitaires sont associés au CNRS en UMR.

S'agissant des personnels CNRS en Nord-Pas-de-Calais, les données montrent une évolution très positive sur la période récente. En effet, de 2000 à 2004, les effectifs de chercheurs sont passés de 229 à 276 personnes, soit une augmentation de 21 %, et les effectifs d'ingénieurs, techniciens, administratifs, les ITA, de 206 à 310 personnes, c'est-à-dire une augmentation de 50 %. Le CNRS entend d'ailleurs continuer à réduire les disparités de ses implantations régionales, notamment en Nord-Pas-de-Calais, en favorisant, à qualité scientifique égale, des projets provenant de ces implantations.

La dimension de politique régionale n'est nullement absente de la dynamique d'activité des organismes nationaux de recherche. Un instrument traditionnel de prise en compte de cette dimension est le volet recherche des contrats de plan Etat-région.

En Nord-Pas-de-Calais, à la fin de 2004, dans ce cadre, si l'engagement du CNRS accuse un léger retard - 3 millions d'euros hors taxe au lieu de 3,5 millions d'euros attendus - le taux d'exécution des engagements de l'Etat est plus que satisfaisant, puisqu'il représente 75 % contre les 70 % attendus. Il faut également souligner que s'ajoute au contrat de plan Etat-région en Nord-Pas-de-Calais un instrument complémentaire, le plan de renforcement de la recherche, le PRR, sur lequel l'Etat s'est engagé à mobiliser 12,64 millions d'euros.

Comme vous, madame Demessine, j'estime toutefois qu'il faut ouvrir la voie à un meilleur ancrage territorial de la politique publique de recherche, tout en maintenant une exigence d'excellence pour affronter la compétition scientifique internationale. Il est vrai que la région Nord-Pas-de-Calais, située au coeur de l'Europe, est particulièrement attentive à cette vocation internationale du monde de la recherche. Il s'agit, en effet, d'un secteur qui est très internationalisé et qui connaît une vive compétition dans le cadre de la mondialisation.

Aussi, dans la prochaine loi d'orientation et de programmation de la recherche, sera clairement affirmé le caractère structurant de la dimension régionale pour les acteurs de la politique nationale de recherche, avec notamment le lancement d'une politique de création de pôles de recherche et d'enseignement supérieur qui pourront nouer des partenariats forts avec toutes les collectivités territoriales.

Les pôles de recherche et d'enseignement supérieur qui seront créés découleront d'un volontariat de la part des organismes scientifiques et des universités. On ne peut pas dire combien ils seront, car les labels seront accordés en fonction de la qualité des projets qui seront proposés.

L'Etat devra concilier une préoccupation d'ancrage territorial et d'aménagement du territoire ainsi qu'une exigence d'excellence nationale et de visibilité internationale.

M. le président. La parole est à Mme Michelle Demessine.

Mme Michelle Demessine. Je vous remercie, monsieur le ministre, de votre réponse. Mais j'ai préféré la fin de votre intervention à son début.

J'ai bien noté le souci d'un meilleur ancrage territorial et d'une exigence d'excellence auquel le Nord-Pas-de-Calais peut répondre.

J'ai pris note de vos arguments sur la diversité de la recherche, notamment la recherche universitaire, mais je constate que le déséquilibre entre l'ensemble du territoire et le Nord-Pas-de-Calais reste important.

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