Question de M. FOUCAUD Thierry (Seine-Maritime - CRC) publiée le 19/01/2005

M. Thierry Foucaud souhaite attirer l'attention de M. le ministre de l'écologie et du développement durable sur la nécessité d'un partage des coûts, en matière de traitement des déchets, entre les industriels et les consommateurs : ce partage est indispensable pour une réduction à la source de la quantité de déchets et le développement du recyclage. Or deux projets amenuisent la participation des industriels. Il en est ainsi du projet de décret fixant le barème de prise en charge par les industriels pour la gestion des déchets d'équipements électriques et électroniques, qui prévoit des obligations n'incitant pas les industriels à modifier leurs pratiques dans le sens d'une réduction des déchets. Par ailleurs, le projet de barème pour le calcul du soutien financier versé par les sociétés Eco-Emballage et Adelphe aux collectivités locales conduit à réduire l'aide reçue pour le développement des collectes sélectives. Aussi, il lui demande quelles mesures il entend prendre pour que la participation des industriels permette de respecter le principe de prévention.

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Réponse du Ministère déléguée à l'intégration, à l'égalité des chances et à la lutte contre l'exclusion publiée le 16/02/2005

Réponse apportée en séance publique le 15/02/2005

M. Thierry Foucaud. Madame la ministre, le financement de la collecte et du traitement des déchets ménagers pèse aujourd'hui lourdement sur les ménages. La contribution de nos concitoyens à ce titre n'a cessé d'augmenter, à tel point que la taxe d'enlèvement des ordures ménagères est aujourd'hui le quatrième impôt local.

Il y a fort à craindre que cette hausse ne se poursuive, si un nouveau mode de financement n'est pas mis en place très rapidement. D'ailleurs, un grand nombre d'installations, vous le savez, sont arrivées aujourd'hui à saturation et de nouvelles normes sont applicables concernant les déchets d'équipements électroniques et électriques.

L'augmentation de la contribution des ménages est, de l'avis des élus comme de la population, injuste et inefficace. Les protestations sont d'ailleurs nombreuses : la population ne comprend pas que ses efforts en matière de tri sélectif n'entraînent aucune baisse de leur contribution. On peut redouter que ces protestations ne perdurent si, demain, la population doit réduire la quantité de déchets, alors qu'elle paye toujours.

Pour être efficaces, ces politiques - tri sélectif, valorisation et réduction des déchets - doivent faire prendre toutes leurs responsabilités aux industriels et les inciter à produire autrement.

Le projet de décret fixant le barème de prise en charge par les industriels pour la gestion des déchets d'équipements électriques et électroniques, s'il pose certaines obligations dans ce sens, reste largement insuffisant. En effet, il ne prévoit aucun financement pour la mise en place de points de collecte par les collectivités locales. Or ces points de collecte sont indispensables.

Par ailleurs, le nouveau barème de calcul du soutien financier versé par les sociétés Eco-Emballages et Adelphe aux collectivités locales conduit à réduire l'aide aux collectivités les plus performantes.

A ce sujet, lors du 86e congrès de l'Association des maires de France, une résolution a rappelé que les maires souhaitent « que les soutiens financiers versés par les organismes agréés [...] couvrent, à terme, l'intégralité des dépenses de collecte et de traitement des emballages ménagers supportées par les communes. Les maires ont demandé que ces soutiens représentent, à partir du 1er janvier 2005, une moyenne de 12 euros par habitant trieur ».

Certes, une compensation est prévue jusqu'en 2008. Mais qu'en sera-t-il après cette date ?

Je vous demande donc, madame la ministre, quelles mesures le ministre de l'écologie et du développement durable entend prendre pour que la participation des industriels permette de respecter le principe de prévention.

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Nelly Olin, ministre déléguée à l'intégration, à l'égalité des chances et à la lutte contre l'exclusion. Monsieur le sénateur, vous avez appelé l'attention du Gouvernement sur la participation des sociétés produisant ou important certains biens à l'élimination des déchets issus de ces biens.

Vous soulignez à juste titre l'intérêt de la participation des industriels à l'élimination des déchets issus des biens qu'ils mettent sur le marché. Une telle participation les incite à prendre davantage en compte, dès la conception du produit, une meilleure « fin de vie » de celui-ci. Elle a donc un impact favorable en termes de prévention de la production de déchets.

En revanche, le Gouvernement ne partage pas votre point de vue sur les déchets d'équipement électriques et électroniques et les emballages. Il n'y a pas de recul de l'engagement des industriels pour le financement du traitement de certains flux de déchets, bien au contraire.

Ainsi, s'agissant des emballages, les sociétés agréées ont fait état, dans leur demande d'agrément, d'une augmentation des soutiens aux collectivités, qui passeraient de 300 millions d'euros en 2003 à 500 millions d'euros en 2008.

Il est vrai que, pour certaines collectivités, les simulations montrent que, sans mesure compensatoire, le passage au nouveau barème se traduirait par une diminution des soutiens versés. Le Gouvernement a donc demandé une augmentation de cette compensation, qui sera ainsi égale à 100 % de la différence entre l'ancien et le nouveau barème jusqu'en 2008, hors soutiens expérimentaux.

Par ailleurs, le ministre de l'écologie a souhaité que, au cours du premier semestre de l'année 2008, un bilan des montants effectivement versés soit réalisé afin de le comparer aux prévisions.

Enfin, il faut ajouter que les soutiens à l'optimisation qui ont été introduits dans les agréments répondent justement au souci de ne pas faire subir à nos concitoyens, qu'ils soient contribuables ou consommateurs, des coûts qui ne sont pas justifiés du point de vue écologique.

C'est sur cette base, monsieur le sénateur, que les arrêtés portant agrément des deux sociétés Eco-emballages et Adelphe ont été signés à la fin de 2004.

S'agissant des déchets d'équipements électriques et électroniques, ce dispositif présente un double intérêt.

D'une part, la mise en place de collectes sélectives permettra de traiter ces déchets dans des conditions plus adaptées.

D'autre part, pour répondre à votre légitime préoccupation, monsieur le sénateur, la prise en charge, par les industriels, du traitement des déchets issus de leurs produits les incitera à prendre en compte, en amont, les difficultés que peut poser ledit traitement.

Le projet de décret que vous avez cité prévoit une forte implication des industriels dans le traitement de ces déchets.

Les producteurs seront, en effet, responsables de l'enlèvement des déchets d'équipements électriques et électroniques collectés sélectivement et de leur traitement. C'est l'essentiel du coût de gestion de ces déchets. Par ailleurs, et contrairement à ce que vous indiquiez, ils participeront financièrement aux collectes sélectives réalisées par les communes.

M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud.

M. Thierry Foucaud. Dans votre réponse, madame la ministre, j'ai senti un certain embarras, mais aussi le signe de la volonté du Gouvernement de faire évoluer la situation.

Je tiens à formuler quelques remarques.

La vocation première d'Eco-emballages est de soutenir les collectivités pour la mise en place du tri sélectif, mais il ne faut pas oublier que cette entreprise verse aujourd'hui des aides à d'autres partenaires et s'investit dans d'autres missions. Cette tendance se trouve renforcée, d'ailleurs, par l'arrêté portant agrément du 1er janvier 2005.

Je ne conteste pas les chiffres que vous avez cités, car ils sont justes ; le montant global de la contribution versée aux collectivités augmente effectivement, puisque, de 300 millions d'euros en 2003, il passera à 500 millions d'euros en 2008. Je tiens toutefois à souligner que le nombre de bénéficiaires augmente lui aussi, d'où un nouveau barème « en escalier ».

L'ancien barème pour l'aide aux collectivités, le barème C, permettait aux collectivités d'accroître leur soutien au financement des tonnages triés. Avec le nouveau barème, la progression se fera par paliers, et, une fois atteint un certain tonnage, l'aide retombera au premier niveau, sans que, dans le même temps, il y ait de quoi récompenser les collectivités locales les plus performantes.

Cela rejoint la remarque que je faisais s'agissant cette fois de nos concitoyens, qui ne comprennent pas qu'on leur demande de trier, et, parallèlement, que la taxe d'enlèvement des ordures ménagères augmente.

Quant au barème « amont », qui concerne la contribution industrielle, il est sans rapport avec les dépenses des collectivités, mais il est fonction des besoins de financement d'Eco-emballages.

C'est pourquoi, lors de leur 86e congrès, les maires de France ont rédigé une résolution, dont j'ai extrait une longue citation tout à l'heure.

Madame la ministre, il s'agit là d'une question à suivre, d'une question d'ores et déjà d'actualité, à la fois pour les collectivités locales, qui paient très cher, et pour la population, qui pense payer trop cher. Nous pouvons admettre que nos concitoyens supportent une partie des coûts de traitement des déchets, qui doivent être éliminés, mais non qu'aujourd'hui, alors qu'ils ont acquis une culture du tri sélectif, ils payent de plus en plus cher. C'est ce point qu'il faut revoir.

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