Question de M. GOURNAC Alain (Yvelines - UMP) publiée le 19/01/2005

M. Alain Gournac attire l'attention de M. le ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer sur une réelle inquiétude de nos concitoyens s'il en croit le nombre d'élus qui le questionnent à ce sujet. Ils sont, en effet, effarés non seulement que l'on puisse conduire sans permis, mais surtout que ceux qui commettent ce type d'infraction soient aussi nombreux. Par ailleurs, ils n'osent imaginer les conséquences en cas d'accident, car ces automobilistes ne peuvent être, bien entendu, couverts par aucune assurance. Aussi, il lui demande comment il appréhende ce problème avec ses services et les solutions qu'il entend lui apporter.

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Réponse du Secrétariat d'Etat aux transports et à la mer publiée le 02/02/2005

Réponse apportée en séance publique le 01/02/2005

M. Alain Gournac. Monsieur le secrétaire d'Etat, je suis réellement inquiet : aujourd'hui, d'après les informations dont je dispose, 1 millions d'automobilistes conduiraient sans permis !

Le phénomène recouvre plusieurs hypothèses. Dans les conducteurs sans permis, il y a, bien sûr, ceux qui n'ont jamais passé les épreuves du permis de conduire ; les statistiques montrent que leur nombre est plutôt faible. Mas il y a aussi tous ceux qui se sont vu retirer leur permis et qui continuent de conduire malgré tout. Ces derniers ont même les honneurs de la télévision, où ils sont consultés par les uns et par les autres pour savoir quel est leur secret pour conduire ainsi sans permis !

Mon inquiétude, celle de mes collègues et de nos concitoyens, monsieur le secrétaire d'Etat, s'amplifie à la lecture de certaines statistiques. Ainsi, 37 000 automobilistes ont perdu leur permis en 2004 - soit une augmentation, d'une années sur l'autre, de 74 % -, et ce, notamment, grâce aux radars.

Vous savez, monsieur le secrétaire d'Etat, combien je suis favorable à l'installation de ces radars, mais, alors que nous nous apprêtons à en implanter bien plus dans les deux années qui viennent, je veux simplement attirer votre attention sur l'énorme augmentation du nombre d'automobilistes conduisant sans permis qui risque d'en résulter.

Certes, monsieur le secrétaire d'Etat, si ces automobilistes ont été privés de leur permis, c'est pour une bonne raison et ils se mettent en tort en conduisant malgré tout ; mais leur sort m'importe moins en cet instant que celui de leurs victimes éventuelles, s'ils sont impliqués dans un accident grave. Que se passe-t-il, par exemple, si un piéton est renversé sur un passage protégé ? L'automobiliste privé de permis est-il encore couvert par l'assurance de la voiture ? C'est une inquiétude terrible, car, lorsque l'on est victime d'un accident de la circulation, on ne choisit pas le responsable, qui peut fort bien être de ceux qui conduisent sans permis !

Mon inquiétude se double d'un certain sentiment de malaise devant le peu de réactions que suscitent ces comportements. Il me semble même, monsieur le secrétaire d'Etat, et croyez que j'en suis désolé, que les télévisions mettent au contraire en vedette des personnes qui n'hésitent pas à reconnaître devant les caméras que, bien que privées de leur permis, elles continuent de conduire parce qu'elles ont besoin de leur véhicule pour travailler, par exemple !

Je n'ai pas l'impression que des mesures soient prises, monsieur le secrétaire d'Etat, pour enrayer ce phénomène, mais je suis persuadé que vous allez m'éclairer sur ce point.

Cela étant, monsieur le secrétaire d'Etat, comme certains de mes collègues de la commission des lois, intéressés par la question que je pose ce matin, me l'ont confirmé, il faut reconnaître que l'on a vite fait aujourd'hui de perdre son permis de conduire. Voilà qui est tout de même ennuyeux : on retire de plus en plus facilement leur permis de conduire aux conducteurs, mais c'est au prix de difficultés accrues pour les populations ! Cet état de fait me préoccupe.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.

M. François Goulard, secrétaire d'Etat aux transports et à la mer. Monsieur le sénateur, votre interpellation est parfaitement légitime. Le Gouvernement partage les préoccupations que vous venez, très justement, d'exprimer sur ce sujet qui nous concerne tous.

Le nombre de conducteurs sans permis est, par définition, impossible à évaluer précisément. On dispose cependant d'une estimation du pourcentage de conducteurs sans permis impliqués dans des accidents - 3 % -, ce qui permet de réfuter les chiffres les plus alarmistes mentionnés dans la presse.

Par ailleurs, le nombre d'infractions relevées par les forces de l'ordre au motif d'une conduite pour défaut de permis de conduire ou de permis de conduire non valide, s'élevait, en 2001, à 43 446, en 2002, à 46 926, et, en 2003, à 48 148.

Cette augmentation régulière de la conduite sans permis peut s'expliquer, en partie, par l'augmentation du nombre des contrôles effectués - en augmentation de 18 % entre 2002 et 2003 pour la gendarmerie nationale -, mais peut-être aussi par une augmentation de cette pratique, extrêmement critiquable.

Le phénomène de la conduite sans permis est suffisamment préoccupant pour que le Gouvernement y prête la plus grande attention.

Trois axes sont privilégiés pour remédier à cette situation.

Premièrement, et votre question y concourt, monsieur Gournac, nous voulons privilégier une information du grand public sur les risques de la conduite sans permis, sur le défaut d'assurance, sur le système du permis à points et sur les modalités de récupération de ces points. Il est vrai, monsieur le sénateur, qu'il y a une sévérité nouvelle ; mais elle se traduit par des résultats en matière de sécurité routière, nous nous accordons sur ce constat.

Il convient de rappeler que la conduite sans permis est un acte illégal et dangereux ; ce comportement est lourdement sanctionné, conformément à la loi du 9 mars 2004, qui dispose que cette infraction est punie d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende.

Deuxièmement, nous voulons privilégier l'intensification des contrôles, qui, à la fois, dissuadent de telles pratiques et permettent d'en sanctionner les auteurs.

Troisièmement, nous voulons privilégier non seulement la sécurisation de l'épreuve théorique générale de l'examen du permis de conduire pour éviter les fraudes, mais aussi la mise en place des dispositions de la future directive communautaire sur le permis de conduire et l'instauration d'un nouveau format du permis de conduire sous forme de carte plastique. Ce nouveau permis de conduire devra faire l'objet d'un renouvellement administratif tous les dix ans ; nous nous assurons ainsi de réduire le nombre de faux permis en circulation.

Comme vous l'avez indiqué, monsieur Gournac, lutter contre ces comportements est une vraie responsabilité pour les pouvoirs publics.

Nous devons également nous assurer que les jeunes peuvent accéder à une formation de qualité à la conduite et à la sécurité routière.

Une mission parlementaire sur les différents problèmes soulevés par cette question a été confiée à Jean-Michel Bertrand, député de l'Ain et maire de Bourg-en-Bresse. Son rapport nous sera communiqué très prochainement.

M. le président. La parole est à M. Alain Gournac.

M. Alain Gournac. Je remercie M. le secrétaire d'Etat. Sa réponse est tout à fait claire.

Je suis content d'apprendre qu'une mission parlementaire remettra un rapport sur ce sujet. En toute franchise, j'avoue que je l'ignorais.

Monsieur le secrétaire d'Etat, les chiffres que j'ai cités sont peut-être exagérés, puisque vous nous dites que le pourcentage de conducteurs sans permis impliqués dans des accidents est de 3 %. Pour autant, je ne me suis pas trompé en ce qui concerne l'augmentation du phénomène global de la conduite sans permis.

M. François Goulard, secrétaire d'Etat. Oui, l'augmentation est réelle.

M. Alain Gournac. Certes, cela peut s'expliquer en partie par l'augmentation - de 18 %, avez-vous dit - du nombre des contrôles effectués par la gendarmerie notamment, mais on ne peut pas contester l'augmentation importante de la pratique de conduite sans permis elle-même.

Monsieur le secrétaire d'Etat, je suis d'accord avec vous : la répression ne suffit pas et il faut mettre les personnes en infraction devant leurs responsabilités. C'est la raison pour laquelle je suis favorable à l'information du grand public. Il faut essayer de mieux faire passer le message, par exemple au travers d'émissions ou de conférences de presse et ne pas hésiter à informer les personnes qui conduisent sans permis qu'elles encourent une peine d'un an de prison et une amende très élevée. J'ai eu en effet l'impression, lors des interviews que je mentionnais, que les automobilistes concernés prenaient ce type d'infraction plutôt à la légère !

En ce qui concerne l'intensification des contrôles, reconnaissons qu'en ce moment la police fait son travail, contrairement à ce que j'ai pu lire dans un grand quotidien. Il est absolument faux de soutenir que la police ne fait pas son travail, alors que nous pouvons tous constater qu'elle est extrêmement mobilisée. Je veux, à cette occasion, rendre hommage au travail remarquable qui est accompli par les forces de police dans les Yvelines, et dans ma ville en particulier.

Cela étant, monsieur le secrétaire d'Etat, j'ignorais que certaines personnes fabriquaient des faux permis de conduire, vous me l'apprenez. Fort heureusement, grâce à l'instauration d'un nouveau format de permis de conduire sous forme de carte plastique, cette fraude ne posera plus de difficultés.

Enfin, monsieur le secrétaire d'Etat, permettez-moi de souligner, mais je sais que le Gouvernement se préoccupe du problème, que le permis de conduire est bien cher pour les jeunes. (M. le secrétaire d'Etat opine.) Ne les poussons pas, au prétexte qu'ils ont un peu conduit la voiture d'un copain, à se dispenser des épreuves du permis ! Des initiatives ont été prises, mais il faut véritablement veiller à ce que ces jeunes ne prennent pas un mauvais départ dans l'existence en se comportant comme des délinquants.

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