Question de M. ROUVIÈRE André (Gard - SOC) publiée le 02/02/2005

M. André Rouvière appelle une nouvelle fois l'attention de M. le ministre délégué au logement et à la ville sur les conséquences de l'arrêté du 30 avril 2004 qui fixe le seuil de 24 euros par mois en-dessous duquel l'aide personnalisée au logement (APL) n'est plus versée. De nombreux ménages, figurant parmi les plus modestes, vont être frappés par cette mesure qui, sur douze mois, représente pour les familles un manque de ressource non négligeable. Il lui suggère de revoir sa position et, éventuellement, d'envisager des versements trimestriels ou semestriels pour des APL inférieures à 24 euros mensuels. Il lui demande s'il ne lui est pas possible de revoir, dans le sens souhaité, l'arrêté du 30 avril 2004 afin de ne pas pénaliser les foyers dont les revenus figurent souvent parmi les plus modestes.

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Réponse du Ministère délégué au logement et à la ville publiée le 09/03/2005

Réponse apportée en séance publique le 08/03/2005

M. André Rouvière. Monsieur le secrétaire d'Etat, j'appelle une nouvelle fois votre attention, comme je l'ai déjà fait dans une question écrite au mois de novembre l'année dernière, sur les conséquences particulièrement injustes de l'arrêté du 30 avril 2004 fixant à 24 euros par mois le seuil en dessous duquel l'aide personnalisée au logement, l'APL, n'est plus versée.

De nombreux ménages figurant parmi les plus modestes sont ainsi frappés par cette mesure qui, sur douze mois, les prive d'une ressource non négligeable au regard de leur situation matérielle et financière.

Le Gouvernement pourrait pourtant facilement décider, par exemple par arrêté, que les versements mensuels inférieurs à 24 euros soient réglés par trimestre ou par semestre.

Cet arrêté du 30 avril 2004 soulève, à mon sens, au moins deux interrogations.

Tout d'abord, monsieur le secrétaire d'Etat, cet arrêté est-il légal ? Un arrêté peut-il limiter la portée d'une loi ? C'est en effet bien de cela qu'il s'agit : cet arrêté prive les plus démunis d'une partie de l'aide prévue par la loi.

Ensuite, ma deuxième interrogation est d'ordre moral. Il est en effet choquant, voire révoltant, que le Gouvernement réduise les impôts des moins démunis et, dans le même temps, supprime l'APL des plus défavorisés. Monsieur le secrétaire d'Etat, comment pouvez-vous accepter une telle injustice ?

J'ai sous les yeux une lettre du Médiateur de la République, qui, sans que je l'aie sollicité, m'a spontanément fait connaître son opinion après avoir lu la question écrite que j'avais déposée. Vous connaissez le contenu de cette lettre, car vous l'avez reçue, monsieur le secrétaire d'Etat, mais j'en lirai seulement deux paragraphes.
Le Médiateur de la République écrivait : « Cette réglementation, qui paraît poursuivre un objectif louable de bonne gestion administrative, est vécue par les personnes concernées comme un déni de droit. Elle entraîne, en effet, à leur encontre, des conséquences inéquitables en privant des personnes ou des familles, qui disposent de revenus modestes, d'une prestation d'un montant non négligeable, puisqu'il peut atteindre 288 euros par an. »

Il poursuivait : « Afin de rétablir l'équité, le Médiateur de la République demande que soit étudiée la possibilité de mettre fin à la règle de non-octroi des allocations de logement inférieures à un certain niveau. »

Monsieur le secrétaire d'Etat, je me permets de vous renouveler cette question en espérant que votre réponse sera différente de la réponse écrite que vous m'avez déjà adressée.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.

M. Laurent Hénart, secrétaire d'Etat à l'insertion professionnelle des jeunes. Monsieur le sénateur, je vous prie d'excuser M. Marc-Philippe Daubresse, qui est absent pour raison de santé.

Je tiens tout d'abord à vous rappeler la volonté du Gouvernement de manière générale de réévaluer en fonction de l'inflation l'ensemble des aides publiques ainsi que les barèmes d'impôt. Cela implique que soient revalorisés non seulement les montants mais aussi les seuils de non-paiement, tant pour les impôts que pour les allocations. C'est ce qui a été fait pour l'APL.

La difficulté, que Marc-Philippe Daubresse mesure bien et que le Médiateur de la République décrit dans son courrier, que le Gouvernement a également reçu, est que la revalorisation portait sur les années 1988 à 2004 et qu'il a fallu rattraper plus de quinze ans sans actualisation. Je pense que vous le savez. En cela, l'arrêté est conforme au principe législatif. Cela ne signifie pas pour autant que cette question ne doive pas être étudiée d'un point de vue législatif.

C'est la raison pour laquelle M. Marc-Philippe Daubresse a mis en place, en lien avec la caisse d'allocations familiales, très concernée par ces questions d'aide à la personne en matière de logement, un groupe de travail qui, avant l'été, doit examiner la question de la réorganisation et de la revalorisation de l'APL.

Dans son esprit, il va de soi que cette question du seuil de non-paiement même si, éventuellement, l'on décide de modifier le cadre législatif du principe d'un tel seuil, puisse être examinée.

Je veux maintenant vous apporter deux précisions d'ordre général.

Tout d'abord, ce sont bien les aides les plus faibles qui ne sont pas versées. Or, généralement, plus le ménage perçoit des revenus modestes, plus le montant de l'aide est élevé. Par conséquent, ce ne sont pas les ménages les plus modestes qui sont pénalisés par ce mécanisme. Je livre cette réflexion mathématique à votre sagacité, que je ne mésestime pas.

Ensuite, il n'y a aucun recul des moyens engagés par l'Etat. A peu près 6 100 000 ménages bénéficient de l'APL depuis l'arrêté du 30 avril 2004, pour un montant de 5 milliards d'euros.

Mais ces remarques ne retirent rien à la justesse de votre propos sur l'éventualité d'un réajustement. M. Marc-Philippe Daubresse consulte d'ailleurs actuellement la CAF et l'ensemble des partenaires sur ce sujet.

Une réponse sera donc apportée d'ici à l'été de manière générale sur la revalorisation de l'APL.

M. le président. La parole est à M. André Rouvière.

M. André Rouvière. Monsieur le secrétaire d'Etat, je ne veux pas polémiquer. Vous dites que les bénéficiaires de l'APL ne sont pas forcément les plus défavorisés. C'est peut-être exact, mais je ne pense pas qu'ils soient les plus favorisés, sinon ils ne percevraient pas l'APL.

Votre réponse marque néanmoins un léger progrès par rapport à la première que vous m'aviez apportée.

Qui que nous soyons, nous nous grandissons en reconnaissant nos erreurs. Je souhaite que le Gouvernement répare la sienne qui plus qu'une erreur est une grave injustice.

Alors que la loi accorde une aide à des personnes qui, si elles ne sont pas les plus défavorisées, figurent parmi les plus défavorisées, je suis choqué sur le plan moral qu'un arrêté puisse limiter cette aide.

Je m'interroge aussi d'un point de vue légal. Un arrêté peut-il limiter la portée d'une loi ? Je ne suis pas convaincu que vous ayez raison.

Je souhaite que ce petit pas ne soit que le premier parmi d'autres et que, dans quelque temps, je puisse spontanément vous remercier d'avoir revu votre position.

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