Question de M. SIFFRE Jacques (Bouches-du-Rhône - SOC) publiée le 21/04/2005

M. Jacques Siffre souhaite attirer l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur la détresse des veuves dont les maris ont été victimes de l'amiante. Si des avancées législatives ont permis une meilleure réparation des préjudices, il n'en demeure pas moins que les plaintes en justice dans les affaires de contamination à l'amiante aboutissent le plus souvent à des non-lieu en vertu de la loi n° 2000-647 du 10 juillet 2000 sur les délits non intentionnels. Les veuves des victimes de l'amiante ne peuvent légitimement admettre que la catastrophe sanitaire qui les frappe n'ait aucun responsable. Il lui demande par conséquent de bien vouloir lui préciser de quelle manière il entend répondre à leur demande de modification de la loi du 10 juillet 2000, dite loi « Fauchon », afin que toutes les responsabilités directes et indirectes puissent être instruites et jugées.

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Réponse du Ministère de la justice publiée le 04/08/2005

Le garde des sceaux fait connaître à l'honorable parlementaire que la loi n° 2000-647 du 10 juillet 2000 tendant à préciser la définition des délits non intentionnels a modifié l'article 1213 du code pénal afin de limiter la pénalisation excessive des faits causant un préjudice à autrui ; lorsqu'ils sont dus à une maladresse, une imprudence, une inattention ou une négligence imputable à une personne physique. Aux termes de ces dispositions, deux hypothèses doivent désormais être distinguées pour déterminer si la responsabilité pénale d'une personne physique peut être engagée au titre d'une infraction non intentionnelle. Lorsqu'il existe un lien de causalité direct, entre la négligence ou l'imprudence et le dommage causé, une faute légère suffit, comme par le passé, à engager la responsabilité pénale de la personne mise en cause. En revanche, lorsque celle-ci n'est pas directement à l'origine du dommage mais qu'elle a créé ou contribué à créer la situation qui a permis la réalisation de celui-ci ou qu'elle n'a pas pris les mesures permettant de l'éviter, sa responsabilité pénale ne pourra être retenue que s'il est établi qu'elle a soit violé de façon manifestement délibérée, une obligation particulière de prudence et de sécurité prévue par la loi ou le règlement, soit commis une faute caractérisée qui exposait autrui à un risque d'une particulière gravité qu'elle ne pouvait ignorer. Il appartiendra aux juridictions, et notamment à la Cour de cassation saisie d'un pourvoi formé à l'encontre d'une décision rendue le 15 juin 2004 par la chambré de l'instruction de la cour d'appel de Douai ayant confirmé une décision de non-lieu de préciser la portée de ces dispositions dans le cadre des affaires particulières concernant l'exposition à l'amiante. En tout état de cause, l'équilibre défini par ce texte entre le risque de condamnations inappropriées, préjudiciables au développement des activités sociales et à l'innovation, et la nécessaire responsabilisation des acteurs sociaux, apparaît devoir être préservé. Il convient en effet de faire la part entre le bien-fondé de la réforme ainsi introduite par la loi du 10 juillet 2000 et les difficultés spécifiques de certains dossiers de santé publique dont la justice pénale peut être saisie, qui tiennent pour l'essentiel à l'ancienneté des faits, à l'évolution des connaissances scientifiques, à l'établissement du lien de causalité et à l'administration de la preuve. Compte tenu de la technicité particulière des affaires concernant l'exposition à l'amiante, des instructions ont été données aux procureurs généraux pour que soient prises des réquisitions tendant au regroupement de ces procédures au sein des juridictions interrégionales spécialisées en matière sanitaire. Une telle mesure, rendue possible par la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, permettra que ces procédures, confiées à des magistrats spécialisés bénéficiant du concours d'assistants, soient traitées avec efficacité et célérité.

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