Question de M. MASSON Jean Louis (Moselle - NI) publiée le 19/05/2005

À la lumière de diverses dérives, M. Jean Louis Masson attire l'attention de M. le Premier ministre sur la nécessité de procéder à un réexamen des modalités de saisine du Conseil constitutionnel, d'une part, et du statut des membres de cette institution, d'autre part. Sur le plan du statut de leurs juridictions constitutionnelles, la plupart des démocraties occidentales connaissent un système d'incompatibilités beaucoup plus sévère que le nôtre. Il en est ainsi de la constitution italienne de 1947 qui rend le mandat de juge constitutionnel incompatible avec tout mandat électif, tout engagement dans une association ou un parti, toute fonction publique ou privée. De plus, les textes en vigueur n'exigent des conseillers français aucune compétence juridique particulière. Sur le plan du fonctionnement, les autres cours constitutionnelles ont toutes adopté une procédure fortement juridictionnalisée : le contrôle de la loi donne lieu à un véritable débat contradictoire à l'identique de ce qui se produit devant le Conseil d'État. Tel n'est pas le cas en France. Il lui demande donc s'il serait possible d'envisager : d'une part, l'extension des incompatibilités dans un souci d'indépendance des conseillers et de neutralité de l'institution ; d'autre part, l'admission du contrôle de constitutionnalité par voie d'exception.

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Réponse du Premier ministre publiée le 21/07/2005

L'honorable parlementaire a appelé l'attention du Premier ministre sur les modalités de saisine du Conseil constitutionnel et sur le statut de ses membres. S'agissant des modalités de saisine de la juridiction constitutionnelle, l'honorable parlementaire souligne l'intérêt que présenterait l'institution d'une possibilité de saisine par voie d'exception. L'introduction d'un tel mécanisme a déjà été envisagée par le passé. Un projet de loi constitutionnelle et un projet de loi organique permettant à un justiciable d'invoquer devant une juridiction, par voie d'exception, l'inconstitutionnalité d'une disposition législative ont en effet été adoptés au conseil des ministres du 30 mars 1990. Une seconde fois, faisant suite aux conclusions du rapport du comité consultatif pour la révision de la Constitution, présidé par Georges Vedel, un projet de loi constitutionnelle, comportant notamment le mécanisme de l'exception d'inconstitutionnalité, a été déposé au Sénat le 11 mars 1993. Le fait que ces deux tentatives n'aient pu être menées à terme montre le caractère particulièrement délicat d'une telle réforme, qui conduit à remettre profondément en cause la conception du contrôle de constitutionnalité qui résulte de l'article 61 de la Constitution, tel qu'il a été modifié par la loi constitutionnelle du 29 octobre 1974. Elle nécessite en particulier de trouver un équilibre entre le souci de rendre ce contrôle plus effectif et la crainte de banaliser la contestation de la loi. Il ne s'agit pas, en tout état de cause, de l'un des chantiers prioritaires du Gouvernement. S'agissant du statut des membres du Conseil constitutionnel, l'honorable parlementaire appelle de ses voeux une extension des incompatibilités applicables aux personnes qui en sont membres et s'interroge sur l'existence d'un devoir de réserve qui leur serait opposable, notamment lorsque ceux-ci sont en congé. Il convient de noter que le droit actuel, tel qu'il résulte de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel et du décret n° 59-1292 du 13 novembre 1959 sur les obligations du Conseil constitutionnel, comporte déjà un régime d'incompatibilités applicable aux membres de cette institution. A ce titre, l'article 4 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 dispose que les fonctions de membre du Conseil constitutionnel sont incompatibles avec celles de membre du Gouvernement, de membre du Conseil économique et social et avec l'exercice de tout mandat électoral. Ce même article rend applicables aux membres du Conseil constitutionnel les incompatibilités professionnelles auxquelles sont tenus les parlementaires. L'article 5 de la même ordonnance prévoit en outre que les membres du Conseil constitutionnel ne peuvent être nommés à aucun emploi public pendant la durée de leurs fonctions. Le décret n° 59-1292 du 13 novembre 1959, pris en application de l'article 7 de l'ordonnance précitée, précise les obligations qui s'imposent en la matière aux membres du Conseil constitutionnel. Ils ne peuvent, pendant la durée de leurs fonctions, occuper aucun poste de responsabilité ou de direction au sein d'un parti ou groupement politique et, de façon plus générale, exercer aucune activité inconciliable avec leur indépendance et la dignité de leurs fonctions. Il y a donc là un régime d'incompatibilités suffisamment clair et précis pour garantir l'indépendance des membres du Conseil constitutionnel. Du point de vue de l'obligation de réserve, l'article 3 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 dispose que les membres nommés du Conseil constitutionnel jurent de ne prendre aucune position publique et de ne donner aucune consultation sur les questions relevant de la compétence du Conseil. L'article 1er du décret du 13 novembre 1959 précise que les membres du Conseil constitutionnel ont pour obligation de s'abstenir de tout ce qui pourrait compromettre l'indépendance ou la dignité de leurs fonctions et son article 2 ajoute que ceux-ci s'interdisent en particulier pendant la durée de leurs fonctions de prendre aucune position publique ou de consulter sur des questions ayant fait ou étant susceptibles de faire l'objet de décisions de la part du Conseil ou de laisser mentionner leur qualité de membre du Conseil constitutionnel dans tout document susceptible d'être publié et relatif à toute activité publique ou privée. L'article 3 du même décret dispose que le membre du Conseil constitutionnel qui entend solliciter un mandat électif doit demander sa mise en congé, laquelle est de droit. Il est clair que cette position a été prévue afin de délier temporairement l'intéressé de son obligation de réserve. Par ailleurs, il revient au seul Conseil constitutionnel d'apprécier, au cas par cas, si la situation de l'un de ses membres est compatible avec l'ensemble des dispositions ainsi rappelées.

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