Question de M. PLANCADE Jean-Pierre (Haute-Garonne - SOC) publiée le 29/09/2005

M. Jean-Pierre Plancade attire l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice sur le projet de décret portant réforme de la procédure civile, qui menace de modifier certains principes fondamentaux de notre procédure civile.
En premier lieu, ce décret tend à supprimer le caractère suspensif de l'appel, le nouveau texte de l'article 526 du code de procédure pénale permettant à la cour d'appel de ne pas examiner une affaire si la décision de première instance n'a pas été exécutée. Ce texte met ainsi à mal le principe du double degré de juridiction, principe fondamental d'une procédure juste équitable, reconnu par toutes les démocraties du monde et garanti par notre Constitution au titre des droits fondamentaux.
Par ailleurs, ce projet de décret ferait du juge unique le modèle de la juridiction civile en première instance comme en appel, alors que la collégialité reste une garantie contre l'arbitraire.
Enfin, alors que le procès civil est engagé et mené par les parties, ce texte confierait au juge unique tous les pouvoirs concernant les délais de procédures pour accomplir les actes, et surtout le droit pour les parties de prendre la parole, supprimant ainsi la garantie essentielle à un débat contradictoire et transparent qu'est la plaidoirie
Les professions judiciaires, qui n'ont pas été consultées dans le cadre de ce décret, craignent que de telles dispositions portent une atteinte grave aux droits du justiciable, qui perdrait ainsi la maîtrise de son procès.
Si l'engorgement des tribunaux et les délais excessifs appellent à des adaptations et à des réformes, celles-ci ne doivent pas sacrifier certaines règles essentielles de la démocratie
En conséquence, il lui demande de lui faire part des intentions qui sont les siennes pour revenir sur ce dispositif contraire à l'esprit de la procédure civile française.

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Réponse du Ministère de la justice publiée le 22/12/2005

Le garde des sceaux, ministre de la justice, fait connaître à l'honorable parlementaire qu'il a transmis au Conseil d'État, pour le soumettre à son examen, le projet de décret portant réforme de la procédure civile qui a fait l'objet d'une vaste consultation et suscité des contributions enrichissantes qui ont été largement prises en compte. Ce projet de décret vise à améliorer la célérité et l'efficacité de la justice en s'appuyant sur les pratiques innovantes menées par les juridictions et les barreaux ainsi que sur le rapport Magendie en n'en reprenant toutefois pas toutes les conclusions. Les contrats de procédure que le projet consacre, parce qu'ils seront issus d'une collaboration choisie par les avocats et avoués avec les juges, permettront de raccourcir les délais de procédure tout en préservant l'examen approfondi des questions de fait et de droit d'une affaire. De même, les avancées en matière de conduite de l'expertise ou les améliorations apportées au régime des notifications vont corriger des lenteurs ou des lourdeurs, voire de réelles inadaptations, qui émaillaient encore notre code de procédure civile. La disposition du projet sur l'exécution provisoire n'a pas pour effet de remettre en cause le droit d'appel mais au contraire d'en réaffirmer le caractère essentiel en écartant les appels dilatoires et en renforçant l'effectivité des décisions de première instance, qui est un principe d'une valeur égale à celui de l'accès au juge. Contrairement à ce que préconisait le rapport Magendie, le champ de l'exécution provisoire n'est pas modifié. Le projet de décret prévoit simplement qu'en appel, lorsque l'arrêt de l'exécution provisoire n'a pas été obtenu, une partie, bénéficiaire de l'exécution provisoire, pourra solliciter la radiation de l'affaire du rôle de la cour sous le contrôle du premier président. Un tel dispositif rend effective l'exécution provisoire décidée en première instance. Il garantit également l'équilibre des intérêts en présence, ceux de la partie qui a succombé en lui maintenant la possibilité de faire examiner son affaire en appel malgré la non exécution de la décision, si elle a de justes motifs, ceux de la partie qui a gagné, en lui permettant de bénéficier de l'exécution du jugement qui lui a été accordée. Ainsi, l'ensemble de ce projet, sans porter atteinte aux grands principes de notre procédure civile, est marqué par le souci de répondre aux objectifs de rapidité et de qualité que la justice se doit de remplir.

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