Question de M. SUEUR Jean-Pierre (Loiret - SOC) publiée le 13/10/2005

M. Jean-Pierre Sueur appelle l'attention de M. le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire, sur les problèmes concrets et urgents auxquels sont confrontés les élus, professionnels et familles en matière de droit funéraire suite à l'absence de publication d'une circulaire et à la publication d'une ordonnance. Il est, en premier lieu, préjudiciable que les articles 11 et 12 de la loi n° 2004-1343 du 9 décembre 2004 de simplification du droit, relatifs aux formules de financement d'obsèques à l'avance n'aient pas donné lieu à la publication d'une circulaire d'application, si bien que la seule circulaire aujourd'hui publiée sur cette question est celle du 10 novembre 1997, qui est désormais, sur de nombreux points, contraire à la loi. Il lui demande en conséquence à quelle date, qu'il souhaite la plus rapprochée possible, il compte publier la nouvelle circulaire qui est indispensable. En second lieu, l'ordonnance n° 2005-855 du 28 juillet 2005 suscite de réelles inquiétudes puisqu'elle autorise, contrairement à l'avis exprimé par le Conseil national des opérations funéraires lors de sa réunion du 24 mars 2005, l'instauration, sous certaines conditions, de sites cinéraires privés. Les conséquences d'une telle motivation sont potentiellement importantes. Il pourrait dès lors se révéler préjudiciable que de tels sites soient créés et se développent alors même que le Parlement n'a pas été appelé à se prononcer quant à la légitimité de tels sites cinéraires privés. Le Gouvernement a d'ailleurs publié le 13 septembre 2005 un projet de loi de ratification de ladite ordonnance qu'il a transmis au Sénat. Il lui demande donc à quelle date, qu'il souhaite la plus rapprochée possible, il compte inscrire l'examen de ce projet de loi de ratification à l'ordre du jour du Sénat.

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Réponse du Ministère délégué aux collectivités territoriales publiée le 10/11/2005

Réponse apportée en séance publique le 09/11/2005

M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le ministre, je souhaite vous interroger sur deux problèmes concrets et urgents auxquels sont confrontés les élus, les professionnels et les familles en matière de droit et de réglementation funéraire.

Dans le cadre de la loi de simplification du droit du 9 décembre 2004, nous avons procédé à une réforme des formules de financement des obsèques à l'avance, les contrats « obsèques ». Cette réforme, très importante, car elle a pour objet de garantir les droits des personnes, en particulier au regard de la loi du 15 novembre 1887, a été adoptée par le Sénat unanime et par l'Assemblée nationale.

Or, à ce jour, il n'existe pas de circulaire d'application. La circulaire du 10 novembre 1997 sur les contrats « obsèques » est non seulement caduque, mais elle est aussi totalement contraire à la loi.

Ma première question est donc la suivante : quand le ministère de l'intérieur compte-t-il publier, conjointement, me semble-t-il, avec le ministère des finances, la circulaire qui apportera les précisions nécessaires pour appliquer la loi conformément à son esprit ?

J'en viens au second point.

Le Gouvernement a publié, le 28 juillet 2005, une ordonnance relative aux opérations funéraires. Or cette ordonnance, qui porte sur les questions liées à la crémation et au statut des cendres après crémation, suscite un certain nombre de discussions.

D'abord, comme vous le savez, monsieur le ministre, elle a été adoptée alors que le conseil national des opérations funéraires avait désapprouvé le projet de texte.

Ensuite, et c'est d'ailleurs ce qui m'a conduit à déposer, avec plusieurs de mes collègues, une proposition de loi le 7 juillet dernier, je considère que cette ordonnance ne traite pas au fond les difficiles problèmes qui tiennent à la décence, à la dignité, au respect, liés à la crémation et au statut des cendres après crémation.

Par ailleurs, l'ordonnance du 28 juillet 2005 a rendu possible la création de sites cinéraires privés, ce qui soulève de nombreuses interrogations, car rien de tel n'existait jusqu'alors dans notre législation. Ces sites cinéraires privés peuvent ainsi susciter des inquiétudes dans la mesure où ils pourraient ouvrir la porte à des cimetières privés, ce qui serait tout à fait contraire à nos traditions républicaines.

Un projet de loi ratifiant l'ordonnance du 28 juillet 2005 a été adopté par le conseil des ministres et déposé sur le bureau du Sénat le 13 septembre dernier.

Il serait anormal qu'il n'y ait pas de débat au Parlement sur le sujet - un engagement en ce sens avait d'ailleurs été pris par l'un de vos collègues lors du vote de la loi d'habilitation qui a permis la publication de l'ordonnance du 28 juillet 2005 - compte tenu de l'ampleur des questions qu'il suscite : la matière est, à l'évidence, législative ; elle relève de lois qui, souvent, ont plus d'un siècle d'âge et qu'on ne peut réformer que par un débat au Parlement.

Ma seconde question est donc simple : à quelle date, monsieur le ministre, le Gouvernement envisage-t-il d'inscrire à notre ordre du jour le projet de loi ratifiant l'ordonnance du 28 juillet 2005 ?

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Brice Hortefeux, ministre délégué aux collectivités territoriales. Monsieur le sénateur, d'une part, vous vous préoccupez de l'absence de publication d'une circulaire qui a effectivement été prise en application des articles 11 et 12 de la loi du 9 décembre 2004 de simplification du droit ; d'autre part, vous interrogez le ministre d'État, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire - empêché pour les raisons que j'ai évoquées tout à l'heure - sur l'inscription à l'ordre du jour du Sénat, pour examen, du projet de loi ratifiant l'ordonnance du 28 juillet 2005 relative aux opérations funéraires.

Sur le premier point, soyez convaincu, monsieur le sénateur, que le ministère de l'intérieur et le ministère de l'économie, qui, en effet, sont conjointement concernés, travaillent actuellement à l'élaboration d'une circulaire afin de préciser le droit applicable aux formules de financement en prévision d'obsèques au regard des nouveaux articles du code général des collectivités territoriales issus de la loi du 9 décembre 2004.

Le projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de l'assurance, qui ne vise qu'à transposer une directive européenne, est en cours de discussion au Parlement. Son adoption aboutira à la modification des conditions de distribution de l'assurance.

Afin d'éviter la multiplication des textes, il est préférable d'inclure dans la même circulaire les dispositions issues de cette loi de transposition.

Cependant, si le calendrier parlementaire ne permettait pas une adoption de cette loi dans un délai suffisamment rapproché, la circulaire pourrait paraître au début de l'année 2006. Elle serait, dans un second temps, complétée dès l'adoption de la loi de transposition.

Sur le second point, un projet de loi de ratification de l'ordonnance n° 2005-855 du 28 juillet 2005 relative aux opérations funéraires a, comme vous l'avez indiqué, été déposé au Sénat le 13 septembre 2005.

Vous soulignez, à juste titre, les inquiétudes que soulèvent les dispositions de l'ordonnance qui autorisent la création et la gestion déléguée des sites cinéraires par les seuls communes et établissements publics de coopération intercommunale.

Ce texte permet d'augmenter le nombre de sites cinéraires offerts aux familles pour accueillir les urnes ou disperser les cendres de leurs défunts, sachant que la crémation est une pratique en constante évolution - 1 % des obsèques au début des années quatre-vingt, 23 % aujourd'hui -, tout en accroissant le contrôle de la collectivité publique.

Il encadre l'intervention d'acteurs privés en recourant au principe protecteur de la délégation de service public, limitée aux sites cinéraires situés à l'extérieur des cimetières, le site cinéraire situé au sein du cimetière restant quant à lui géré directement.

L'exercice de cette compétence reste donc encadré par les règles de droit public, la collectivité délégante continuant d'exercer un contrôle de cette activité au travers des moyens juridiques classiques offerts par la délégation de service public. Elle définit dans le contrat les modalités d'exercice : l'objet, la durée, la tarification du service, les conditions de contrôle, etc. C'est une protection : en cas de défaillance de l'entreprise privée délégataire, le retour du site cinéraire dans le patrimoine de la collectivité territoriale est ainsi garanti.

Je puis vous assurer, monsieur le sénateur, que le Gouvernement ne perd pas de vue l'intérêt qui s'attache à soumettre ce texte au Parlement dans des délais raisonnables.

Il appartiendra à mon collègue Henri Cuq, ministre délégué aux relations avec le Parlement, de demander, au cours d'une prochaine conférence des présidents, l'inscription à l'ordre du jour du projet de loi ratifiant l'ordonnance du 28 juillet 2005.

Tels sont, monsieur le sénateur, les éléments que je peux porter à votre connaissance.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le ministre, je vous remercie d'avoir bien voulu indiquer qu'une circulaire d'application de la loi du 9 décembre 2004 serait publiée au plus tard au début de l'année 2006.

C'est très important, car le contrat « obsèques » suscite de nombreux débats. La loi l'a cadré, et c'était nécessaire, mais toute une série de points qui ne relèvent pas de la loi restent à préciser, d'où la nécessité d'une circulaire.

Pour ce qui est de l'ordonnance, je ne veux pas engager ici le débat sur les sites cinéraires privés, fussent-ils mis en oeuvre par délégation de service public, mais je tiens tout de même à dire que cela ouvre toute sorte de possibilités. Par exemple, si une personne souhaite être inhumée à proximité des restes de son conjoint précédemment décédé, qu'adviendra-t-il si les cendres de ce dernier sont conservées dans un site cinéraire privé ?

Comme beaucoup d'experts, nous estimons que les sites cinéraires privés sont, de fait, une porte ouverte à une privatisation plus large des cimetières.

M. le président. Quel mot affreux !

M. Jean-Pierre Sueur. On peut tout à fait résoudre le problème, qui se pose en effet, de l'insuffisance du nombre des sites cinéraires eu égard au succès que connaît la crémation en mettant en place des columbariums et des jardins du souvenir à l'intérieur des cimetières publics, solution qui n'entraîne d'ailleurs pas de dépenses considérables pour les communes puisqu'il y a des concessions et donc à la fois une dépense et une recette.

Je vous remercie toutefois, monsieur le ministre, d'avoir bien voulu nous annoncer que le Gouvernement était favorable à un débat devant le Parlement sur cette ordonnance. C'était vraiment ce que je souhaitais entendre. Et puisque le président Jean-Claude Gaudin vient de célébrer, dans sa ville de Marseille, le centième anniversaire de la régie municipale des pompes funèbres, service public dans toute la dimension qui est la sienne...

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il y a encore des services publics !

M. Jean-Pierre Sueur. ... je ne doute pas que, lorsque M. Cuq présentera l'inscription à l'ordre du jour du projet de loi ratifiant cette ordonnance, nous bénéficierons de son plus total soutien.

M. le président. Nous étions très heureux de vous recevoir, monsieur Sueur, à l'occasion des cent ans de la régie municipale des pompes funèbres de Marseille, qui n'est en rien privatisée.

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