Question de Mme VOYNET Dominique (Seine-Saint-Denis - SOC-R) publiée le 13/10/2005

Mme Dominique Voynet attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de la pêche sur les conditions d'accès aux informations concernant les études de toxicologie menées par les entreprises fabriquant des semences OGM. Dans un avis rendu le 8 avril 2005, la commission d'accès aux documents administratifs, afin d'arbitrer le caractère confidentiel des informations détenues par ces entreprises, a estimé que « seules peuvent être regardées comme protégées par l'obligation de confidentialité prévue à l'article 25 de la directive 2001/18/CE, les informations relatives au procédé d'obtention de l'OGM ou à sa commercialisation et dont la divulgation serait susceptible de nuire à la position concurrentielle de l'entreprise qui a sollicité l'autorisation » pour expérimentation de cultures OGM. Elle lui demande donc de bien vouloir confirmer que le Gouvernement, garant du principe constitutionnel de précaution défini dans la charte de l'environnement, a bien l'intention de permettre à la commission du génie biomoléculaire d'accéder à toutes les études de toxicologie concernant les OGM et de les diffuser auprès du public.

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Réponse du Ministère de l'agriculture et de la pêche publiée le 21/12/2005

Réponse apportée en séance publique le 20/12/2005

M. le président. La parole est à Mme Dominique Voynet, auteur de la question n° 836, adressée à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.

Mme Dominique Voynet. Monsieur le ministre, ma question concerne les conditions d'accès aux informations concernant les études de toxicologie menées par les entreprises fabriquant des semences OGM.

Dans un avis rendu le 8 avril 2005, la commission d'accès aux documents administratifs, afin d'arbitrer le caractère confidentiel des informations détenues par ces entreprises, a estimé que « seules peuvent être regardées comme protégées par l'obligation de confidentialité prévue à l'article 25 de la directive 2001/18/CE, les informations relatives au procédé d'obtention de l'OGM ou à sa commercialisation et dont la divulgation serait susceptible de nuire à la position concurrentielle de l'entreprise qui a sollicité l'autorisation » pour expérimentation de cultures OGM.

La transparence est essentielle.

De deux choses l'une : soit le résultat de ces études est rassurant et nul ne devrait s'alarmer de devoir apporter la bonne nouvelle aux citoyens, soit il ne l'est pas et les pouvoirs publics comme les citoyens doivent en être informés : les premiers pour modifier en conséquence les politiques publiques, les seconds pour choisir en connaissance de cause.

Loin de respecter les décisions de la commission d'accès aux documents administratifs, le Gouvernement a pourtant adressé une note à la Commission européenne au mois de septembre pour réclamer la modification du dispositif communautaire qui autorise la publication des informations relatives aux effets des OGM sur la santé, estimant que « de telles communications, fondées sur des données brutes et études isolées utilisées dans le cadre de l'évaluation des risques sont susceptibles d'entacher la confiance de l'opinion publique dans le processus de gestion du risque, mais également de nuire à la position concurrentielle de l'entreprise ». La France a sollicité une nouvelle discussion du cadre de l'application de l'article 25.

S'agit-il de l'intervention maladroite d'un collaborateur trop zélé et inexpérimenté ou de la position officielle du Gouvernement ? Je ne peux pas le croire, monsieur le ministre.

Je vous demande donc de confirmer que le Gouvernement, qui est le garant du principe constitutionnel de précaution défini dans la charte de l'environnement, a bien l'intention de permettre à la Commission du génie biomoléculaire d'accéder à toutes les études de toxicologie concernant les OGM et de les diffuser auprès du public.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Dominique Bussereau, ministre de l'agriculture et de la pêche. Madame le sénateur, rentré tôt ce matin de Hong Kong, je n'ai pas eu le temps de revoir la réponse que l'on m'a chargé de vous transmettre et qui me paraît très technocratique. J'espère toutefois qu'elle sera de nature à apaiser vos craintes sur des sujets que vous connaissez au demeurant fort bien.

Conformément à la réglementation nationale relative aux organismes génétiquement modifiés, la Commission du génie biomoléculaire est saisie pour examen de chaque dossier de demande d'autorisation de mise sur le marché ou d'expérimentation d'OGM, afin d'évaluer les risques pour la santé et l'environnement. Les dossiers complets, y compris les données confidentielles, sont transmis systématiquement à cette commission pour permettre aux experts de conduire leur évaluation.

Les données qui sont contenues dans les dossiers sont communiquées au public dans les conditions prévues par la loi du 13 juillet 1978, relative à la liberté d'accès aux documents administratifs, qui a créé la Commission d'accès aux documents administratifs, et de la directive 2001/18/CE relative à la dissémination volontaire d'organismes génétiquement modifiés dans l'environnement, notamment son article 25 traitant de la confidentialité des données. Cet article précise que la propriété intellectuelle est garantie et que les données dont la communication serait de nature à nuire à la position concurrentielle de l'entreprise sont protégées. Cette protection n'est accordée par l'autorité publique qu'avec une justification valable.

Madame Voynet, comme j'ai eu l'occasion de m'en entretenir avec des membres de votre formation politique, cette disposition de la directive 2001/18/CE sera transposée dans le droit français par un projet de loi qui a été préparé par le ministre en charge de la recherche, qui est en cours d'examen au Conseil d'État et qui sera soumis prochainement au Parlement.

Lorsqu'il s'agit d'un dossier de demande d'autorisation d'OGM déposé dans un autre État membre de l'Union européenne que la France, dans le cadre de la procédure communautaire, la Commission d'accès aux documents administratifs a estimé, dans son avis du 8 avril 2005, que les autorités françaises ne peuvent pas communiquer au public les données qui ont été considérées comme confidentielles par cet État membre, et ce en vertu du principe de non-réciprocité qui est classique en droit européen.

Afin de s'assurer que tout acteur de la société civile ou que tout citoyen pourra accéder aux données relatives aux OGM de façon homogène dans tous les États membres, une harmonisation de l'interprétation de l'article 25 de la directive 2001/18/CE a été demandée par le Gouvernement à la Commission européenne le 22 juillet 2005. Cette demande a été examinée lors des comités réglementaires européens du 19 septembre et du 8 novembre 2005. Aucune décision n'a encore été arrêtée, les discussions doivent se poursuivre lors du comité prévu au mois d'avril 2006.

J'ajoute que la première partie du conseil des ministres concerne les problèmes sanitaires. Je verrais donc le commissaire Kyprianou qui est chargé de ces dossiers, et je lui rappellerai notre souhait d'être très rapidement éclairés en la matière.

En tout état de cause, je confirme à la Haute Assemblée le dépôt prochain, sans doute dans le courant du mois de janvier, d'un projet de loi sur les OGM consécutif à l'excellent travail réalisé par les députés à l'occasion d'une mission d'information.

M. le président. La parole est à Mme Dominique Voynet.

Mme Dominique Voynet. Monsieur le ministre, je vous excuse bien volontiers puisque vous étiez voilà peu de temps encore dans l'avion qui vous ramenait de Hong Kong, mais ma question ne concernait pas les dossiers de demandes d'autorisation d'OGM. La législation communautaire est claire en la matière et les entreprises ont le droit de protéger des données qui pourraient nuire à leur position concurrentielle.

Ma question concernait le résultat des études toxicologiques qui ont été conduites en secret par certaines firmes. Ainsi le journal The Independant, daté du dimanche 22 mai, a révélé des détails sur des recherches qui ont été menées par le groupe Monsanto dans le domaine de l'alimentation transgénique du rat. Il semble que ces recherches aient montré que les rats nourris avec du maïs transgénique avaient des reins plus petits et présentaient des variations dans la composition de leur sang.

Est-ce vrai ou pas ? On ne peut pas le savoir en l'absence de la communication des données à des experts capables de les interpréter.

D'une façon plus générale, et alors que vous nous annoncez la transposition en droit national de l'ensemble des dispositions communautaires concernant les OGM, je souhaite vous interpeller sur les lenteurs et sur les hésitations qui président à cette transposition.

Comme vous le savez, le moratoire européen, de fait depuis 1999, était justifié par l'inadaptation de la législation communautaire dans au moins deux domaines, la traçabilité et l'étiquetage des données sur les OGM. On a beaucoup progressé dans cette voie. Mais le régime de responsabilité manque. Je ne verrais que des avantages à ce que mon pays prenne l'initiative d'interpeller la Commission pour savoir quand elle entendra mettre en place un régime de responsabilité des firmes permettant de protéger les États et les consommateurs de conséquences éventuellement délétères de pratiques qu'elles auraient réussi à imposer aux pouvoirs publics.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Dominique Bussereau, ministre. J'ai pris acte de la sollicitation de Mme Voynet concernant la partie de sa question restée sans réponse précise.

Je l'invite à m'adresser une question écrite à laquelle je m'engage à répondre non pas dans le délai habituel de deux mois, mais dans un délai d'un mois afin qu'elle dispose au Journal officiel d'une réponse très précise à cette partie de sa question.

M. le président. Il s'agit d'un favoritisme évident !

Mme Dominique Voynet. Je m'en réjouis, monsieur le président.

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