Question de M. BIWER Claude (Meuse - UC-UDF) publiée le 24/11/2005

M. Claude Biwer demande à M. le ministre de la santé et des solidarités de bien vouloir préciser la suite que le Gouvernement envisage de réserver aux conclusions et aux recommandations formulées par la Cour des comptes dans son rapport sur les personnes âgées dépendantes. Celle-ci a, notamment, mis l'accent sur l'absence de lisibilité des circuits de financement, sur l'insuffisance de ces derniers ainsi que sur les perspectives incertaines s'agissant, en particulier, des coûts à venir de l'allocation personnalisée d'autonomie (APA) et l'absence de projection en matière de dépenses d'assurance maladie.

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Réponse du Ministère délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille publiée le 05/04/2006

Réponse apportée en séance publique le 04/04/2006

M. le président. La parole est à M. Claude Biwer, auteur de la question n° 872, adressée à M. le ministre de la santé et des solidarités.

M. Claude Biwer. Rassurez-vous, monsieur le président, nous vous louerons une bicyclette ! (Nouveaux sourires.)

Monsieur le ministre, le vieillissement de la population française et l'accroissement de la situation de dépendance qui en découle constituent des phénomènes lourds de conséquences pour les finances publiques, dont on ne prend sans doute pas suffisamment la mesure.

La Cour des comptes, dans son rapport public particulier consacré aux personnes âgées dépendantes et publié en novembre 2005, tire pourtant la sonnette d'alarme dans le chapitre consacré au financement de la dépendance : hausse exponentielle du coût de l'allocation personnalisée d'autonomie, l'APA - les conseils généraux sont, hélas ! bien placés pour la mesurer - ; insuffisance des crédits destinés à la médicalisation des établissements d'hébergement ; manque de maîtrise de la dépense globale de l'assurance maladie pour les personnes âgées dépendantes. D'après le rapport, « l'assurance maladie ne sait ni chiffrer ni maîtriser le montant des soins de ville rattachable à des établissements d'hébergement. »

Ainsi, la Cour des comptes estime que le coût de l'APA pourrait atteindre 6 milliards d'euros en 2020, soit une hausse de 64 % par rapport à 2004.

Elle met également en exergue l'absence de projections en matière de dépenses d'assurance maladie : « Les administrations concernées et les caisses ne se sont pas dotées des outils nécessaires pour évaluer les conséquences du vieillissement et de la progression des situations de dépendance sur les finances de la sécurité sociale. »

Il semblerait par ailleurs que la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, quoique récemment créée, ne se soit pas elle non plus dotée d'outils prospectifs, alors que son rôle dans la prise en charge financière de la dépendance devrait pourtant prendre de plus en plus d'importance.

N'est-il pas à craindre, dans ces conditions, que les collectivités locales ne soient considérées tôt ou tard comme des services déconcentrés de l'État s'agissant de ces dépenses ?

La Cour des comptes a procédé à des projections concernant la prise en charge à domicile et en institution. Elle aboutit à l'inquiétante conclusion que les enjeux financiers pour l'assurance maladie et les personnes concernées sont supérieurs à ceux de l'APA : entre 3 et 4,7 milliards d'euros supplémentaires pour l'assurance maladie et entre 1,6 et 2,7 milliards d'euros supplémentaires pour les résidents en établissement à l'horizon 2020.

Monsieur le ministre, ces chiffres donnent le vertige et nécessiteraient sans doute que le Parlement puisse en débattre afin de tracer des perspectives et, pendant qu'il en est encore temps, dégager progressivement les moyens nécessaires au financement de la dépendance. Il conviendrait notamment d'éviter que ces coûts supplémentaires ne soient finalement mis à la charge des collectivités territoriales et, particulièrement, des départements, qui ne pourront pas les supporter.

Pourriez-vous nous rassurer, monsieur le ministre, ou, pour le moins, nous éclairer sur ce problème bien délicat, dont nos concitoyens ne mesurent pas l'incidence sur l'avenir ?

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Monsieur le sénateur, vous avez entièrement raison, le développement de la prise en charge des personnes âgées dépendantes appelle la mobilisation de moyens croissants.

Voilà seulement quinze ans, les personnes âgées dépendantes qui rentraient en établissement d'hébergement avaient en moyenne 75 ans. Aujourd'hui, on se rapproche de 85 ans.

Si les personnes âgées de plus de 80 ans sont aujourd'hui un peu plus d'un million en France, elles seront environ deux millions dans dix ans.

Bien sûr, la longévité, ce n'est pas forcément la dépendance et la plupart d'entre nous y échapperont. Pour autant, les besoins ne font que croître compte tenu non pas de l'aggravation des situations de dépendance, mais tout simplement de l'allongement de l'espérance de vie.

Vous avez cité la Cour des comptes. Je partage très largement ses conclusions, qui ont été élaborées en liaison étroite avec mes propres services à partir d'une analyse qui porte, pour l'essentiel, sur la situation dont nous avons hérité.

Jamais autant de moyens n'auront été mobilisés pour faire face à la grande dépendance des personnes âgées. Je le dis sans fanfaronner, car les besoins augmentent tellement vite qu'il est tout à fait légitime de les mobiliser maintenant plus que durant la dernière décennie.

Pour l'heure, je citerai quelques chiffres. En 2003, après la canicule, nous avons lancé le plan « Vieillissement et solidarité » en prévoyant de créer, entre 2004 et 2007, 10 000 places supplémentaires en établissements hébergeant des personnes âgées dépendantes. Or ces places ont été financées non pas en quatre ans mais en deux ans ! J'ai donc annoncé, dès le 28 août dernier, la décision du Gouvernement de doubler les créations de places en établissements dans le cadre du plan « Vieillesse et solidarité ». Ce sont donc 20 000 places qui auront été créées en quatre ans, au lieu des 10 000 qui avaient été initialement inscrites dans ce plan.

À cela s'ajouteront, pour la même période, 17 000 places de services de soins infirmiers à domicile, ainsi que 1 125 places d'hébergement temporaire par an pour les familles qui s'occupent d'une personne âgée très dépendante et qui ont parfois besoin d'un peu de répit. Il est également prévu de créer 2 125 places d'accueil de jour par an.

Cet effort, qui devra être poursuivi pendant les années à venir, ne peut être accompli sans les financements correspondants.

S'agissant tout d'abord de l'assurance maladie, les efforts consentis par les Français pour réduire le déficit en la matière nous permettent d'ores et déjà de redéployer vers la prise en charge des personnes âgées lourdement dépendantes une partie des crédits qui étaient utilisés pour d'autres prestations de soins.

À chaque fois qu'un médecin renoncera à prescrire des arrêts de travail qui ne sont pas indispensables, à chaque fois qu'il s'abstiendra de prescrire des psychotropes ou des antibiotiques, qui ne sont pas toujours utiles - la France est championne d'Europe pour la consommation de ces médicaments -, les économies ainsi dégagées pourront être recyclées dans la prise en charge des personnes âgées dépendantes.

C'est la raison pour laquelle, en 2006, dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale, nous avons réussi pour la première fois, grâce à votre soutien, à mobiliser une augmentation de crédits de 9 % au titre de la seule assurance maladie pour les services médicosociaux en faveur des personnes âgées dépendantes.

Dans le même temps a été instaurée la journée de solidarité, qui a demandé un effort à nos compatriotes. À l'origine, celle-ci avait été fixée au lundi de Pentecôte - tout le monde était placé sous la même toise -, mais, depuis, le dispositif a été assoupli. Compte tenu de la durée de la semaine de travail dans notre pays et du nombre de jours de RTT, chacun pouvait bien accepter de consacrer une journée de travail à la solidarité en faveur des personnes âgées ou handicapées. Les moyens qui en résultent sont très importants, et j'en remercie tous les Français.

Par conséquent, aux 9 % d'augmentation des crédits au titre de l'assurance maladie en 2006 s'ajoutent les crédits provenant de la journée de solidarité, ce qui porte à 13,5 % l'accroissement de l'ensemble des crédits médicosociaux

Le Gouvernement s'engage à poursuivre pendant un certain nombre d'années l'effort qui a été accompli pour la première fois en 2006, afin d'être en mesure de répondre aux besoins très importants concernant la prise en charge des personnes âgées dépendantes. J'ai demandé au Commissariat général du plan, devenu le centre d'analyse stratégique, de formuler des propositions.

Il ne faut pas se contenter de construire des maisons de retraite - c'est déjà très important - et d'augmenter le personnel médical au chevet des personnes âgées dépendantes. Il importe également d'offrir davantage de services à domicile et de prestations intermédiaires comme l'hébergement temporaire ou l'accueil de jour, afin de pouvoir faire face à tous les types de situation et de répondre à la demande principale des personnes âgées, qui est de pouvoir continuer à vivre à domicile sans être en danger et sans souffrir de l'isolement.

Telle est, monsieur le sénateur, la politique qui est conduite par le Gouvernement en faveur des personnes âgées dépendantes. À cet égard, je remercie tous les Français, sans la solidarité desquels ces actions ne seraient pas possibles.

M. le président. La parole est à M. Claude Biwer.

M. Claude Biwer. Monsieur le ministre, à défaut de me rassurer totalement, votre réponse m'a éclairé sur les efforts importants réalisés par le Gouvernement et les Français pour améliorer la situation. Cependant, beaucoup reste à faire. Je regrette que nous n'ayons pas toujours la bonne manière pour rendre accessibles au grand public les actions qui vont dans le bon sens. Il faut notamment démontrer que cette journée de solidarité a des résultats très positifs.

Enfin, qu'en est-il des décrets sur les haltes-soins, qui ne sont toujours pas publiés ? Je n'ai pas réussi à obtenir des informations à ce sujet, mais je pense que cela ne saurait tarder.

Monsieur le ministre, je vous remercie de poursuivre les efforts dans ce domaine. Nous en aurons peut-être malheureusement tous besoin demain.

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