Question de Mme PAYET Anne-Marie (La Réunion - UC-UDF) publiée le 24/11/2005

Mme Anne-Marie Payet appelle l'attention de M. le ministre de la santé et des solidarités sur la composition et les missions du Conseil de modération et de prévention.

Dans son article premier, le décret n° 2005-1249 du 4 octobre 2005 énumère les missions de ce conseil, défini comme « une instance de dialogue et d'échange » qui ne saurait en aucun cas se substituer aux instances qualifiées en matière de santé publique ou de politique agricole.

Il prévoit une composition équilibrée du conseil avec quatre catégories de membres, incluant aussi bien les acteurs de la santé publique que les organismes professionnels de la production et de la distribution de boissons alcoolisées, des parlementaires, des ministres, ou leurs représentants.

Or, l'article 21 A de la loi d'orientation agricole nouvellement adoptée par les deux assemblées vient modifier profondément les missions de cet organisme, rendant obligatoire la saisine du conseil sur tout projet de campagne de santé publique concernant les risques liés à la surconsommation d'alcool et sur tout texte législatif et réglementaire dans son domaine de compétence.

Elle souligne que l'objectif clairement affiché des députés est de modérer les campagnes de prévention contre l'alcoolisme et non pas de modérer la consommation excessive d'alcool. Cela équivaut, de fait, à attribuer aux viticulteurs un rôle prépondérant dans la lutte contre l'alcoolisme.

Cette disposition vient briser la logique et la cohérence de l'action gouvernementale ; elle brouille la lisibilité de la politique de santé publique : comment peut-on se fixer pour objectif de faire baisser la consommation d'alcool de 20% sur 5 ans, et rendre obligatoire la saisine du Conseil de modération avant toute campagne publique sur ce sujet ?

Elle rappelle que la consommation excessive d'alcool cause 45.000 décès par an dans notre pays et que les deux tiers d'entre eux sont imputables au vin ; le nombre d'alcootests positifs a augmenté de 41% ; cinq millions de personnes sont exposées à des difficultés médicales, psychologiques et sociales du fait de leur consommation d'alcool. Ainsi, l'alcoolisme coûte à l'Etat 18 milliards d'euros par an !


En conséquence, elle lui demande de bien vouloir lui préciser sa position sur ce dossier et de lui faire connaître, le cas échéant, les moyens qu'il entend mettre en œuvre.

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Réponse du Ministère délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille publiée le 08/02/2006

Réponse apportée en séance publique le 07/02/2006

M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Payet, auteur de la question n° 873, adressée à M. le ministre de la santé et des solidarités.

Nous sommes heureux de retrouver Mme Payet, qui avait dû rentrer précipitamment à la Réunion en raison des récents événements.

Mme Anne-Marie Payet. Je vous remercie, monsieur le président.

Dans son article 1er, le décret n° 2005-1249 du 4 octobre 2005 énumère les missions du conseil de modération et de prévention qui, défini comme « une instance de dialogue et d'échange », ne saurait en aucun cas se substituer aux instances qualifiées en matière de santé publique.

Ce décret prévoit une composition équilibrée du Conseil, qui comporte quatre catégories de membres, incluant aussi bien les acteurs de la santé publique que les organismes professionnels de la production et de la distribution de boissons alcooliques, des parlementaires, des ministres, ou leurs représentants.

Or l'article 21 A de la loi d'orientation agricole nouvellement adoptée par les deux assemblées vient modifier profondément les missions de cet organisme, rendant obligatoire la saisine du Conseil sur tout projet de campagne de santé publique concernant les risques liés à la surconsommation d'alcool et sur tout texte législatif ou réglementaire intervenant dans son domaine de compétence.

L'objectif clairement affiché par les députés - il suffit de relire les comptes rendus de séance de l'Assemblée nationale pour le constater -, était bien de modérer les campagnes de prévention contre l'alcoolisme et non le caractère excessif de la consommation d'alcool, contrairement à ce que l'on aurait pu souhaiter.

Cela équivaut de fait à attribuer aux viticulteurs, qui ont osé affirmer, jusqu'au sein de notre assemblée, que le vin n'était pas de l'alcool, un rôle prépondérant dans l'organisation des campagnes de prévention.

Cette disposition vient briser la logique et la cohérence de l'action gouvernementale et brouille la lisibilité de la politique de santé publique. En effet, comment peut-on, à la fois, se fixer pour objectif de faire baisser la consommation d'alcool de 20 % en cinq ans et rendre obligatoire la saisine du conseil de modération et de prévention avant le lancement de toute campagne publique de prévention ?

Je me permets de rappeler quelques chiffres : la consommation excessive d'alcool est à l'origine, dans notre pays, de 45 000 décès par an, dont les deux tiers sont imputables au vin ; le nombre d'alcootests positifs a augmenté de 41 % ; enfin, 5 millions de personnes sont exposées à des difficultés d'ordre médical, psychologique et social, du fait de leur consommation d'alcool. Ainsi, l'alcoolisme coûte à l'État 18 milliards d'euros par an !

M. le ministre de la santé a déclaré dans la presse qu'aucune campagne de prévention ne serait cosignée avec qui que ce soit.

En conséquence, je lui demande de bien vouloir me préciser sa position sur ce dossier et me faire connaître, le cas échéant, les moyens que le Gouvernement entend mettre en oeuvre pour que ce conseil de modération et de prévention conserve sa vocation initiale et sa composition équilibrée.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Madame le sénateur, je vous prie de bien vouloir excuser M. Xavier Bertrand. Il m'a demandé de répondre en son nom à votre question, qui concerne un sujet auquel il attache la plus haute importance. La lutte contre l'alcoolisme est en effet un objectif de santé publique majeur qui figure en tant que tel dans la loi relative à la politique de santé publique du 9 août 2004.

Comme vous l'avez rappelé, madame le sénateur, en France, chaque année, 45 000 décès sont imputables à l'alcool ; 5 millions de personnes sont exposées en raison de leur consommation d'alcool à des difficultés d'ordre psychologique ou social, et 2 millions de personnes sont dépendantes de l'alcool. Les coûts liés à la consommation excessive d'alcool sont donc considérables.

Il ne faut pas oublier non plus, par exemple, que la première cause de greffe du foie est la cirrhose hépatique d'origine alcoolique.

Le contexte actuel de la prévention dans ce domaine implique un débat entre le monde de la production vinicole et le monde de la prévention. Dans ce contexte, je vous le confirme, le conseil de modération et de prévention est une instance de dialogue et d'échange qui ne se substitue en aucun cas aux instances qualifiées en matière de santé publique ou, par ailleurs, de politique agricole.

Ce conseil a été créé par l'article 69 de la loi d'orientation agricole du 5 janvier 2006. Le décret d'application de cette disposition est en cours de finalisation. Il reprend les termes de la loi et ceux du décret, abrogé, du 4 octobre 2005 qui avait créé une première mouture de ce conseil.

Le conseil de la modération a pour mission d'assister et de conseiller les pouvoirs publics dans l'élaboration et la mise en place des politiques en matière de consommation de boissons alcoolisées, et de donner un avis sur des textes législatifs et réglementaires.

L'objectif n'est en aucune façon d'affaiblir les nécessaires campagnes de prévention dans le domaine de la consommation d'alcool, il est bel et bien de créer un espace de dialogue, où les points de vue pourront s'échanger de manière responsable. À ce sujet, je tiens à souligner que l'avis du conseil de la modération est purement consultatif. Comme vous l'avez vous-même rappelé, madame le sénateur, le ministre de la santé et des solidarités reste le seul responsable de la politique de santé publique.

Vous vous interrogez aussi sur la composition de cette instance. Ce conseil, dont le président sera nommé par le Premier ministre, comptera trente-deux membres répartis en quatre groupes : quatre députés et quatre sénateurs, huit représentants des ministères dont le délégué interministériel à la sécurité routière et le président de la mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie, huit représentants des associations intervenant dans le domaine de la santé et huit représentants des organisations professionnelles.

Soyez assurée, madame le sénateur, que le ministre de la santé et des solidarités veillera personnellement à ce que les associations intervenant dans le domaine de la santé, en particulier dans le domaine de la prévention de la consommation excessive d'alcool, soient présentes et puissent faire entendre efficacement leur voix dans ce conseil.

Le conseil de la modération sera consulté sur les projets de campagne de communication publique relative à la consommation des boissons alcoolisées et sur les projets de textes législatifs et réglementaires intervenant dans son domaine de compétence.

Il pourra ainsi émettre des avis et recommandations sur toute question se rapportant aux usages et aux risques liés à la consommation des boissons alcooliques et proposer les études, les recherches, les évaluations et les actions d'information et de communication qui lui paraissent appropriées.

Enfin, le conseil de la modération pourra être saisi par le ministre en charge de la santé, le ministre chargé de l'agriculture, ou par un cinquième de ses membres sur toute question se rapportant aux usages et aux risques liés à la consommation des boissons alcoolisées.

M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Payet.

Mme Anne-Marie Payet. Je vous remercie des précisions que vous m'avez apportées, monsieur le ministre, même si je ne comprends toujours pas pourquoi les missions et la composition du conseil de la modération ont été modifiées.

Vous m'avez indiqué que le ministre aura le dernier mot et qu'il ne se laissera influencer, ce qui est de nature à me rassurer.

Comme je l'ai rappelé tout à l'heure, cinq millions de personnes souffrent, souvent silencieusement parce que l'alcoolisme est, hélas ! encore considéré comme une maladie honteuse. La meilleure façon de respecter la souffrance de ces personnes consiste, en matière d'information et de prévention, à prendre des mesures rigoureuses, qui ne soient pas systématiquement remises en cause par d'autres politiques du Gouvernement.

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