Question de M. MÉLENCHON Jean-Luc (Essonne - SOC) publiée le 27/01/2006

Question posée en séance publique le 26/01/2006

M. Jean-Luc Mélenchon. Ma question s'adresse à M. le ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes.

Monsieur le ministre délégué, vous nous avez fait l'amitié de nous confier que vous lisiez l'Humanité : je vous recommande de le faire plus souvent ! (Rires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. Josselin de Rohan. C'est une épreuve !

M. Jean-Luc Mélenchon. Cela vous évitera quelques contresens ! (Exclamations amusées sur les mêmes travées.)

En effet, lorsque de pauvres gens, qui connaissent la misère et la « galère », disent préférer un mauvais contrat à pas de contrat du tout, ils ne font qu'exprimer leur souffrance.

Mme Raymonde Le Texier. Bien sûr !

M. Jean-Luc Mélenchon. Vous leur présentez votre projet de contrat première embauche de manière assez immorale, en leur disant : « Prenez, c'est mieux que rien ! ».

Nous, nous leur disons que ce contrat est pire que tout : pire que les contrats à durée déterminée et pire que les contrats d'intérim !

M. Christian Cointat. Vous, vous leur dites : « Restez sans rien »!

M. Alain Fouché. Ou : « Restez au chômage » !

M. Jean-Luc Mélenchon. Tout à l'heure, votre collègue M. Dutreil a eu le front de dire que les gouvernements de gauche avaient inventé la précarité des jeunes. (Marques d'approbation sur les travées de l'UMP.)

Je vous renvoie à l'étude scrupuleuse des statistiques : vous y apprendrez qu'en cinq ans, nous avons diminué de 6 points le chômage des jeunes de moins de vingt-cinq ans. Vous, en quatre ans, vous l'avez augmenté de 6 points. Voilà la vérité ! (Protestations sur les travées de l'UMP.)

Nous avons créé 1 million d'emplois en solde net. Et vous, quel solde net avez-vous obtenu en cinq ans ? Zéro ! (Exclamations sur les mêmes travées.)

Après avoir créé la précarité, vous en tirez prétexte pour aggraver la situation des pauvres gens qui n'ont que leur travail pour vivre. Voilà ce que vous êtes en train de faire !

Pourtant, et vous vous êtes bien gardés de rappeler cette vérité chiffrée fort simple, notre pays, qui a tant souffert, connaît enfin une pause démographique.

Lorsque nous étions aux affaires, 260 000 personnes supplémentaires se présentaient chaque année sur le marché du travail. Cette année, elles étaient 67 000 seulement, et elles ne seront plus que 40 000 l'an prochain, ce qui signifie que nous connaissons une décroissance des arrivées sur le marché du travail.

Enfin, le pays pourrait respirer !

M. Josselin de Rohan. C'est ce qu'il fait !

M. Jean-Luc Mélenchon. Alors, donnez aux gens les moyens de vivre dignement de leur travail, sans les menacer au quotidien !

Nous le savons, le patron qui a besoin d'emplois qualifiés gardera son ouvrier !

M. Josselin de Rohan. Ce n'est pas vrai !

M. Jean-Luc Mélenchon. Mais il l'aura sans doute fait taire avant, car il n'existera plus de rapport de force : le fait de savoir que l'on peut être mis à la porte le jour même ne crée pas les conditions idéales pour se syndiquer !

Mme Hélène Luc. C'est vrai !

M. Jean-Luc Mélenchon. Vous ne ferez qu'encourager les patrons voyous, qui font se succéder les emplois précaires et accumulent les aides de toutes sortes, avant de délocaliser et de prendre les gens à la gorge. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.- Protestations sur les travées de l'UMP.) C'est cela, le vécu quotidien de millions de nos compatriotes, et vous proposez d'appliquer ce système à grande échelle !

Vous ne ferez que créer des emplois d'aubaine dont bénéficieront ceux qui ne veulent pas accorder à nos concitoyens les conditions de vie normales auxquelles ils ont droit ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. Roland Muzeau. Très bien !

M. le président. Monsieur Mélenchon, veuillez poser votre question !

M. Jean-Luc Mélenchon. Ma question ? Elle tient en un mot ! (Sourires.)

Puisque vous êtes si malins, puisque vous nous en remontrez tant, dites-nous combien vous comptez créer d'emplois de cette manière ! Vous en créerez zéro, car, tous les ans, 2 millions de personnes sont embauchées, dont 600 000 jeunes, avec ou sans vous ! Seulement, dorénavant, tous seront précarisés.

M. le président. Mon cher collègue, vous avez posé votre question, laissez M. le ministre délégué vous répondre !

M. Jean-Luc Mélenchon. Comme cela, vous avez la question et la réponse, monsieur le président ! (Sourires. - Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

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Réponse du Ministère délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes publiée le 27/01/2006

Réponse apportée en séance publique le 26/01/2006

M. Gérard Larcher, ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes. Monsieur le sénateur, je m'étonne, alors que vous avez exercé les mêmes responsabilités que celles qui sont les miennes aujourd'hui et qu'exerçait naguère Laurent Hénart, que vous ayez à ce point oublié un certain nombre de chiffres.

Mme Gisèle Printz. Hénart, il n'est plus là !

M. Gérard Larcher, ministre délégué. Lorsque vous étiez chargé de l'insertion professionnelle, 500 000 contrats en alternance, contrats d'apprentissage et contrats de qualification avaient été signés. Dans le même temps, nous en avons signé 600 000, soit 20 % de plus !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Pas un emploi de plus !

M. Gérard Larcher, ministre délégué. D'autre part, nous avons demandé aux grandes entreprises, non pas simplement en paroles mais par la loi, de se mobiliser ...

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Les grandes entreprises licencient tous les jours ! Elles n'arrêtent pas de licencier !

M. Gérard Larcher, ministre délégué. ... et de consacrer jusqu'à 3 % de leur effectif à la formation par alternance.

M. Roland Muzeau. Bosch ! Hewlett-Packard !

M. Gérard Larcher, ministre délégué. Voilà la réalité des chiffres : 200 000 contrats de plus !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Le patriotisme économique des grandes entreprises est bien connu !

M. Gérard Larcher, ministre délégué. Par ailleurs, monsieur Mélenchon, l'étude sur la « génération 2001 », que vous connaissez bien et qui a été menée par le CEREQ, le Centre d'études et de recherches sur les qualifications, montre que 76 % des aides-éducateurs dont, pourtant, 80 % avaient le baccalauréat et 40 % un DEUG, se sont retrouvés au chômage à l'expiration de leur emploi-jeune et, pour la moitié d'entre eux, pendant plus de six mois. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. Jean-Luc Mélenchon. C'est le contraire !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est vous qui avez supprimé ces emplois !

Plusieurs sénateurs socialistes. C'est faux !

M. Gérard Larcher, ministre délégué. Si ce n'est pas de la précarité... ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP. - Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

C'est cela que nous voulons briser : la précarité et la « galère » ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

C'est pourquoi nous mettons en place le droit à la formation, l'accès au logement, la possibilité de percevoir des indemnités de chômage.

Dans le même temps, et contrairement à vous, nous allons aussi intégrer dans le parcours d'entrée vers l'emploi les stages, les périodes de formation en alternance et les CDD. Nous y ajouterons l'accompagnement personnalisé vers l'emploi des jeunes, qui n'est pas une mesure de nature législative, mais qui, naturellement, exigera que nous mobilisions l'Agence nationale pour l'emploi, ce que nous allons faire.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Donnez-leur un emploi !

M. Jean-Luc Mélenchon. Il vient d'avouer !

M. Gérard Larcher, ministre délégué. Vous nous avez jeté la démographie au visage. Or, qui s'occupe des seniors, que vous vous êtes contentés pendant longtemps de mettre en pré-retraite dès l'âge de cinquante ans, si ce n'est ce gouvernement ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ils sont au RMI !

M. Gérard Larcher, ministre délégué. Nous pensons que nous favoriserons la cohésion sociale de notre pays non pas en opposant les générations les unes aux autres, mais en assurant, ensemble, la solidarité intergénérationnelle. Tel est l'objectif du Gouvernement et telle est la tâche à laquelle nous nous attelons ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP)

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