Question de M. RENAR Ivan (Nord - CRC) publiée le 10/02/2006

Question posée en séance publique le 09/02/2006

M. Ivan Renar. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.

Début janvier, le ministère présentait la carte scolaire pour la rentrée prochaine. Cette année encore, les effectifs enseignants sont revus à la baisse. En septembre 2006, l'enseignement public du second degré perdra 2 083 postes.

Les académies d'Amiens, de Lille et de Nancy-Metz sont les plus durement touchées par ces suppressions de postes. L'académie de Lille enregistre, à elle seule, près du tiers des suppressions programmées à l'échelon national. En 2005, cette même académie avait été amputée de 895 postes. En trois ans, le Nord-Pas-de-Calais aura ainsi perdu quelque 2 000 enseignants.

M. Jean-Luc Miraux. Et combien d'élèves ?

M. Ivan Renar. Comment apprécier de telles décisions, qui fragilisent un peu plus des régions connaissant des taux de chômage bien supérieurs à la moyenne nationale et qui figurent en bas du classement s'agissant du taux de réussite aux épreuves du baccalauréat ?

On nous dit que ces suppressions de postes seraient « logiquement » liées à la baisse globale du nombre d'élèves. Cette tendance, due en partie au fait que des familles complètes « émigrent » à la recherche d'emplois dans des régions plus hospitalières, ne peut que s'amplifier car l'affaiblissement du service public de l'éducation ne contribuera pas à les retenir ou à renforcer l'attractivité de ces territoires.

Monsieur le ministre, il y a une grande injustice, si ce n'est du mépris, dans le fait que les académies du nord de la France servent de variable d'ajustement pour la répartition des effectifs enseignants. Jusqu'à quand va-t-on nous considérer comme les soutiers de la France ? (M. Jean-Luc Miraux s'esclaffe.)

Vous devriez entendre les élus de ces régions, qui, quelle que soit leur sensibilité politique, vous demandent de revenir sur les suppressions de postes annoncées ces dernières semaines.

Chacun sait que le résultat de l'équation « élèves en difficulté + suppressions de postes » n'est en rien positif. La réduction des effectifs enseignants entraîne une surcharge des classes, aggrave les conditions d'études de nos jeunes et met fin au soutien personnalisé des élèves.

Face à la violence engendrée par la misère sociale et l'échec scolaire, il est urgent de renforcer les équipes éducatives des établissements accueillant des jeunes en difficulté. Or on dégage des moyens financiers pour placer des policiers à l'école, ce qui, à l'évidence, n'est pas la bonne solution, et, alors même qu'il faudrait plus d'enseignants, on supprime des postes pour de froides raisons comptables.

Si la politique du Gouvernement est négative pour l'ensemble de notre pays, elle aggrave encore la situation de territoires socialement fragilisés, qui devraient pourtant bénéficier de mesures inégalitaires.

Puisque j'ai la parole, j'en profite pour protester contre la décision du Gouvernement de précipiter le débat sur le CPE : prévu ici même le 28 février, vous l'avancez au 23 février. Cet étranglement du débat démocratique est inacceptable, et si le fond, c'est la forme qui remonte à la surface, vous avez tout faux.

En attendant, monsieur le ministre, comment entendez-vous assurer l'égalité des chances à l'école ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

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Réponse du Ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche publiée le 10/02/2006

Réponse apportée en séance publique le 09/02/2006

M. Gilles de Robien, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur le sénateur, en 2006, jamais la nation n'aura fait, à démographie constante, un tel effort pour l'académie de Lille ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

M. Paul Raoult. Monsieur le ministre, vous n'avez jamais été là-bas !

M. Gilles de Robien, ministre. Monsieur Renar, regardez les choses en face. Cette académie compte 36 000 élèves en moins en trois ans, dont 16 000 au cours des deux dernières années : sur le plan arithmétique, si la diminution de postes d'enseignants était proportionnelle, il y aurait eu deux fois plus de postes supprimés. Le taux d'encadrement dans les collèges sera meilleur en 2006 qu'en 2005. (Applaudissements sur les travées de l'UMP - Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

Mme Hélène Luc. Monsieur le ministre, nous n'avons pas besoin d'un cours de mathématiques !

M. Gilles de Robien, ministre. En outre, monsieur le sénateur, grâce aux collèges « ambition réussite », et vous avez sans doute pris connaissance des annonces que j'ai faites, vous allez bénéficier de 113 enseignants supplémentaires,...

Mme Hélène Luc. On va recommencer à compter les élèves !

M. Paul Raoult. C'est scandaleux !

M. Gilles de Robien, ministre. ...de 339 assistants pédagogiques, de 122 000 heures de remplacement, soit 189 équivalents temps plein.

M. Paul Raoult. Il y a des classes de trente élèves dans les ZEP !

M. Gilles de Robien, ministre. Au dernier trimestre 2005, vous avez bénéficié de 2 500 emplois de vie scolaire.

M. Paul Raoult. Ce n'est pas possible !

M. Gilles de Robien, ministre. Monsieur Renar, l'éducation nationale, ce n'est pas seulement une question de statistiques, une question de quantité, c'est aussi une question de méthode.

M. Jacques Mahéas. À entendre le Gouvernement, il va bientôt y avoir plus d'enseignants que d'élèves !

M. Gilles de Robien, ministre. Oui, nous mettons en place une meilleure méthode de lecture.

Mme Hélène Luc. C'est au cours préparatoire qu'il faut le faire, et pour tous les enfants !

M. Gilles de Robien, ministre. Oui, nous mettons en place un socle commun de connaissances, qui sera le bagage indispensable pour que tous les jeunes sortant de l'école de la République sachent lire, écrire et compter, connaissent les nouvelles technologies et même une langue étrangère.

M. Paul Raoult. Et la suppression des classes d'insertion ?

M. Gilles de Robien, ministre. Oui, nous mettons en place les programmes personnalisés de réussite éducative, les PPRE. Oui, nous mettons en place une réforme de l'enseignement des maîtres à travers les instituts universitaires de formation des maîtres, les IUFM, et grâce à la formation continue des enseignants. (M. Paul Raoult s'exclame.)

Mme Hélène Luc. La réforme des IUFM a été votée, mais elle n'est pas terminée !

M. David Assouline. M. le ministre a quatre minutes de temps de parole ?

M. Gilles de Robien, ministre. Monsieur Renar, je conclurai ainsi : chaque fois que vous réduisez le problème de l'éducation à une vision statistique, vous nous privez d'une vraie réflexion sur l'éducation elle-même. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)

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