Question de M. MASSON Jean Louis (Moselle - NI) publiée le 02/02/2006

M. Jean Louis Masson attire l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur le fait que, à de nombreuses reprises, la Cour européenne des droits de l'homme a sanctionné la France en raison de la durée excessive des procédures. Il souhaiterait qu'il lui indique s'il ne pense pas que, en matière de juridictions administratives, la création des cours administratives d'appel a pour effet de créer un échelon supplémentaire et donc, progressivement, de compliquer encore la situation.

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Réponse du Ministère de la justice publiée le 22/06/2006

Le garde des sceaux, ministre de la justice fait connaître les éléments suivants à l'honorable parlementaire qui s'inquiète des délais de jugement de la juridiction administrative et s'interroge, notamment, sur l'effet induit, sur ces délais, par la création des cours administratives d'appel. La loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 portant réforme du contentieux administratif, en créant les cours administratives d'appel à compter du 1er janvier 1989, a conféré à la juridiction administrative une structure identique à celle de la juridiction judiciaire, avec deux juges du fond susceptibles d'être saisis successivement, en première instance et en appel, et un juge de cassation. Le transfert de la compétence d'appel aux cours a d'ailleurs été parachevé tout récemment, le 1er janvier 2005, par le transfert de l'appel du contentieux de la reconduite à la frontière, conformément aux dispositions du décret n° 2004-789 du 29 juillet 2004. Cette réforme était indispensable pour prévenir l'engorgement du Conseil d'Etat, dont les délais de jugement seraient aujourd'hui tout à fait déraisonnables s'il devait statuer sur l'ensemble des appels susceptibles d'être formés à l'encontre des 157 000 décisions rendues annuellement par les tribunaux administratifs. La création des cours a permis ainsi de sauvegarder le rôle de juridiction suprême de l'ordre administratif que doit jouer le Conseil d'Etat. Il convient de souligner que la saisine du Conseil d'Etat, en qualité de juge de cassation des arrêts des cours administratives d'appel, ne constitue pas l'accès à un troisième degré de juridiction mais une voie de recours extraordinaire, destinée à contrôler la bonne application du droit par les juges du fond. Dans les faits, la très grande majorité des affaires sont jugées définitivement à l'issue de la première instance. Ainsi, en 2005, le nombre d'affaires jugées par les tribunaux administratifs susceptibles de faire l'objet d'un appel s'est élevé, en données nettes (c'est-à-dire après déduction des séries), à 119 250 et le nombre d'appels interjetés devant les cours administratives d'appel à 20 208, ce qui représente un taux d'appel de 16,9 %. Au cours de la même année, le nombre de décisions rendues par les cours administratives d'appel a été de 23 553 et le nombre de pourvois en cassation sur des arrêts de cour enregistrés au Conseil d'Etat de 2 882, soit un taux de pourvoi en cassation de 12,2 %. Au total, ce sont donc seulement 2 % des affaires dont sont saisis les tribunaux administratifs qui font successivement l'objet d'un examen au fond par le tribunal puis par la cour et d'un pourvoi en cassation devant le Conseil d'Etat. Il est exact, toutefois, que les délais de jugements devant les cours s'étaient progressivement dégradés depuis 1989, en raison d'un déséquilibre structurel entre le nombre d'affaires nouvelles et le nombre d'affaires jugées dû, d'une part, à l'insuffisance des effectifs des cours et, d'autre part, à la forte augmentation du contentieux. Ainsi, le nombre d'affaires en instance devant les cours administratives d'appel au 31 décembre 2002 était de plus de 40 000, pour un nombre d'affaires jugées de 14 281 au cours de l'année 2002. En application de la loi d'orientation et de programmation pour la justice du 9 septembre 2002, le gouvernement a consenti un effort budgétaire important pour accroître les moyens des cours administratives d'appel. En contrepartie, ces juridictions ont pris des engagements relatifs au nombre d'affaires jugées, dans le cadre de contrats d'objectifs et de moyens passés avec le Conseil d'Etat. Ces contrats ont prévu, notamment, la création de 100 emplois de magistrats et 127 emplois d'agents de greffe sur cinq ans et l'attribution de moyens matériels adéquats. En septembre 2004 a également été créée une nouvelle cour en région parisienne, pour décharger celle de Paris, ce qui porte désormais le nombre des cours administratives d'appel à 8. L'objectif est, pour les cours, de parvenir à juger, en 2007, presque deux fois plus d'affaires qu'en 2002, et de ramener le délai prévisible moyen de jugement des affaires en stock aux alentours d'un an. Grâce à ces contrats d'objectifs, la situation des cours a connu un redressement spectaculaire, malgré une progression en trois ans de 32 % du nombre d'affaires enregistrées, passé de 15 267 en 2002 à 20 208 en 2005. En effet, le nombre des affaires jugées est passé, dans le même temps, de 14 281 à 23 553, soit une augmentation de 65 %. Cet effort a permis de réduire le stock des affaires en instance de 22 %, pour le ramener à 31 861 au 31 décembre 2005. A la même date, le délai prévisible moyen de jugement des cours administratives d'appel n'est plus que d'un an quatre mois et sept jours. La situation est également satisfaisante, pour l'année 2005, dans les tribunaux administratifs, où la forte productivité des magistrats a permis d'arriver à une situation de quasi-équilibre entre les entrées et les sorties, avec 155 562 dossiers réglés en données nettes, en augmentation de 13,4 % par rapport à l'année 2004. Le délai prévisible moyen de jugement des affaires en stock est d'un an, quatre mois et six jours, toutes affaires confondues. Hors référés et procédures d'urgence, il est d'un an, neuf mois et deux jours. De même, au Conseil d'Etat, le stock des affaires en instance, soit 10 089 affaires, en données nettes, ne dépasse pas la capacité annuelle de jugement. Le délai prévisible moyen de jugement des affaires en stock s'établit ainsi, à la fin de l'année 2005, à onze mois et quinze jours.

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