Question de Mme BORVO COHEN-SEAT Nicole (Paris - CRC) publiée le 02/02/2006

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat attire l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice sur l'interprétation de l'article 373-2 alinéa 3 du code civil. Elle souhaite que soit précisée la réponse qu'il a pu donner à deux amendements déposés lors de l'examen par le Sénat, en deuxième lecture, de la proposition de loi relative aux violences au sein du couple.

En effet, l'article 373-2 alinéa 3 prévoit que « tout changement de résidence de l'un des parents, dès lors qu'il modifie les modalités d'exercice de l'autorité parentale, doit faire l'objet d'une information préalable et en temps utile de l'autre parent. ». Or qu'advient-il en cas d'exercice conjoint de l'autorité parentale, et lorsque l'un des conjoints se trouve dans l'obligation de quitter le domicile conjugal car victime de violences conjugales? Cette personne doit en effet pouvoir se rendre dans un lieu qui reste inconnu du conjoint violent.

Elle lui demande d'apporter un éclaircissement sur l'interprétation et la portée de l'information préalable que doit fournir le conjoint souhaitant quitter le domicile conjugal avec les enfants à l'autre conjoint.

- page 250


Réponse du Ministère de la justice publiée le 22/06/2006

Le garde des sceaux, ministre de la justice, fait connaître à l'honorable parlementaire que l'article 373-2 alinéa 3 du code civil constitue l'une des mesures concrètes introduite par la loi du 4 mars 2002 en vue de garantir le respect du principe de coparentalité. Il n'a pas pour effet d'obliger le parent qui déménage à donner sa nouvelle adresse. Il impose seulement de fournir une information générale quant au changement de situation géographique envisagé lorsque celui-ci est de nature à entraîner la mise en oeuvre de nouvelles modalités d'exercice de l'autorité parentale. Il s'agit en effet de permettre à l'autre parent de saisir rapidement le juge aux affaires familiales pour qu'il statue sur un éventuel changement de résidence de l'enfant ou modifie l'organisation des droits de visite et d'hébergement en fonction des nouvelles contraintes géographiques. L'article 373-2 alinéa 3 précité est donc destiné à assurer le maintien des liens de l'enfant avec le parent chez lequel il ne réside pas. Il s'applique à des parents déjà séparés et dont l'un change de domicile. Il ne concerne pas le cas du conjoint qui quitte le domicile conjugal en raison des violences. A cet égard, il convient d'observer que l'article 257 du code civil qui, en cas d'urgence, permet au juge, lors du dépôt d'une requête en divorce, d'autoriser l'un des époux à résider séparément avec les enfants, n'impose pas davantage à celui-ci de communiquer l'adresse de son nouveau lieu d'habitation à l'autre parent. Il ne saurait par conséquent être considéré que le code civil expose la victime de violences conjugales à l'obligation d'informer l'auteur des violences du lieu où elle se trouve. Il convient en revanche d'observer que le fait pour un parent de ne pas notifier son changement de domicile à l'autre parent qui bénéficie d'un droit de visite ou d'hébergement fixé judiciairement est un délit puni de six mois d'emprisonnement et de 7 500 euros d'amende (article 227-6 du code pénal). Il n'apparaît toutefois pas opportun de prévoir des exceptions à ce délit, fondées sur un risque d'atteinte à l'intégrité physique du conjoint, du concubin ou des enfants. Pareille dérogation serait en effet susceptible de favoriser le développement d'allégations mensongères de violences de la part du parent chez lequel les enfants résident habituellement à la seule fin d'empêcher l'autre parent d'exercer ses droits de visite ou d'hébergement. Au demeurant, en cas de violences avérées ayant des répercussions néfastes sur l'état psycho-affectif des enfants, la victime peut saisir le juge aux affaires familiales selon la procédure d'urgence du référé, aux fins d'obtenir la suspension des droits de visite et d'hébergement précédemment accordés à l'auteur de l'infraction, et ainsi échapper au risque d'être poursuivie sur le fondement de l'article 227-6 précité. En tout état de cause, le ministère public ne donnera pas suite à une plainte fondée sur l'article 227-6 du code pénal visant un parent qui n'a pas communiqué son adresse aux seules fins de se protéger des violences de l'autre parent. En effet, outre son caractère inopportun, l'engagement de l'action publique se heurterait à l'état de nécessité dont la victime pourrait légitimement se prévaloir. Dans ces conditions, il n'apparaît pas utile de modifier la législation actuelle.

- page 1730

Page mise à jour le