Question de M. SOUVET Louis (Doubs - UMP) publiée le 23/02/2006

M. Louis Souvet attire l'attention de M. le ministre des affaires étrangères sur la saisine par l'Agence internationale de l'énergie atomique du Conseil de sécurité de l'ONU concernant le strict respect du protocole additionnel au traité de non-prolifération nucléaire. Compte tenu de l'instabilité de certains régimes politiques, il demande si les pouvoirs publics vont, par un mandat sans ambiguïté délivré au représentant français du Conseil de sécurité de l'ONU, insister auprès de leurs partenaires internationaux sur les dangers à adopter un attentisme de type munichois.

- page 459


Réponse du Ministère des affaires étrangères publiée le 27/04/2006

En 2003, quand la nature et l'ampleur du programme nucléaire clandestin de l'Iran ont été dévoilées, les ministres des affaires étrangères français, britannique et allemand ont pris la responsabilité de lancer une initiative diplomatique. Son objectif était de soutenir les efforts de l'Agence internationale de l'énergie atomique et d'offrir à l'Iran la possibilité de dissiper pour l'avenir les doutes de la communauté internationale sur les objectifs de son programme. En violant son accord de garanties avec l'AIEA et en coopérant avec un réseau clandestin de prolifération connu pour son soutien aux programmes nucléaires militaires libyen et nord-coréen, l'Iran avait perdu la confiance de la communauté internationale dans les objectifs pacifiques de son programme de production de matières fissiles. En outre, celui-ci n'a pas d'objectif civil identifiable, en l'absence de besoin en combustible nucléaire en Iran. Au coeur de ce processus figuraient deux engagements essentiels : la suspension par l'Iran de toutes ses activités liées à l'enrichissement et au retraitement ; la suspension, à l'initiative des trois Etats européens, de la saisine du Conseil de sécurité, qui aurait dû intervenir dès 2003 conformément au statut de l'AIEA. Les Européens ont concrétisé leur démarche en présentant en août dernier une offre de coopération ambitieuse dans trois domaines (politique, économique, nucléaire), qui n'avait jamais été proposée à l'Iran depuis la révolution de 1979, rendant ainsi possible pour Téhéran le choix stratégique de la coopération et de l'ouverture avec le reste du monde. L'Iran a cependant tourné le dos à ce processus, en remettant en cause ses fondements mêmes, en reprenant la conversion à grande échelle et les activités les plus sensibles liées à l'enrichissement de l'uranium. Ces décisions iraniennes étaient un clair rejet du processus engagé en 2003 : Téhéran a manifestement choisi de refermer la parenthèse ouverte alos en décidant unilatéralement d'aller de l'avant dans son programme. L'importance des enjeux justifiait et continue de justifier l'action diplomatique des Européens : la stabilité régionale, la sécurité internationale, les fondements mêmes du régime multilatéral de non-prolifération nucléaire, la crédibilité de l'action de l'Europe sur la scène internationale. Le processus de négociation engagée il y a deux ans et demi a permis de ralentir puis de suspendre la partie dangereuse connue du programme nucléaire iranien. Il a permis à l'AIEA de conduire son travail de vérification et, par là même, renforcé notre connaissance du programme iranien. Il a permis de construire et de consolider le consensus de la communauté internationale autour de nos préoccupations et de nos objectifs. Il a permis enfin de montrer à l'Iran une possible voie politique de sortie de crise. L'objectif des Européens était et demeure un objectif de non-prolifération. La négociation ouverte n'était pas un objectif en elle-même. C'était et cela reste le meilleur moyen de résoudre par des voies diplomatiques la crise de prolifération nucléaire iranienne. Le 4 février dernier, le conseil des gouverneurs de l'AIEA a adopté une résolution demandant à M. El Baradei de faire rapport au Conseil de sécurité sur le dossier nucléaire iranien. Cette résolution a été adoptée à une très large majorité (27 voix pour, 5 abstentions, 3 voix contre), marquant ainsi l'unité et la fermeté de la communauté internationale face aux agissements de l'Iran. Malgré la multiplication des contacts diplomatiques ces dernières semaines, l'Iran a décidé de ne pas répondre favorablement aux demandes répétées du conseil des gouverneurs. Comme l'a en effet constaté M. El Baradei dans son rapport du 27 février, l'Iran refuse la suspension demandée par l'AIEA et a repris ses activités liées à l'enrichissement de l'uranium ; la coopération de l'Iran avec l'Agence se poursuit, mais est insuffisante et n'a pas permis de clarifier les incertitudes sur le champ et la nature du programme nucléaire de l'Iran ; l'Iran n'applique plus le protocole additionnel, ce qui empêche l'Agence de surveiller certaines activités. Ces décisions sont intervenues dans un contexte où l'AIEA n'est toujours pas en mesure de certifier l'absence d'activités non déclarées en Iran et alors même que des éléments pouvant avoir une dimension nucléaire militaire sont relevés, sur lesquels des enquêtes sont en cours. L'implication du Conseil de sécurité des Nations unies a été rendue nécessaire par le refus de l'Iran d'appliquer les demandes de l'AIEA. Elle représente l'ouverture d'une nouvelle étape des efforts diplomatiques européens, et non leur fin. Les Européens continueront de rechercher une solution à la crise de prolifération iranienne dans le cadre du système multilatéral. La France, en particulier, assumera toutes ses responsabilités de membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies.

- page 1198

Page mise à jour le