Question de M. GODEFROY Jean-Pierre (Manche - SOC) publiée le 10/03/2006

Question posée en séance publique le 09/03/2006

M. Jean-Pierre Godefroy. Monsieur le Premier ministre, les débats sur l'égalité des chances ont clairement montré que ce texte, mal préparé, est loin d'être à la hauteur des enjeux mis en lumière par la crise qu'ont connue les banlieues françaises au mois de novembre dernier. Il est même un contresens qui pourrait être encore plus lourd de conséquences, tant les réponses que vous proposez ne font qu'aggraver la ségrégation sociale et la précarisation.

M. Jacques Blanc. Moins vite !

M. Henri de Richemont. On ne comprend rien !

M. Jean-Pierre Godefroy. Ségrégation avec l'apprentissage junior, qui remet en cause l'âge de la scolarité obligatoire, ...

M. Charles Revet. C'est totalement faux !

M. Jean-Pierre Godefroy. ... et qui est destiné à sortir le plus tôt possible du système scolaire les élèves en difficulté, pour en faire une main-d'oeuvre disponible rapidement et à bon marché.

En un an, vous avez abaissé l'âge d'autorisation du travail tous les dimanches et tous les jours fériés de dix-huit à quinze ans dans de nombreuses professions et vous nous avez fait revenir, pour partie, à la situation d'avant 1874 concernant le travail de nuit. (M. Jean-Luc Mélenchon applaudit.)

Précarisation avec le CPE qui, s'il est techniquement un CDI, est surtout un contrat amputé de toutes les protections et de toutes les garanties normalement offertes aux salariés, compte tenu, notamment, de la période d'essai portée à deux ans, au cours desquels les entreprises pourront licencier sans motivation. C'est manifestement contraire aux engagements internationaux de la France - convention 158 de l'Organisation internationale du travail et article 24 de la Charte sociale européenne - comme à la jurisprudence constante des plus hautes juridictions françaises - Conseil constitutionnel et Cour de cassation.

Le CPE, c'est une agression contre la jeunesse. En effet, comment construire son avenir avec cette insécurité quotidienne ? (Protestations sur les travées de l'UMP.)

C'est aussi une déréglementation du travail qui conduit à instaurer, entre les différentes catégories de salariés, une compétition exacerbée pour trouver un emploi. Même en étant dans leur bon droit, nombre d'entre eux hésiteront à saisir les juridictions pour ne pas obérer leur chance dans d'autres entreprises. (Nouvelles protestations sur les mêmes travées.)

Vous inversez la charge de la preuve ; c'est la judiciarisation des rapports sociaux que vous instituez. (Le brouhaha s'amplifie.)

M. Raymond Courrière. Très bien !

M. le président. Un peu de silence, je vous prie !

M. Jean-Pierre Godefroy. Monsieur le Premier ministre, face aux protestations qui montent et qui s'expriment massivement dans la rue, vous annoncez maintenant l'ouverture d'une concertation à partir de la semaine prochaine, apparemment sans rapport direct avec le CPE. Pourriez-vous clarifier devant la Haute Assemblée ce que vous entendez par « enrichissement du CPE » ? C'était avant de présenter votre texte qu'il aurait fallu mener cette concertation, en respectant les engagements de la loi Fillon de 2004.

M. René-Pierre Signé. Voilà !

M. Jean-Pierre Godefroy. Monsieur le Premier ministre, c'est par centaines de milliers que nos jeunes vous interpellent.

M. René-Pierre Signé. Voilà !

M. Jean-Pierre Godefroy. Vous leur proposez un marché de dupes, un simulacre de concertation a posteriori. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC. - Exclamations sur les travées de l'UMP.)

Monsieur le Premier ministre, allez-vous retirer le CPE ? (Non ! sur les travées de l'UMP.) Même dans votre majorité, des voix s'élèvent pour réclamer ce retrait ! Retirez-le dans l'intérêt du pacte de confiance démocratique qui doit exister entre le Gouvernement et les citoyens. (Bravo ! et vifs applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC. - Protestations sur les travées de l'UMP.)

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Réponse du Ministère de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement publiée le 10/03/2006

Réponse apportée en séance publique le 09/03/2006

M. Jean-Louis Borloo, ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement. Monsieur Godefroy, puisque vous avez commencé en évoquant le travail des jeunes, permettez-moi de vous dire que la loi pour l'égalité des chances a, au contraire, rectifié l'ordonnance Guigou sur le travail de nuit,...

M. René-Pierre Signé. Oh !

M. Jean-Louis Borloo, ministre. ... puisqu'elle rend obligatoire la présence du maître d'apprentissage ou du tuteur pendant l'activité des apprentis. (Rires et exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

Plusieurs sénateurs socialistes. Quel culot !

M. Jean-Luc Mélenchon. Pas à quatorze ans !

M. Jean-Louis Borloo, ministre. A quinze ans ! Vous le savez bien, monsieur Mélenchon, vous êtes un expert !

S'agissant du deuxième volet de votre question, vous m'interrogez le jour où le Premier ministre vient de présider un comité interministériel des villes qui a permis de prendre des dispositions extrêmement importantes !

Plusieurs sénateurs socialistes. C'est un peu tard !

M. Jean-Louis Borloo, ministre. Ce n'est pas un peu tard, c'est dans la continuité de l'action qui a été engagée par le plan de cohésion sociale et le plan de rénovation urbaine. Il n'y a pas un sénateur-maire qui, sur le terrain, ne se félicite et de l'un et de l'autre ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

J'en viens au troisième volet de votre question. Monsieur Godefroy, après quatre-vingt-quinze heures de débat, vous savez pertinemment que le problème principal que nous avons à résoudre est celui d'une première expérience professionnelle qui soit la plus durable possible. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.) Ça, c'est un sujet !

M. René-Pierre Signé. C'est là qu'on vous « vire » !

M. Jean-Louis Borloo, ministre. Le problème de la jeunesse de notre pays, c'est d'avoir accès à cet engagement dans une entreprise, avec des équipes qui l'accueillent pour avoir cette première expérience.

M. René-Pierre Signé. Et après, on vous met à la porte !

M. Jean-Louis Borloo, ministre. Dans vos permanences, vous avez tous rencontré des jeunes qui expliquent que, malgré leurs diplômes et leur qualification, ils ne trouvent pas à se faire embaucher, faute d'expérience professionnelle.

Le texte sur l'égalité des chances est équilibré, car il permet à la fois d'offrir la première expérience professionnelle et, en cas de rupture de la part de l'entreprise, de sécuriser le parcours professionnel.

M. Claude Domeizel. Il ne répond pas !

M. Jean-Luc Mélenchon. On lui pose une question, il n'y répond pas !

M. Jean-Louis Borloo, ministre. C'est sur ce sujet de la sécurisation que le Premier ministre nous a demandé, à Gérard Larcher et moi-même, d'avancer des propositions extrêmement audacieuses, ce que nous ferons avec les partenaires sociaux dans les tout prochains jours. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

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