Question de Mme BORVO COHEN-SEAT Nicole (Paris - CRC) publiée le 10/03/2006

Question posée en séance publique le 09/03/2006

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.

Monsieur le Premier ministre, le mardi 7 mars, les jeunes, les lycéens et les étudiants ont, par centaines de milliers, demandé le retrait du projet de contrat première embauche soumis au Parlement par votre gouvernement. (Encore ! sur les travées de l'UMP.)

Ils ont appelé à la résistance contre un projet de société fondé sur la précarité, l'individualisme et l'injustice.

Ils ont exigé des droits simples, mais forts : avoir un métier, une vie digne, un avenir.

L'intervention de la jeunesse a souvent été déterminante dans l'histoire de notre pays. Sa mobilisation massive contre Le Pen, au lendemain du 21 avril 2002, a porté dans un même élan la République et l'espoir de progrès ; vous ne pouvez l'ignorer.

M. Hugues Portelli. Ça n'a rien à voir !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Dès l'origine, le projet de loi pour l'égalité des chances était rétrograde. La suppression de l'obligation scolaire jusqu'à seize ans avec l'apprentissage à quatorze ans, le travail de nuit possible à quinze ans, la sanction des familles au moyen de la suppression des allocations familiales : autant d'éléments qui suffisaient à justifier qu'on le repousse.

Mais votre gouvernement a introduit, par voie d'amendement, le contrat première embauche, que non seulement la jeunesse, mais en fait l'ensemble de notre peuple rejette massivement.

Ce texte a été préparé sans dialogue aucun avec les partenaires sociaux et les organisations de jeunesse. Il a été adopté à la hussarde par l'Assemblée nationale, par le biais de l'article 49-3 de la Constitution, puis examiné en urgence par le Sénat où tout a été fait pour élaguer le débat. (Protestations sur les travées de l'UMP.)

M. Christian Cointat. Quatre-vingt-quinze heures de séance, ce n'est pas rien !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Or, le CPE, c'est la fin des garanties prévues dans le code du travail pour les jeunes...

M. Christian Cointat. Mais non !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. ... qui, durant deux ans, pourront être remerciés par leur employeur du jour au lendemain, sans motif, ce qui est, en outre, contraire aux engagements internationaux de la France.

MM. Jean-Luc Mélenchon et Roland Courteau. Tout à fait !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est indigne de notre pays !

Depuis des années, au prix de milliards d'euros offerts au patronat, on a multiplié les emplois précaires et les bas salaires, sans réduire pour autant le chômage. (Nouvelles protestations sur les mêmes travées.)

M. Christian Cointat. Allez en Angleterre !

M. Jean-Luc Mélenchon. Justement, on n'a pas envie d'y aller !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Le CPE, c'est le retour au XIXe siècle...

Plusieurs sénateurs de l'UMP. Pourquoi pas au Moyen Âge ?

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. ... dans les rapports entre patron et salarié, avec les jeunes pour cobayes !

M. René-Pierre Signé. Vous ne pouvez pas dire le contraire !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Monsieur le Premier ministre, ...

M. le président. Veuillez poser votre question, madame Borvo !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. ... pour que la jeunesse puisse garder confiance, le groupe CRC demande au Président de la République de ne pas promulguer la loi pour l'égalité des chances, ...

M. Jean-Luc Mélenchon. C'est une bonne idée !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. ...ce qui permettrait d'annuler le CPE.

Monsieur le Premier Ministre, je vais vous donner la lettre que nous adressons ce jour au Président de la République. (Mme la sénatrice brandit ladite lettre.) Ma question est simple : allez-vous écouter notre peuple et remettre notre lettre au Président de la République avec un avis favorable ? (Non ! sur les travées du groupe de l'UMP. - Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

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Réponse du Premier ministre publiée le 10/03/2006

Réponse apportée en séance publique le 09/03/2006

M. Dominique de Villepin, Premier ministre. Madame la sénatrice, je vous remercie tout d'abord de me donner l'occasion de rappeler que la loi pour l'égalité des chances a été adoptée aujourd'hui. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et sur quelques travées de l'UC-UDF.)

Je tiens à remercier la majorité de son soutien sans faille tout au long des discussions parlementaires.

M. René-Pierre Signé. Il n'y a pas de quoi être fier !

M. Dominique de Villepin, Premier ministre. Je veux aussi saluer la qualité des débats qui se sont tenus ici même.

M. Charles Revet. C'est vrai !

M. Dominique de Villepin, Premier ministre. Sur 135 heures de débat au total, la Haute Assemblée a siégé plus de 95 heures,...

M. Claude Domeizel. Mais dans quelles conditions !

M. Dominique de Villepin, Premier ministre. ... ce qui a permis d'améliorer le texte du Gouvernement.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Elle ne pouvait pas faire autrement !

M. Dominique de Villepin, Premier ministre. Toutes les dispositions de cette loi s'appliqueront dans les prochaines semaines. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. René-Pierre Signé. Ce n'est pas sûr !

M. Dominique de Villepin, Premier ministre. Je pense naturellement au contrat première embauche, qui offre à tous les jeunes, et en particulier à ceux qui connaissent le plus de difficultés, une nouvelle voie d'accès à l'emploi, ...

M. Didier Boulaud. Vous n'écoutez pas la rue !

M. Dominique de Villepin, Premier ministre. ... à la limitation à six mois de la durée des stages et à la rémunération obligatoire de ces stages au bout de trois mois. C'est un progrès considérable qui est ainsi accompli et qui va répondre aux problèmes que rencontrent les jeunes. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.- Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

Je pense également à la création de nouveaux postes en alternance. Dans les grandes entreprises, l'alternance a montré qu'elle était la voie adaptée parce qu'elle permettait de mieux connaître la vie professionnelle et de s'y préparer de façon qualifiée.

Mais le premier enjeu de cette loi est, bien entendu, la baisse du chômage des jeunes. Sur ce sujet difficile, votre intervention m'a fait penser, madame la sénatrice, qu'il importait de ne pas confondre le mal et le remède.

Le mal, il faut le rappeler - et j'aimerais que votre indignation se porte sur ce point parce que nous serions alors tous d'accord -, c'est la précarité actuelle des jeunes. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et sur quelques travées de l'UC-UDF.) Et cela dure depuis plus de trente ans !

M. Benoît Huré. Eh oui !

M. Jean-Luc Mélenchon. Ils se flattent de leurs turpitudes !

M. Dominique de Villepin, Premier ministre. La difficulté des jeunes à trouver un emploi, leur manque d'expérience professionnelle, leur marginalisation sur le marché du travail, quand ils enchaînent des CDD de moins d'un mois, des périodes d'intérim de moins de cinq jours et des périodes d'inactivité : voilà ce qui justifie l'indignation !

M. Jacques Legendre. Très bien !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est le résultat des politiques que vous menez !

M. Dominique de Villepin, Premier ministre. Le remède que nous apportons - et force est de constater que nous avons longtemps attendu vos propositions -, ...

M. Josselin de Rohan. Il n'y en a jamais eu !

M. Dominique de Villepin, Premier ministre. ... c'est le parcours d'embauche.

M. Henri de Raincourt. Très bien !

M. Didier Boulaud. Merci les patrons !

M. David Assouline. Ça fait quatre ans que vous êtes là !

M. Dominique de Villepin, Premier ministre. Nous mettons en place ce parcours d'embauche pour permettre aux jeunes d'entrer dans la vie active, en proposant, afin de répondre à la diversité des situations, une meilleure orientation, plus d'emplois en alternance, des stages encadrés par une charte des stages et un contrat de travail qui complète les contrats existants.

M. René-Pierre Signé. Avec tout cela, vous allez créer des emplois ?

M. Didier Boulaud. N'allez pas prendre vos conseils auprès du MEDEF !

M. Dominique de Villepin, Premier ministre. Et c'est pour cette raison que nous devons avancer !

En effet, si nous voulons sauver notre modèle social, il est impératif de le moderniser. À cette fin, pour avancer, ...

M. René-Pierre Signé. Vous allez reculer !

M. Dominique de Villepin, Premier ministre. ... nous proposons non seulement plus de souplesse, mais également, dans un souci d'équilibre, plus de protection. (Exclamations sur les travées socialistes.)

M. Jean-Pierre Sueur. Alors pourquoi le licenciement sans motif ?

M. Jean-Luc Mélenchon. Il n'y a pas de dialogue depuis des années !

M. Dominique de Villepin, Premier ministre. Faut-il le rappeler, c'est la voie dans laquelle se sont engagés tous nos voisins européens :...

Mme Nicole Bricq. En faisant l'inverse !

M. Dominique de Villepin, Premier ministre. ... garantie de formation, allocation chômage, accompagnement personnalisé, autant d'éléments qui n'existent pas aujourd'hui au service de jeunes.

M. Jean-Pierre Sueur. Le licenciement sans motif n'existe nulle part !

M. Dominique de Villepin, Premier ministre. Et nous devons surtout avancer pour répondre à la précarité des jeunes.

J'admire l'allant avec lequel vous voudriez maintenir la situation actuelle,...

Mme Raymonde Le Texier. Certainement pas !

M. Jean-Luc Mélenchon. Non !

M. David Assouline. Pas du tout !

M. Dominique de Villepin, Premier ministre. ... qui place les jeunes au comble de la précarité ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Alors oui, j'entends bien les inquiétudes et les préoccupations qu'expriment les jeunes, ...

Mme Hélène Luc. Mais non, vous ne les entendez pas !

M. Dominique de Villepin, Premier ministre. ... tout comme certains de leurs parents. Jean-Louis Borloo et Gérard Larcher, ainsi que Gilles de Robien et François Goulard, poursuivent leurs consultations.

M. David Assouline. La loi est votée !

M. Dominique de Villepin, Premier ministre. Avec eux, je compléterai le dispositif législatif en formulant, dans les tout prochains jours, des propositions susceptibles d'enrichir le parcours d'embauche.

M. Christian Cointat. Très bien !

M. Dominique de Villepin, Premier ministre. C'est cela notre responsabilité ! C'est cela, la défense de l'intérêt général dans notre pays !

M. René-Pierre Signé. Rien ! C'est le brouillard !

M. Dominique de Villepin, Premier ministre. Car, au bout du compte, la question qui est au coeur de l'emploi des jeunes est bien celle-ci : dans quelle société voulons-nous vivre ?

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat et M. Bernard Piras. Bonne question !

M. René-Pierre Signé. Vous voulez une société libérale !

M. Dominique de Villepin, Premier ministre. Nous voulons une société rassemblée, qui offre à chacun la possibilité d'avoir une chance et de ne pas rester au bord du chemin,...

M. Didier Boulaud. C'est mal parti !

M. Dominique de Villepin, Premier ministre. ... une société dans laquelle on n'a pas peur de l'avenir et où l'on est capable d'élaborer et de défendre un véritable projet collectif.

M. René-Pierre Signé. Deux ans maximum !

M. Dominique de Villepin, Premier ministre. Tout mon gouvernement, toute la majorité veulent construire, avec les Français, cette société de l'égalité des chances.

M. Roland Courteau. Les jeunes ne vous croiront pas !

M. Didier Boulaud. Mais votre majorité n'est pas assez large pour y faire entrer « deux charrettes » ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)

M. Dominique de Villepin, Premier ministre. Faisons ensemble le choix de l'innovation et de la liberté ! (Applaudissements prolongés et scandés sur les travées de l'UMP. - Applaudissements sur certaines travées de l'UC-UDF et du RDSE.)

M. Roland Courteau. Ce sont des mots !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Les jeunes vont apprécier !

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