Question de M. YUNG Richard (Français établis hors de France - SOC) publiée le 02/03/2006

M. Richard Yung attire l'attention de Mme la ministre de l'écologie et du développement durable sur l'insuffisante protection de la haute mer, qui correspond à la zone située au-delà de 200 milles nautiques des côtes. Ce triste constat a été dressé par la troisième conférence mondiale sur les océans, les côtes et les îles, qui s'est réunie au siège de l'UNESCO du 23 au 28 janvier 2006. Actuellement, aucune souveraineté ne s'exerce sur la haute mer, qui «souffre» dramatiquement de ce vide juridique international. Il est donc impératif de définir un cadre légal afin de contrecarrer la dégradation rampante de la biodiversité des fonds marins. Ce faisant, il souhaite savoir si le gouvernement français prendra l'initiative de proposer d'amender la convention des Nations Unies sur le droit de la mer, signée à Montego Bay le 10 décembre 1982 et ratifiée tardivement par la France le 12 mars 1996. D'autre part, il souhaite savoir si le gouvernement proposera la mise en oeuvre d'un réseau international de surveillance de la haute mer afin de lutter notamment contre le chalutage de grand fond, qui est responsable de la destruction d'écosystèmes parfois inexplorés et souvent très fragiles.

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Réponse du Ministère de l'écologie et du développement durable publiée le 31/08/2006

La ministre de l'écologie et du développement durable a pris connaissance avec intérêt de la question concernant la protection de la biodiversité en haute mer. Défini par l'article 87 de la convention de Montego Bay (CMB) sur le droit de la mer, le régime juridique de la haute mer (sol et sous-sol marins exclus) est fondé sur le principe de liberté, impliquant qu'aucun Etat ne peut soumettre cet espace à sa souveraineté. L'application de ce principe de liberté est toutefois aménagée de manière générale, puisque l'article 197 de la CMB prévoit que les Etats coopèrent au plan mondial ou régional, directement ou par l'intermédiaire des organisations internationales compétentes, à la formulation de règles pour protéger et préserver le milieu marin. C'est à ce titre que, par exemple, la convention pour la protection du milieu marin de Atlantique du Nord-Est, dite convention OSPAR, et la convention de Barcelone sur la Méditerranée ont pris des mesures de protection de la biodiversité en haute mer : annexe V de la convention OSPAR et protocole relatif aux aires spécialement protégées et à la diversité biologique en Méditerranée pris en application de la convention de Barcelone. L'application de ce principe de liberté est aussi aménagée de façon sectorielle puisque, dans le domaine spécifique de la pêche, la convention de Montego Bay (article 116) prévoit expressément des mécanismes de coopération entre Etats (organisations régionales de pêche - ORP) en vue de gérer la ressource halieutique. C'est donc dans les zones de la haute mer, qui échappent au maillage conventionnel actuel, que se pose le problème de la protection de la biodiversité marine au-delà des zones sous juridiction nationale. En effet, le régime juridique actuel de la haute mer figurant dans la CMB ne définit pas expressément de dispositif permettant aux Etats de s'organiser collectivement (modalités de gouvernance) pour protéger la biodiversité en haute mer contre les diverses menaces pesant sur elle. Or la conservation et l'exploitation durable de la biodiversité en haute mer constituent aujourd'hui une préoccupation pour la communauté internationale. Par résolution 54/24 en date du 17 novembre 2004, l'assemblée générale des Nations unies (AGNU) a décidé de créer un groupe de travail ad hoc pour se pencher sur le problème. Ce groupe de travail s'est réuni du 13 au 17 février 2006. En fondant elle aussi sa position sur un manque de gouvernance, l'Union européenne y a défendu le besoin d'un nouvel accord international, qui devrait être établi en cohérence avec la convention de Montego Bay, et qui devrait notamment permettre de créer des aires marines protégées en haute mer. Cette position, qui est partagée par la France, ne fait pas en revanche l'unanimité dans le groupe de travail ad hoc. En conséquence, on peut raisonnablement prévoir que la résolution de la 61e AGNU (débutant en septembre 2006) sur les océans et le droit de la mer, qui devra décider des suites à donner aux réflexions du groupe de travail ad hoc, fera l'objet de négociations difficiles. A ce stade, l'objectif est d'obtenir la poursuite du processus d'examen entamé, grâce au renouvellement du mandat du groupe de travail ad hoc. En ce qui concerne la lutte contre le chalutage des grands fonds, qui est également évoquée dans la présente question, la France considère qu'il faudrait parvenir à ce que toutes les techniques de pêche destructrices de biodiversité en eaux profondes (et pas seulement la pêche au chalut) soient interdites dans les zones vulnérables. Si celles-ci sont situées dans la zone de compétence d'organisations régionales de pêche (ORP), le problème doit être réglé par les ORP. Si ces zones ne rentrent pas dans le champ de compétence d'ORP, et dans l'attente de la création d'ORP, il faudrait que la communauté internationale décide d'instaurer une interdiction ou un « moratoire ».

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