Question de M. BOULAUD Didier (Nièvre - SOC) publiée le 05/05/2006

Question posée en séance publique le 04/05/2006

M. Didier Boulaud. Ma question s'adresse à M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.

Monsieur le ministre, le week-end dernier, dans une commune voisine de la ville de Nevers, que j'ai l'honneur d'administrer, plusieurs de mes concitoyens ont été refoulés à l'entrée d'une discothèque, pour d'évidentes raisons discriminatoires. Ils ont été pris pour cibles par les vigiles de l'établissement et ont été, on peut le dire ainsi, « tirés comme des lapins ». Les maisons environnantes portent encore aujourd'hui les impacts des projectiles utilisés.

Malheureusement, l'un des quatre blessés, atteint à la tête, est aujourd'hui dans un état désespéré, entre la vie et la mort, au centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand.

L'émotion légitime qu'a suscité cet engrenage a, hélas ! servi de prétexte à des émeutes urbaines, dont les excès sont condamnables et qu'il a été difficile de contenir. Le calme est à ce jour revenu, grâce à l'effort, à la réflexion et au dialogue engagés entre tous - tous pouvoirs publics confondus -, mais également grâce aux familles du quartier, qui sont dans le chagrin, aux travailleurs sociaux, aux animateurs et, enfin, à la mise en place d'une originale veille citoyenne qui, jusqu'à maintenant, a porté ses fruits.

À Évry, au cours de ce même week-end, un adolescent est mort, victime d'un affrontement entre jeunes.

Ces événements graves mettent en lumière deux problématiques. Nos concitoyens attendent des réponses précises et concrètes de la part du Gouvernement.

En premier lieu, la législation concernant le port d'armes apparaît inadaptée. La détention d'armes doit absolument être interdite dans les boîtes de nuit et les personnes chargées d'en assurer la sécurité doivent faire l'objet de contrôles réguliers et disposer d'une qualification reconnue.

En second lieu, chacun a conscience que notre société est bien malade : malade des inégalités sociales criantes et accrues qui la déchirent chaque jour un peu plus, malade des discriminations et de la haine qui conduisent à des agissements insupportables dans une démocratie digne de ce nom.

Monsieur le ministre, vous êtes au Gouvernement depuis quatre ans et vous prétendez remédier à cette situation par des mesures toujours plus sécuritaires, à l'efficacité douteuse ; chaque jour, face à l'évidence, nos concitoyens sont conduits à mettre en doute les chiffres que vous annoncez.

En réalité, c'est de plus d'équité et de fraternité que notre pays a besoin aujourd'hui. Votre politique ne prend pas ce chemin-là.

M. le président. Veuillez poser votre question, monsieur Boulaud.

M. Didier Boulaud. Au-delà des effets d'annonce, quelles mesures concrètes le Gouvernement compte-t-il prendre pour éviter que, à l'avenir, de tels événements tragiques ne se reproduisent ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

- page 3542


Réponse du Ministère délégué à l'aménagement du territoire publiée le 05/05/2006

Réponse apportée en séance publique le 04/05/2006

M. Christian Estrosi, ministre délégué à l'aménagement du territoire. S'agissant des comportements discriminatoires, monsieur le sénateur, je ne peux que partager votre sentiment. D'ailleurs, Jean-Louis Borloo et Gérard Larcher ont apporté des réponses tout à fait précises à ce problème dans la loi pour l'égalité des chances.

Pour le reste, en matière de lutte contre l'insécurité, nous n'avons aucune leçon à recevoir !

M. René-Pierre Signé. Oh si !

M. Christian Estrosi, ministre délégué. L'insécurité dans notre pays a augmenté de 14 % entre 1997 et 2002.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Allez !

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Depuis, elle a reculé de 8,9 % (Applaudissements sur les travées de l'UMP -Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC), comme en atteste l'état 4001, le baromètre en la matière. J'ajoute que cet état est toujours le même, que nous ne l'avons pas modifié.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Arrêtez vos litanies !

M. Christian Estrosi, ministre délégué. S'agissant de la délinquance des mineurs, nous voulons des politiques justes et équilibrées entre prévention et intégration.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il n'y a aucune prévention, il n'y a que de la répression. Ce n'est pas équilibré !

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Je fais cette déclaration alors que le ministre de l'intérieur, Nicolas Sarkozy, est à Évry, où un drame - je l'ai indiqué tout à l'heure - s'est produit...

M. Didier Boulaud. Et les armes à feu ?

M. Christian Estrosi, ministre délégué. ... dans la nuit du 30 avril au 1er mai. Un adolescent de seize ans a perdu la vie.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. La prison à l'âge de dix ans, voilà ce que vous proposez !

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Malheureusement, le meurtrier présumé est un autre adolescent de seize ans. Ce sont donc deux vies qui sont brisées. Tel est l'enseignement qu'il nous faut tirer de ce drame.

Nous devons donc, sans la moindre défaillance et avec la plus grande fermeté, apporter des réponses adaptées. C'est la raison pour laquelle Nicolas Sarkozy vous soumettra prochainement un projet de loi sur la prévention de la délinquance des mineurs.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est honteux ! Pourquoi pas la prison dès l'âge de trois mois ?

M. Didier Boulaud. Et les armes à feu ?

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Ce projet de loi devra être lié à une réforme de la politique de la ville. Il n'est plus acceptable de considérer, comme en 1945, qu'un voyou de seize ans ne doit pas être traité de la même manière qu'un voyou de trente ans. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

Quand on se comporte comme un barbare, on est un barbare ! Il faudra donc avoir le courage de modifier l'ordonnance du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante. (Protestations sur les mêmes travées) et d'aborder la question de la responsabilité parentale.

M. Alain Gournac. Très bien !

M. Didier Boulaud. Et les armes à feu ?

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Il conviendra également de responsabiliser les maires, en relation avec les caisses d'allocation familiales et les inspections d'académie.

Avec Lionel Jospin, vous aviez reconnu que vous aviez été naïfs en matière de sécurité ; nous n'avons pas du tout l'intention, en ce qui nous concerne, de l'être à notre tour ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

- page 3542

Page mise à jour le