Question de Mme PAYET Anne-Marie (La Réunion - UC-UDF) publiée le 25/05/2006

Mme Anne-Marie Payet appelle l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice sur l'insuffisance des dispositions de l'article 122-1 du code pénal qui définit la personne non pénalement responsable.

Il y a chaque année, en France, 300 à 400 personnes victimes de l'irresponsabilité pénale.

Elle lui rappelle que le 14 septembre 2002, à la demande de l'association « Delphine Cendrine », le Garde des Sceaux, a réuni une commission de juristes et de psychiatres qui a rendu une note d'orientation en décembre de la même année. Compte tenu du fort accroissement du nombre de victimes, soit +160 % en cinq ans, chiffre révélé par le rapport Burgelin, le Garde des Sceaux a décidé de rédiger, en 2003, un second rapport conjointement avec le ministre de la santé.

Elle ajoute que le rapport Burgelin, remis le 6 juillet 2005, de même que la note d'orientation de décembre 2002 constatent que « les investigations du magistrat d'instruction sont généralement moins approfondies dès lors que l'article 122-1 paraît susceptible de s'impliquer ».

Les victimes et leur famille déplorent cet état de fait et demandent :
- que soit tenu un vrai procès déterminant tous les responsables directs et indirects conformément aux dispositions de l'article 121-3 du code pénal ;
- que soit défini un véritable statut des victimes avec accès aux soins ;
- que les malades déclarés irresponsables bénéficient d'un accompagnement médical et social avec suivi judiciaire afin d'éviter toute récidive.

Ils souhaitent, également, que la justice soit gratuite pour les victimes de crimes de sang et de tentatives de crimes de sang, y compris dans les cas d'irresponsabilité pénale.

Cent cinquante députés de tous bords politiques ont déjà adressé au ministre de la justice, une lettre commune – ou individuelle – appuyant les demandes des victimes. Le Garde des Sceaux lui-même a déjà reçu les responsables de l'association « Delphine Cendrine » à maintes reprises. Par ailleurs, certains psychiatres dénoncent à la barre les insuffisances de l'article 122-1 du code Pénal.

En conséquence, elle lui demande de bien vouloir lui faire connaître les mesures qu'il envisage de mettre en oeuvre afin de répondre aux attentes des victimes qu'elle considère justes et légitimes.

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Réponse du Ministère délégué au commerce extérieur publiée le 07/06/2006

Réponse apportée en séance publique le 06/06/2006

M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Payet, auteur de la question n° 1055, adressée à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.

Mme Anne-Marie Payet. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, chaque année, en France, trois cents à quatre cents personnes sont victimes de l'irresponsabilité pénale.

Le 14 septembre 2002, M. Dominique Perben, alors garde des sceaux, avait réuni une commission de juristes et de psychiatres, qui avait rendu une note d'orientation.

En décembre de la même année, compte tenu du fort accroissement du nombre des victimes - de 160 % en cinq ans, selon le rapport Burgelin -, M. Perben décidait la rédaction d'un second rapport, conjointement avec le ministère de la santé.

Le rapport Burgelin, remis le 6 juillet 2005, de même que la note d'orientation de décembre 2002 soulignent que « les investigations du magistrat d'instruction sont généralement moins approfondies dès lors que l'article 122-1 paraît susceptible de s'appliquer ».

Les victimes et leur famille déplorent cet état de fait et demandent : que soit tenu un vrai procès déterminant tous les responsables directs et indirects, conformément aux dispositions de l'article 121-3 du code pénal ; que soit défini un véritable statut des victimes avec accès aux soins ; que les malades déclarés irresponsables bénéficient d'un accompagnement médical et social, avec suivi judiciaire, afin d'éviter toute récidive.

Elles souhaitent également que la justice soit gratuite pour les crimes de sang et tentatives de crimes de sang, surtout dans les cas d'irresponsabilité pénale.

Cent cinquante députés de tous bords ont déjà adressé à M. le garde des sceaux une lettre commune ou individuelle appuyant les demandes des victimes, et ce dernier a reçu à maintes reprises les responsables de l'association « Delphine-Cendrine ».

Par ailleurs, certains psychiatres dénoncent eux-mêmes à la barre les insuffisances de l'article 122-1 du code pénal.

L'actualité de ces dernières semaines nous démontre bien les insuffisances de la législation dans ce domaine. En avril dernier, un homme a été assassiné de vingt coups de couteau à la sortie d'une école. Un gendarme présent sur les lieux a également été agressé et son collègue a dû tirer sur le forcené. Or ce dernier avait déjà à son actif deux autres assassinats et une tentative d'assassinat, crimes pour lesquels il avait été déclaré pénalement irresponsable.

Une telle situation est inacceptable : il y va de la sécurité de tous.

En conséquence, je souhaiterais connaître les mesures que M. le garde des sceaux envisage de mettre en oeuvre afin de répondre aux attentes des victimes, attentes que je tiens pour justes et légitimes.

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Christine Lagarde, ministre déléguée au commerce extérieur. Madame le sénateur, comme vous l'indiquez, la commission Santé-Justice, présidée par M. Jean-François Burgelin, procureur général honoraire près la Cour de la cassation, a recommandé l'instauration d'une audience spécifique statuant sur l'imputabilité de l'infraction commise, sur les intérêts civils et sur le prononcé d'éventuelles mesures de sûreté.

La mise en oeuvre d'une telle proposition reste actuellement à l'étude, en raison de son caractère particulièrement novateur et des modifications législatives comme des besoins en moyens humains, matériels et financiers qu'elle suppose.

M. le garde des sceaux, que je vous prie de bien vouloir excuser, m'a chargée de vous rappeler que, dès lors qu'une ordonnance de non-lieu du juge d'instruction est motivée par le constat de l'irresponsabilité pénale du mis en examen en raison, par exemple, de l'abolition du discernement de celui-ci, aux termes de l'article 122-1, alinéa 1, du code pénal, le juge doit néanmoins préciser s'il existe des charges suffisantes établissant que l'intéressé a commis les faits qui lui sont reprochés, et ce en vertu de l'article 177, alinéa 2, du code de procédure pénale, issu de la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité.

De plus, je puis vous informer que, le 23 février 2006, le Premier ministre a nommé M. Jean-Paul Garraud, député de la Gironde, parlementaire en mission auprès des ministres de la justice et de la santé.

Cette mission parlementaire a pour objet d'approfondir et d'expertiser certaines des suggestions de la commission Burgelin, notamment celles qui visent à définir des indicateurs de dangerosité, à créer des équipes « ressources interrégionales » chargées d'évaluer la dangerosité, à mettre en place un centre de documentation psycho-criminologique regroupant les expertises et mentionnant les hospitalisations d'office prononcées sur le fondement de l'article 122-1, alinéa 1, du code pénal.

Un rapport devrait être publié au cours du troisième trimestre 2006.

Enfin, je précise que la consignation dont le dépôt est demandé aux parties civiles qui n'ont pas obtenu l'aide juridictionnelle a pour seul objet de garantir le paiement de l'amende civile qui est susceptible d'être prononcée à leur encontre en cas de dénonciation calomnieuse. Dès lors qu'une décision définitive permet de constater que la constitution de partie civile n'était ni abusive ni dilatoire, donc non constitutive de dénonciation calomnieuse, la somme consignée est restituée.

Il faut également préciser que le juge d'instruction peut lui-même dispenser de consignation la partie civile, et ce en vertu de l'article 88 du code de procédure pénale.

Tels sont les éléments d'information que M. le garde des sceaux m'a demandé de porter à votre connaissance.

M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Payet.

Mme Anne-Marie Payet. Madame la ministre, je vous remercie de votre réponse et j'attends avec beaucoup d'intérêt, comme les associations de victimes, les conclusions et les propositions de la mission Garraud, en espérant qu'elles satisferont ces associations, qui demeurent dans l'incertitude et qui aimeraient que la situation soit éclaircie.

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