Question de M. RIES Roland (Bas-Rhin - SOC) publiée le 01/06/2006

M. Roland Ries appelle l'attention de Mme la ministre déléguée aux affaires européennes sur les menaces pesant sur la vocation européenne de Strasbourg, et la nécessité pour le Gouvernement de s'engager davantage dans ce dossier d'intérêt national. Le Parlement européen a d'ailleurs déjà saisi le Gouvernement français des difficultés qu'il rencontrait. Il semble en effet que la confiance entre la Ville de Strasbourg et l'institution européenne soit sérieusement entamée, suite à des transactions immobilières négociées dans des conditions sur lesquelles il n'est pas nécessaire de revenir au sein de la Haute Assemblée. Il appartient au Gouvernement français, au-delà des déclarations de principe, de s'impliquer à la hauteur des enjeux politiques, symboliques et économiques représentés par ce dossier. Seule une mobilisation véritablement nationale pourra contrer le véritable assaut, orchestré par les partisans de Bruxelles, dont Strasbourg est aujourd'hui victime dans son rôle de capitale parlementaire de l'Union européenne. Par conséquent, il lui demande de bien vouloir lui préciser les moyens politiques et financiers qu'elle entend rapidement mettre en œuvre pour défendre la vocation européenne de Strasbourg.

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Réponse du Ministère de la coopération, du développement et de la francophonie publiée le 07/06/2006

Réponse apportée en séance publique le 06/06/2006

M. le président. La parole est à M. Roland Ries, auteur de la question n° 1071, adressée à Mme la ministre déléguée aux affaires européennes.

M. Roland Ries. Madame la ministre, vous le savez, Strasbourg partage avec Genève et New York le privilège d'être l'hôte d'institutions internationales sans être capitale d'État. Ville symbole de la réconciliation franco-allemande, Strasbourg incarne, grâce à la présence du Parlement européen, de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, du médiateur européen ou encore de la Cour européenne des droits de l'homme, une vision décentralisée et démocratique de la construction européenne.

Le président François Mitterrand avait obtenu l'inscription dans les traités du rôle de Strasbourg comme capitale parlementaire. Pourtant, malgré les textes internationaux, la vocation européenne de Strasbourg doit constamment être défendue face aux attaques en règle dont elle est régulièrement l'objet.

Mais cette défense, pour indispensable qu'elle soit, ne saurait constituer à elle seule une politique en la matière. J'ai personnellement rédigé, en 2001, un rapport à ce sujet, que j'ai remis au Premier ministre de l'époque. J'y proposais un certain nombre d'actions à mener pour conforter Strasbourg. Malheureusement, bien peu a été fait depuis lors dans ce domaine, et cet attentisme gouvernemental est d'autant plus regrettable lorsque nous subissons, comme actuellement, une grave bourrasque, dont personne ne peut encore prévoir tous les dégâts collatéraux.

Les adversaires de Strasbourg au Parlement ont évidemment sauté sur l'occasion qui leur était offerte dans le cadre de négociations immobilières entre la ville de Strasbourg et le Parlement européen pour revenir puissamment à la charge. Leur objectif est bien d'instrumentaliser une négociation délicate, dans laquelle la municipalité a sans doute été maladroite, pour accélérer la dérive du Parlement européen vers Bruxelles.

Je considère qu'il appartient à présent au Gouvernement français, au-delà des déclarations de principe, de s'impliquer à la hauteur des enjeux politiques, symboliques et économiques représentés par ce dossier et d'en faire une priorité. Seule une mobilisation véritablement nationale pourra, à mon avis, contrer l'assaut orchestré par les partisans de Bruxelles, dont Strasbourg est aujourd'hui victime dans son rôle de capitale parlementaire de l'Union européenne.

Madame la ministre, la seule reconduction du contrat triennal, même abondé artificiellement par l'État, ne peut à elle seule tenir lieu de politique en faveur de Strasbourg, surtout lorsque cet outil devient de plus en plus un contrat « fourre-tout », une sorte d'appendice au contrat de plan, qui a perdu de vue l'objectif initial, qui était de permettre à une ville de taille moyenne au niveau européen de faire face à ses enjeux internationaux.

Bien sûr, Strasbourg a besoin d'un soutien matériel et financier. C'est une bonne chose de maintenir cet effort. Mais Strasbourg a aussi besoin d'une initiative politique forte. Dans cette perspective, pourquoi, par exemple, ne pas réunir l'ensemble des responsables des partis républicains de notre pays pour bien marquer l'unanimité - j'espère qu'elle existe - de nos formations politiques sur cette question, qui est certes d'intérêt local, mais aussi, et surtout, d'intérêt national ?

Merci de m'indiquer, madame la ministre, ce que le Gouvernement entend entreprendre pour défendre la vocation européenne de Strasbourg.

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Brigitte Girardin, ministre déléguée à la coopération, au développement et à la francophonie. Monsieur le sénateur, Mme Catherine Colonna, ministre déléguée aux affaires européennes, vous prie de l'excuser de ne pouvoir vous répondre elle-même, étant actuellement en déplacement.

Elle tient, par mon intermédiaire, à vous assurer que la présence du siège du Parlement européen à Strasbourg constitue bien un enjeu majeur pour la France. Les tenues des sessions plénières à Strasbourg et des commissions parlementaires à Bruxelles ainsi que l'implantation des services administratifs à Luxembourg ont été confirmées par le conseil européen d'Édimbourg de 1992, avant d'être consacrées dans un protocole annexé au traité d'Amsterdam.

La France n'entend pas voir cette situation remise en cause.

Au-delà de cette position de principe, les autorités françaises ne restent pas inactives : le soutien à la vocation européenne de Strasbourg est multiforme et se manifeste tant par des efforts financiers importants que par des actions politiques et symboliques. Ainsi, c'est pour continuer à améliorer la qualité de la desserte du Parlement européen que le comité interministériel d'aménagement et de compétitivité des territoires du 6 mars dernier a agréé les orientations du prochain contrat triennal 2006-2008. L'État participera à hauteur de 100 millions d'euros sur la période à des actions visant principalement à améliorer l'accessibilité de l'agglomération et à consolider le rayonnement européen de la ville.

Ce soutien avait été de quelque 40 millions et 48 millions d'euros lors des précédents contrats, ce qui souligne une progression significative de l'appui financier de l'État.

Dans le cadre de ce contrat, la priorité a été mise - et continuera de l'être - sur la qualité de la desserte de la ville. Des engagements importants ont été pris afin de valoriser la liaison ferroviaire à destination de Strasbourg - dont l'amélioration fait l'objet aujourd'hui de nombreux projets - au départ de Paris - grâce au TGV-Est, qui sera mis en service en 2007 -, de Luxembourg et de Bruxelles - pour lesquels le lancement des travaux en France aura lieu avant 2010 -, et de Francfort - dont l'aéroport est utilisé par de nombreux députés européens -, ou encore par la mise en service du nouveau pont TGV de Kehl, qui est prévue en 2010.

La volonté politique de la France de consolider la vocation européenne de Strasbourg est clairement établie, et c'est dans cet esprit que le Gouvernement s'apprête à signer d'ici à l'été le huitième contrat triennal.

Vous le voyez, monsieur le sénateur, nos efforts pour préserver le siège strasbourgeois sont permanents, et il n'est pas question de faiblir dans notre détermination.

M. le président. La parole est à M. Roland Ries.

M. Roland Ries. Je vous remercie, madame la ministre de vos explications. J'ai bien noté l'effort de l'État dans le cadre du contrat triennal.

Je souhaiterais revenir sur un point qui me paraît tout à fait essentiel.

Comme vous l'avez dit à juste titre, on ne peut guère croire à un transfert pur et simple, dans un avenir prévisible, du Parlement européen de Strasbourg à Bruxelles, car les traités sont clairs sur ce point et leur modification suppose l'unanimité ; je n'ai aucune raison de douter que le Gouvernement français s'opposerait à une telle modification.

En revanche, ce que l'on peut craindre, c'est un glissement progressif, insidieux, vers Bruxelles.

De cinq jours à l'origine, la durée des sessions à Strasbourg a été réduite à quatre jours voilà quelques années : les sessions commencent le mardi matin et se terminent théoriquement le jeudi soir. En réalité, très souvent, les députés quittent Strasbourg dès le mercredi soir.

Ne se dirige-t-on pas, en définitive, vers une session mensuelle symbolique d'une seule journée ? Trois charters arriveront de Bruxelles le matin avec les parlementaires et quelques fonctionnaires, et, après trois discours et deux votes, les mêmes avions ramèneront dès le soir tout ce beau monde dans la capitale belge. Formellement, Strasbourg restera le siège du Parlement européen, mais politiquement, le contenu des sessions sera réduit à la portion la plus modeste. Il y a là un vrai danger.

C'est la raison pour laquelle je suggère que soit prise une initiative diplomatique forte, à travers laquelle serait clairement réaffirmée la nécessité de maintenir le Parlement européen à Strasbourg et de lui conférer un rôle politique essentiel, de manière que Strasbourg soit vraiment la capitale parlementaire de l'Europe.

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