Question de Mme PAYET Anne-Marie (La Réunion - UC-UDF) publiée le 27/07/2006

Mme Anne-Marie Payet attire l'attention de M. le ministre de la santé et des solidarités sur le fait que les méthodes classiques d'évaluation de toxicité sont largement fondées sur l'expérimentation animale alors qu'il est prouvé scientifiquement qu'aucune espèce animale n'est un modèle biologique fiable d'une autre. Ceci rend très hasardeuse la transposition de résultats des animaux vers l'homme et fait courir des risques inutiles à nos concitoyens lors des essais cliniques.
En effet, la recherche moderne a créé des méthodes non invasives, véritablement scientifiques, permettant de mesurer précisément les réactions biologiques humaines à une substance. L'une des plus avancées de ces méthodes est la toxicogénomique. Elle présente des avantages considérables en termes de fiabilité, de coût et de rapidité. C'est la raison pour laquelle la toxicogénomique est largement utilisée aux Etats-Unis et au Japon. Ainsi, elle marque son étonnement face à sa quasi inutilisation en Europe.
Une approche originale de cette méthode a pourtant été développée par un comité scientifique qui en a informé les services du ministère ainsi que ceux de l'Agene française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS) et de la Haute autorité de santé (HAS), sans obtenir à ce jour de réponse.

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Réponse du Ministère délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille publiée le 15/11/2006

Réponse apportée en séance publique le 14/11/2006

M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Payet, auteur de la question n° 1105, adressée à M. le ministre de la santé et des solidarités.

Mme Anne-Marie Payet. Ma question s'adresse à M. le ministre de la santé et des solidarités et porte sur les méthodes classiques d'évaluation de toxicité des médicaments.

Celles-ci sont largement fondées sur l'expérimentation animale alors qu'il est prouvé scientifiquement qu'aucune espèce animale ne constitue un modèle biologique fiable pour une autre espèce. Une même substance peut, par exemple, être déclarée cancérigène ou non cancérigène selon la lignée de souris sur laquelle on la teste.

La transposition à l'homme de résultats obtenus sur des animaux n'en est que plus hasardeuse ; elle fait courir des risques inutiles à nos concitoyens lors des essais cliniques.

En effet, la recherche moderne a créé des méthodes non invasives, véritablement scientifiques, permettant de mesurer précisément les réactions biologiques humaines à une substance chimique. La toxicogénomique est l'une de ces méthodes les plus avancées. Elle présente des avantages considérables en termes de fiabilité, de coût et de rapidité. C'est la raison pour laquelle elle est largement employée aux États-Unis et au Japon ; je m'étonne de sa quasi-inutilisation en Europe.

Une approche originale de cette méthode a pourtant été développée par un comité scientifique qui en a informé les services du ministère de la santé, ainsi que ceux de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, l'AFSSAPS, et de la Haute autorité de santé, sans obtenir de réponse à ce jour.

Monsieur le ministre, ne faudrait-il pas développer la toxicogénomique en France ? Nous ne devons pas oublier qu'un accident est survenu, en mars dernier, au cours d'essais cliniques d'un médicament, conduisant six volontaires au seuil de la mort. Le médicament en cause avait pourtant passé sans encombre les tests précliniques sur des animaux. Cet accident confirme le manque de fiabilité des méthodes classiques d'évaluation de la toxicité des médicaments, souligné par un grand nombre de scientifiques.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Madame le sénateur, il va de soi que le Gouvernement partage entièrement votre préoccupation.

Bien entendu, chaque fois que des expérimentations animales peuvent être évitées, la mise en oeuvre de méthodes de substitution est un devoir. Mais, vous le savez bien, cet objectif est difficile à atteindre, car notre priorité reste naturellement l'amélioration de la santé humaine.

Nous savons que certaines méthodes n'ont, malheureusement, pas toujours pas d'alternative : c'est, parfois, le cas de l'expérimentation animale. Je souhaite, bien entendu, que nous puissions pousser les feux de la recherche sur les techniques substitutives pour atteindre le même degré d'efficacité. Il ne faudrait cependant pas que notre préoccupation commune de protection des animaux nous conduise à mettre en péril la mise au point de médicaments ni la vérification de leur innocuité, dans le cadre d'essais thérapeutiques qui sont pratiqués encore aujourd'hui sur l'animal.

Les autorités compétentes au niveau européen, comme le Gouvernement, ont pris en compte depuis de nombreuses années la nécessité de remplacer, chaque fois que c'est possible et justifié, les techniques classiques d'évaluation de toxicité fondées sur l'expérimentation animale par des techniques de rechange.

L'AFSSAPS a toujours été particulièrement impliquée dans le développement de ces nouvelles méthodes visant à réduire ou à remplacer l'expérimentation animale, en relation avec les autorités sanitaires ainsi que les milieux universitaires et industriels. Je veux ici rendre hommage au travail remarquable accompli à la tête de cette agence par M. Jean Marimbert afin de développer ces méthodes substitutives, avec le souci éthique que nous partageons avec vous.

Toutefois, la démarche visant à substituer une méthode in vitro, telle que la toxicogénomique, à une méthode in vivo nécessite des étapes de validation souvent longues et toujours complexes. Il faut prouver que la nouvelle méthode in vitro permet effectivement de supprimer le recours aux tests sur l'animal tout en donnant des résultats aussi fiables. Bien que la recherche ait progressé, il n'est pas possible de renoncer à toutes les expérimentations menées sur l'animal, en l'état actuel des connaissances scientifiques.

Par ailleurs, les tests réalisés par l'AFSSAPS n'ont recours aux animaux que lorsque les nécessités de contrôle, ou la réglementation européenne, l'imposent strictement en excluant tout autre procédure. L'utilisation des animaux est ainsi essentiellement limitée aux contrôles d'activité et de sécurité des vaccins dans le cadre de la procédure européenne de libération des lots par l'autorité nationale.

L'Agence porte toute son attention sur l'intérêt et l'apport des nouvelles approches en toxicogénomique. Elle est notamment engagée dans des actions concrètes visant à réduire le recours à l'animal de laboratoire.

L'une de ces actions porte sur un projet de recherche, développé en collaboration avec les équipes du Commissariat à l'énergie atomique, qui vise à utiliser des puces ADN dans des dispositifs d'aide au diagnostic après intoxication chimique ou biologique.

L'autre consiste en la création d'une plate-forme nationale pour le développement des méthodes de substitution, réunissant de nombreux intervenants, le ministère de la recherche, bien sûr, ainsi que l'Institut national de la santé et de la recherche médicale, l'INSERM, le Centre national de la recherche scientifique, le CNRS, l'Agence française de sécurité sanitaire environnementale et les industriels du médicament, mais aussi des cosmétiques et de la chimie. Le débouché vers des sources de financements européens sera ainsi facilité, le coût de la validation des méthodes substitutives demeurant, à l'heure actuelle, très important.

Madame le sénateur, je voulais prendre devant vous l'engagement de poursuivre le développement des méthodes de substitution. Mais je suis aussi dans l'obligation de vous rappeler que nous sommes contraints, aujourd'hui encore et, je l'espère, beaucoup moins demain, de continuer à procéder à certaines expérimentations sur l'animal.

M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Payet.

Mme Anne-Marie Payet. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le ministre.

Il faut savoir que les tests effectués sur les animaux ont été qualifiés récemment de « mauvaise science » par un responsable scientifique de la Commission européenne, qui vient de créer un département de toxicogénomique.

Je suis heureuse d'apprendre que la position de la France a évolué sur ce sujet. Je pense que notre pays pourrait être à l'avant-garde dans ce domaine. En persistant dans l'immobilisme, il se priverait en revanche d'une occasion que nos collègues belges entendent saisir : le Sénat belge étudie en effet actuellement une récente proposition de résolution demandant au gouvernement fédéral de « réaliser une étude de faisabilité en vue de la création d'un centre belge de toxicogénomique ».

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