Question de M. POZZO di BORGO Yves (Paris - UC-UDF) publiée le 03/08/2006

M. Yves Pozzo di Borgo attire l'attention de Mme la ministre de la défense sur le projet d'aménagement de l'Ecole militaire de Paris et de son quartier environnant. Une réhabilitation de ce patrimoine historique est à envisager. Elle répondrait à certaines utilisations inopportunes, désordonnées, voire inesthétiques. Plusieurs réflexions et directions seraient à prendre en considération : préservation de la tradition équestre de l'Ecole militaire, rénovation de certains bâtiments, maintien d'une opportunité militaire et peut-être une ouverture au public, en partie. Le transfert de l'état-major de l'armée de terre et l'éventuelle installation du Collège européen sont des idées maîtresses. Certaines informations relatent la décision gouvernementale d'implantation de l'état-major de l'armée de terre dans le périmètre de l'Ecole militaire, en lieu et place du grand manège. Elle se concrétiserait par la construction d'un nouveau bâtiment et la réhabilitation de certains autres. Il souhaite connaître les intentions exactes du Gouvernement, ses choix définitifs et l'état d'avancement précis du dossier. De plus, il demande communication de la procédure suivie et ses différentes étapes, le calendrier arrêté et la programmation fixée. Dans l'affirmative, il l'interroge sur le cahier des charges à observer et la prise en compte des critères urbanistiques et environnementaux : ministère de la culture, bâtiments de France.

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Réponse du Ministère délégué aux affaires européennes publiée le 26/10/2006

Réponse apportée en séance publique le 25/10/2006

M. le président. La parole est à M. Yves Pozzo di Borgo, auteur de la question n° 1106, adressée à Mme la ministre de la défense.

M. Yves Pozzo di Borgo. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je souhaite aujourd'hui attirer votre attention sur le projet d'aménagement de l'École militaire de Paris et de son quartier environnant. Cet ensemble de treize hectares, situé en plein coeur de Paris, a besoin d'être réhabilité, n'étant plus fonctionnel ni utilisé à pleine capacité, ses diverses utilisations étant d'ailleurs fort désordonnées.

Lors de chaque élection présidentielle, le serpent de mer de cet aménagement revient.

En 1981, il avait été envisagé de supprimer le manège, qui est un lieu d'histoire et de création de nombreux concepts de cavalerie.

Sous François Mitterrand, l'installation de la présidence de la République à l'École militaire avait été évoquée.

Aujourd'hui, l'état-major européen s'installant à Paris à la place de l'état-major de l'armée de terre, vous avez pris la décision, au mois de juin dernier, de transférer ce dernier dans l'enceinte de l'École militaire. C'est apparemment une bonne chose, car ce transfert va s'accompagner d'un réaménagement général de l'École et de la construction d'un bâtiment neuf, pour un coût total de 75 millions d'euros. Une réflexion d'ensemble fait toutefois défaut.

Outre le fait qu'il est surprenant qu'un état-major s'installe dans une école en temps de paix, il faut savoir que l'implantation de l'état-major européen en France n'est pas définitive, car cet état-major ira ensuite de pays en pays.

Les quartiers du centre de Paris, notamment le VIIe arrondissement, regroupent de nombreux ministères, installés dans des hôtels particuliers, certes magnifiques, mais inadaptés à la modernisation. Une décongestion et un déplacement des administrations sont donc nécessaires.

Certains grands ministères avaient choisi de s'agrandir dans le centre de Paris. Et il fallut, dans les années soixante-dix, le scandale de la destruction par le ministère de l'agriculture d'un magnifique hôtel particulier situé au coin de la rue de Varenne et de la rue Barbey-de-Jouy pour qu'un plan de sauvegarde du VIIe arrondissement soit arrêté afin d'encadrer les décisions sur ce sujet.

Depuis, de grands ministères ont décentralisé leurs administrations. Le ministère de l'équipement s'est installé à La Défense, le ministère des finances a déménagé à Bercy. Seuls le ministère de la défense et le ministère de l'éducation nationale résistent, feignent de ne pas comprendre et veulent continuer à concentrer leur logistique humaine dans le centre de Paris.

La décision d'installer l'état-major de l'armée de terre dans cette école bloque toute réflexion et toute décision ultérieure concernant l'axe Breteuil-Trocadéro, en passant par la tour Eiffel, le Champs-de-Mars, l'École militaire, pour terminer sur la place de Fontenoy, axe historique qu'il faut transmettre aux générations futures dans un devoir de mémoire et de culture.

Souvenons-nous que, à son époque, André Malraux avait déjà obtenu le départ opérationnel de l'armée de l'hôtel des Invalides afin de le transformer en un lieu de culture et de mémoire militaire.

Madame la ministre - et, à travers vous, madame la ministre déléguée, je m'adresse à Mme Alliot-Marie -, vous êtes attachée à la défense européenne, que vous avez su faire évoluer de façon pragmatique et efficace. À l'heure actuelle, l'école militaire dispense un enseignement supérieur militaire, au sein d'un pôle d'enseignement supérieur et de recherche. Pourquoi ne pas en faire une grande école européenne de défense ? Une telle école manque en Europe ! Redonnez à cette école sa vocation d'origine, qui était de « donner au pays un esprit militaire et de défense à une élite qui a façonné le pays » ! Il y a deux siècles, elle formait les jeunes nobles pauvres. Napoléon en a profité.

Aujourd'hui - et vous vous êtes battue pour qu'il en soit ainsi - le développement de la défense européenne est un élément important de la construction européenne. Accompagnez ce mouvement en développant l'idée d'une éducation européenne des jeunes élites militaires de tous les pays d'Europe et en faisant de cette école militaire une grande école européenne !

Pour répondre à l'évolution de l'urbanisation administrative, pourquoi ne pas réfléchir à un Pentagone à la française, à la périphérie ou à l'extérieur de Paris ? L'armée de terre a des possibilités foncières ; je pense aux réserves de Versailles-Satory, où vingt-deux hectares sont disponibles, ou à celles de Montléry, sans même parler de Vincennes ou de Balard.

Afin de permettre à cette école d'être à la hauteur du rôle historique qu'elle doit continuer de jouer, aurez-vous le courage, madame la ministre, de revenir sur cette décision et de ne pas cautionner les décisions de votre administration qui ne souhaite pas quitter le centre de Paris, peut-être pour des raisons de convenances personnelles ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Catherine Colonna, ministre déléguée aux affaires européennes. Mme la ministre de la défense, qui ne pouvait être présente ce matin, m'a chargée de vous apporter la réponse suivante, monsieur le sénateur.

L'École militaire de Paris a vocation à regrouper l'ensemble des capacités d'enseignement supérieur militaire et de réflexion doctrinale des armées.

La constitution d'un centre interarmées de concepts, de doctrines et d'expérimentation comme la création d'un centre de documentation commun aux différentes formations de l'École militaire, décidées par Mme la ministre de la défense, concrétisent cette vocation. Ainsi sera confortée la vocation première de ce site prestigieux, qui permettra la rencontre des milieux académique et militaire.

Le centre de documentation sera également ouvert au grand public. Cette ouverture sera matérialisée par un accès spécifique.

Le pôle d'enseignement de défense regroupant les deux centres sera installé dans les bâtiments se situant le long de l'avenue de Suffren.

Le Collège européen de sécurité et de défense que vous évoquez est un réseau d'institutions des pays membres. À ce jour, il n'a pas vocation à se sédentariser dans un lieu unique.

En cohérence avec ce projet, la réorganisation de l'outil de commandement de niveau stratégique, prévue dans la loi relative à la programmation militaire pour les années 2003 à 2008, conduit le ministère de la défense à installer, d'ici à 2009, l'état-major de l'armée de terre dans la partie est de l'École militaire.

Le transfert de l'état-major de l'armée de terre sur le site de l'école militaire, à proximité des instances décisionnelles du ministère de la défense, s'est donc imposé pour des raisons opérationnelles et stratégiques.

Ce réaménagement implique la destruction de locaux vétustes abritant actuellement le manège équestre et un garage automobile, ainsi que la création d'un nouveau manège d'équitation aux normes les plus récentes. Il sera construit dans la cour Westel, permettant ainsi de maintenir l'activité équestre du site.

La construction d'un nouveau bâtiment prenant en compte les contraintes architecturales et historiques du site est prévue à l'emplacement de l'actuel manège. À cette fin, un concours d'architectes a été lancé. Un jury réunissant l'ensemble des autorités compétentes en matière d'architecture et de protection des sites classés a retenu la candidature du maître d'oeuvre de ce projet. L'architecte en chef des Monuments historiques et l'architecte des Bâtiments de France sont étroitement associés aux différentes étapes de ce dossier.

Les travaux de construction débuteront en novembre 2007.

Soyez assuré, monsieur le sénateur, de la vigilance du ministère de la défense dans la mise en oeuvre de ce projet qui, tout en répondant à un impératif opérationnel et fonctionnel, doit également contribuer au prestige de ce lieu de mémoire et de ce patrimoine historique, dont le ministère est le garant.

Enfin, dans un souci de très large concertation, Mme la ministre de la défense a demandé au général gouverneur militaire de Paris de rencontrer les élus, les représentants de la préfecture de Paris et de la mairie de Paris, ainsi que les associations de riverains, afin d'apporter les réponses nécessaires aux questions et aux préoccupations que peut susciter ce projet.

Dans ce sens, une exposition permanente présentant le projet ainsi qu'une structure de concertation seront mises en place dès cet automne, sous l'autorité du gouverneur militaire de Paris, afin de mieux expliquer ledit projet et de faciliter le dialogue.

M. le président. La parole est à M. Yves Pozzo di Borgo.

M. Yves Pozzo di Borgo. Je vous remercie, madame la ministre, de votre réponse, qui n'apporte cependant aucun élément nouveau.

Je maintiens ma position. Je considère que la décision a été prise par l'armée de façon endogène, c'est-à-dire sans tenir compte de l'ensemble des éléments, même si elle organise actuellement, de façon très efficace, la concertation avec les élus et les associations.

Or ce dossier mérite une réflexion beaucoup plus générale sur l'histoire du pays et de Paris ; je regrette donc que la décision ait été prise uniquement par des militaires !

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