Question de M. COINTAT Christian (Français établis hors de France - UMP) publiée le 14/09/2006

M. Christian Cointat attire l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur la situation des familles françaises dont une partie a été rapatriée en France à la suite des événements survenus en Côte d'Ivoire et dont l'un des conjoints continue à résider dans ce pays, en matière de détermination de leur domicile fiscal. Il lui rappelle qu'il a été admis que ces contribuables qui ont dû rapatrier leur famille en France en 2003 ou 2004 n'ont pas perdu, au titre de ces deux années, leur statut de résidant fiscal de Côte d'Ivoire. (cf. Réponse ministérielle à la question écrite n° 16545 du 17/03/2005, JO, Sénat, questions, 25 août 2005). Il lui expose que cette situation n'a pas changé en 2005, les intéressés se trouvant confrontés aux mêmes incertitudes et difficultés. Il lui demande, en conséquence, de bien vouloir lui faire connaître si l'interprétation retenue pour les années 2003 et 2004 peut être étendue aux revenus de 2005.

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Réponse du Ministère de l'écologie et du développement durable publiée le 26/10/2006

Réponse apportée en séance publique le 25/10/2006

M. le président. La parole est à M. Christian Cointat, auteur de la question n° 1113, adressée à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

M. Christian Cointat. Madame la ministre, nos compatriotes de Côte d'Ivoire ont subi de nombreuses d'épreuves, en particulier lors des troubles civils de 2003, qui se sont traduits par l'évacuation urgente de la majorité d'entre eux. Ils ont dû tout laisser. Leurs maisons ont été pour la plupart pillées, leurs entreprises aussi. Les écoles ont été saccagées. Ils ont connu l'angoisse de menaces insupportables, des menaces physiques, des menaces de mort. Ils ont subi un traumatisme dont beaucoup ont encore du mal à se remettre.

Le Gouvernement a su prendre alors les mesures urgentes de rapatriement et d'accueil en France qui s'imposaient. Le Comité d'entraide aux Français rapatriés et plusieurs associations caritatives, dont la Croix-Rouge, leur sont venus en aide à l'arrivée à Paris.

Leurs ennuis ne sont malheureusement pas terminés. Un certain nombre de chefs d'entreprise ou de salariés sont retournés en Côte d'Ivoire pour tenter de reconstruire leur entreprise ou leur vie professionnelle. Il est à ce sujet regrettable qu'aucun moratoire de leurs dettes professionnelles envers des organismes de crédit français n'ait alors été envisagé. Plusieurs d'entre eux avaient en effet contracté des emprunts auprès de banques françaises pour la création ou le développement de leurs entreprises en Côte d'Ivoire. Je demande au Gouvernement, madame la ministre, de bien vouloir se pencher sur cette question qui les touche encore aujourd'hui.

Compte tenu de l'évolution toujours incertaine des événements, les intéressés ont généralement préféré laisser en France leur famille, épouse et enfants. S'est alors posée la question de leurs impôts : où devaient-ils les acquitter ?

La France et la Côte d'Ivoire ont conclu le 6 avril 1966 une convention fiscale dont l'article 2 dispose qu'une personne physique est domiciliée au lieu où elle a son « foyer d'habitation permanent ». Cette expression désigne le centre des intérêts vitaux, c'est-à-dire le lieu avec lequel ses relations personnelles sont les plus étroites ; en général, c'est l'endroit où se trouve la famille du contribuable, où il a ses liens affectifs. Si ce critère n'est pas suffisant, il est fait appel au critère du séjour le plus long.

Appliquées aux personnes qui ont dû revenir en raison des événements en Côte d'Ivoire et qui ont laissé en France leur famille, ces dispositions auraient pu aboutir à une domiciliation fiscale en France. Toutefois, eu égard aux circonstances exceptionnelles de leur présence, temporaire et indépendante de leur volonté, sur le territoire français alors même que le centre de leurs intérêts économiques, sociaux et affectifs restait en Côte d'Ivoire, le Gouvernement a admis, à ma demande, que leur séjour en France n'avait pas été suffisamment durable pour leur faire perdre pour la période en cause le statut de résidents fiscaux de Côte d'Ivoire. Il a été en conséquence demandé aux services fiscaux français d'apprécier leur situation de manière bienveillante en 2003.

Dans sa réponse à ma question écrite du 17 mars 2005, le Gouvernement a bien voulu admettre que les contribuables qui ont dû rapatrier leur famille en France en 2003 ou en 2004 en raison des événements survenus en Côte d'Ivoire ne perdaient pas, au titre de ces deux années, leur statut de résident fiscal de Côte d'Ivoire, et je le remercie très chaleureusement des efforts qu'il a faits en cette occasion, car il a su faire preuve de compréhension et d'humanité. Il a également aidé, par ces mesures, à la reconstitution de l'activité professionnelle et des biens de nos compatriotes revenus en Côte d'Ivoire.

Cependant, aujourd'hui, ces mêmes compatriotes se trouvent de nouveau dans une situation précaire. Des troubles sont toujours possibles en raison de l'instabilité du contexte politique. Les élections prévues par la communauté internationale ne pourront avoir lieu à la date fixée en raison de l'impossibilité pour les magistrats ivoiriens d'établir des listes électorales fiables. La communauté internationale vient donc de décider de reporter d'un an le règlement de cette crise ; il serait logique dans ces conditions de proroger d'autant les mesures de bienveillance qui ont été accordées pour les exercices précédents.

Aussi nos compatriotes demandent-ils une ultime prorogation - je dis bien : ultime, madame la ministre -, compte tenu des épreuves qu'ils ont subies et du fait que le centre de leurs intérêts économiques, en réalité, est en Côte d'Ivoire, les épouses des intéressés n'ayant généralement pas retrouvé de travail en France.

Il s'agit donc de tenir compte de la situation exceptionnelle de compatriotes qui continuent de subir les conséquences douloureuses des événements et qui peinent pour subsister alors qu'ils rendent service à la France en étant retournés sur place. Il s'agit aussi de l'intérêt des entreprises françaises en Côte d'Ivoire, qui rencontrent de nombreuses difficultés financières pour se reconstruire et reprendre leurs activités.

Je fais donc appel une nouvelle fois, madame la ministre, à la bienveillance du Gouvernement dans le traitement de ces situations difficiles.

M. Charles Pasqua. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Nelly Olin, ministre de l'écologie et du développement durable. Monsieur le sénateur, ainsi que vous l'avez rappelé, à la suite des événements survenus en Côte d'Ivoire depuis 2003, de nombreux Français qui y résidaient jusqu'alors ont rapatrié leurs familles en France. Certains d'entre eux continuent néanmoins d'exercer une activité professionnelle en Côte d'Ivoire.

Dans la mesure où les dispositions de l'article 2 de la convention fiscale franco-ivoirienne de 1966 pouvaient conduire à les domicilier en France, et eu égard aux circonstances exceptionnelles de leur présence temporaire sur le territoire français, il avait été effectivement admis que les intéressés ne perdraient pas, au titre des années 2003 et 2004, leur statut de résident fiscal en Côte d'Ivoire.

Les événements de novembre 2004 ont de nouveau conduit de nombreux compatriotes à quitter massivement et précipitamment la Côte d'Ivoire pour la France, si bien qu'un nombre important de Français exerçant une activité professionnelle en Côte d'Ivoire avant ces événements sont rentrés au cours de l'année 2005.

Il peut donc être admis que les contribuables ayant dû rapatrier leur famille en France en 2003, 2004 ou 2005 en raison des événements survenus en Côte d'Ivoire ne perdent pas, au titre de ces trois années, leur statut de résident fiscal de Côte d'Ivoire.

Bien entendu, pour les revenus de 2006, les intéressés ne conserveront ce statut que si leur foyer d'habitation permanent se trouve à nouveau situé en Côte d'Ivoire.

M. le président. La parole est à M. Christian Cointat.

M. Christian Cointat. Je vous remercie très chaleureusement de vos propos, madame la ministre, car ils vont dans le sens souhaité par nos compatriotes : ceux-ci vous en seront très reconnaissants.

Václav Havel a eu cette jolie phrase : « L'espérance n'est pas au bout d'une prévision, elle est au coeur de la volonté. » Vous avez eu la volonté, madame la ministre ; nous avons l'espérance. (Marques d'admiration.)

M. le président. Un philosophe chrétien, Étienne Borne, disait : « La politique est partout, mais la politique n'est pas tout. » De telles réponses forcent l'unanimité.

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