Question de M. GODEFROY Jean-Pierre (Manche - SOC) publiée le 20/10/2006

Question posée en séance publique le 19/10/2006

M. Jean-Pierre Godefroy. Ma question s'adresse à M. le ministre des affaires étrangères.

Depuis 1991, Anna Politkovskaïa est la quarante-deuxième journaliste tuée en Russie. Dans son dernier livre, qui est intitulé La Russie selon Poutine, elle dénonçait non seulement les exactions en Tchétchénie, mais également la corruption et les attaques contre les droits de l'homme en Russie. Avant son assassinat, elle s'apprêtait à publier un article consacré à la torture en Tchétchénie, photos à l'appui.

C'est l'une des seules voix qui ait osé dénoncer les exactions commises par l'armée russe en Tchétchénie, ce pays qui disparaît. Dans le même temps, les pressions à l'encontre des défenseurs des droits de l'homme se renforcent et la Russie continue d'empêcher la venue dans la région du rapporteur spécial de l'ONU sur la torture.

Jusqu'à présent, les États occidentaux ont fait preuve d'une indulgence coupable face à la situation actuelle en Russie et en Tchétchénie. Comme je vous le disais déjà au mois de mars 2005, à l'occasion d'une autre séance de questions d'actualité, après l'assassinat d'Aslan Maskhadov, qui était le président tchétchène légalement élu, aucune raison stratégique ou économique ne justifie ce silence persistant.

La condamnation unanime de l'assassinat d'Anna Politkovskaïa par la communauté internationale ne doit pas en rester au stade des vaines paroles, sauf à la tuer une seconde fois.

Monsieur le ministre, je vous poserai donc quatre questions.

D'abord, que comptent faire la France et l'Europe pour que l'enquête internationale indépendante sur cet assassinat, qui a été demandée par les organisations des droits de l'homme, soit menée jusqu'au bout dans la transparence ?

Ensuite, que comptent faire la France et l'Europe pour garantir la liberté de la presse et des défenseurs des droits de l'homme en Russie comme en Tchétchénie ?

Par ailleurs, que comptent faire la France et l'Europe pour mettre fin à la politique russe de torture et d'épuration en Tchétchénie ? À cet égard, je rappelle que, selon les estimations des ONG, la population est passée de 1 million à 500 000 habitants.

Monsieur le ministre, on ne peut tout à la fois reconnaître le génocide arménien de 1915 - je fais référence à la loi du 29 janvier 2001 - et fermer les yeux sur le drame tchétchène, laissant ainsi aux générations futures le soin de le dénoncer.

Enfin, que compte faire la France pour contraindre M. Poutine, qui a par ailleurs été élevé à la dignité de grand-croix de la Légion d'honneur par le Président de la République, à respecter les droits de l'homme, la liberté de la presse et la libre investigation des organismes internationaux habilités ?

Monsieur le ministre, le 20 octobre, c'est-à-dire demain, les vingt-cinq chefs d'État et de gouvernement de l'Union européenne rencontreront M. Poutine à Lahti, en Finlande. Avez-vous l'intention de saisir cette occasion pour aborder le sujet, ainsi que la situation en Géorgie, qui est inscrite à l'ordre du jour ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

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Réponse du Ministère des affaires étrangères publiée le 20/10/2006

Réponse apportée en séance publique le 19/10/2006

M. Philippe Douste-Blazy, ministre des affaires étrangères. Monsieur le sénateur, je voudrais d'abord dire ici ma très vive émotion, qui, je le sais, est partagée sur toutes les travées de la Haute Assemblée, devant le lâche et horrible assassinat d'Anna Politkovskaïa.

En effet, au-delà de la journaliste courageuse qui n'a jamais eu peur de dire la vérité, y compris s'agissant de la Tchétchénie, c'est la liberté de la presse qui est remise en cause. Pourtant, il s'agit d'une valeur à laquelle tous les pays, même la Russie, doivent se montrer fidèles.

Au nom de la France, j'ai demandé, nous avons demandé aux autorités russes que toute la lumière soit faite sur l'assassinat d'Anna Politkovskaïa. Une enquête a été diligentée ; nous souhaitons qu'elle aboutisse le plus rapidement possible.

Afin de connaître la vérité, j'ai demandé à deux institutions européennes, l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, l'OSCE, et le Conseil de l'Europe, de nous apporter tout leur soutien.

En effet, l'OSCE a un mandat spécifique sur la liberté de la presse. Quant au Conseil de l'Europe, il a, via le Commissaire aux droits de l'homme, un mandat plus large, qui concerne l'état de droit.

Monsieur le sénateur, chaque fois que je me suis rendu en Russie ou que je me suis entretenu avec un représentant de ce pays, comme mon homologue M. Sergueï Lavrov, le ministre russe des affaires étrangères, j'ai toujours abordé la question des droits de l'homme en demandant que ceux-ci soient respectés.

Vous avez également évoqué la Georgie. De notre point de vue, les relations entre le Russie et ce pays sont aujourd'hui très préoccupantes. Nous demandons donc aux deux parties de reprendre le dialogue.

C'est pourquoi, la semaine dernière, au sein du Conseil de sécurité de l'ONU, nous avons voté la résolution 1716, qui tend à proroger la mission des Nations unies en Georgie et à réaffirmer l'attachement à la souveraineté, à l'indépendance et l'intégrité territoriale de ce pays. J'aurai d'ailleurs l'occasion de recevoir mon homologue géorgien le 10 novembre ou le 11 novembre au Quai d'Orsay.

Sachez, monsieur le sénateur, que la France ne trahira à aucun moment ses propres valeurs, qui sont le respect de la souveraineté des peuples, de l'identité et de l'indépendance nationales et de l'intégrité territoriale. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

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